Sur les pavés, le manque d’accessibilité à nouveau dénoncé, façon commando à Paris
À l’appel du Collectif pour une France accessible, une vingtaine de personnes handicapées ont quitté leur fauteuil roulant, mercredi 27 mai, et se sont allongées sur les pavés parisiens, tout près de l’Élysée. Objectif de cette action “commando” ? Protester sans relâche contre les retards de la mise en accessibilité de la France et interpeller François Hollande sur la nécessité de modifier l’ordonnance accessibilité du 26 septembre 2014, jugée trop dérogatoire. Dans moins d’une semaine, le 2 juin, le projet de loi de ratification de ce texte sera débattu en séance publique au Sénat. Des actions coup de poing ont également eu lieu dans de nombreuses régions en signe de protestation.
Des barrières, des CRS et des fauteuils roulants renversés. À terre, des personnes handicapées couchées à même les pavés, certaines les yeux fermés. À l’appel du Collectif pour une France accessible, une vingtaine de ses membres ont décidé, ce mercredi 27 mai, de mener une opération “commando” et de s’allonger dans la rue pour signifier au président de la République, tout en alertant l’opinion publique, qu’il est urgent de faire enfin rimer accessibilité avec réalité. Le premier “Die-in”, action au cours de laquelle les participants simulent la mort, de personnes handicapées moteur vient d’avoir lieu en France, selon ses organisateurs.
« À terre car nous sommes traités comme de la merde. »
Voilà donc bloquée la rue de Saussaie, à l’orée de la Place Beauvau, dans le 8e arrondissement de Paris, siège du ministère de l’Intérieur. Très tôt alertées par ce groupe de personnes à mobilité réduite déambulant à la queue leu leu sur des trottoirs étroits et suivi de près par moult caméras de télé, les forces de l’ordre n’ont guère tardé à déployer un dispositif afin de les empêcher d’avancer. Le barrage reste toutefois filtrant afin que tout autre bipède valide, voire quadrupède, puisse continuer à circuler. « Nous sommes à terre car nous sommes traités comme de la merde !, hurle une des participantes. Vous verrez, vous aussi un jour vous serez vieux, handicapés et alors bon courage ! »
« Il faut que l’accessibilité avance mais depuis quarante ans elle ne fait que reculer. »
La date de cette action n’a rien d’un hasard. Mercredi, c’est le jour du Conseil des Ministres. Il se tient, tout près, à quelques mètres de là, à l’Élysée. Contraste entre la vaste rue déserte longeant le prestigieux bâtiment et la zone toute étriquée où les manifestants ont été parqués. Une semaine auparavant, le 20 mai, la Commission des affaires sociales du Sénat a entamé l’examen du projet de loi de ratification de l’ordonnance accessibilité du 26 septembre 2014. Et dans moins d’une semaine, le mardi 2 juin, les “Sages” débattront du texte en séance publique. Certes, ils ont déjà adopté huit amendements, dont deux visant à mieux l’encadrer. Mais pour les associations du collectif, une quarantaine, le compte n’y est pas.
Pour elles qui représentent des personnes handicapées, des piétons, des familles…, l’ordonnance déconstruit ce que la loi du 11 février 2005 a voulu bâtir : un pays accessible à tous. Affaire de tous, elle sert à chacun. Comment ? En accordant des délais supplémentaires aux gestionnaires d’établissement recevant du public (ERP) et de moyens de transports pour déposer leur agenda d’accessibilité programmée (Ad’ap) en cas de difficultés financières, en permettant aux copropriétaires dont l’immeuble d’habitation accueille un ERP de refuser les travaux d’accessibilité, etc. Inadmissible pour le collectif qui, le 20 mai a déjà demandé aux sénateurs d’apporter des « modifications fondamentales » à l’ordonnance. « Il faut que l’accessibilité avance mais depuis quarante ans elle ne fait, hélas, que reculer », constate à la fois amère mais néanmoins déterminée Lætitia Petitjean, membre du conseil d’administration de l’APF.
« La France sera-t-elle le dernier pays en Europe à se préoccuper de ses handicapés ? »
Dans la rue de Saussaie, les passants écoutent indifférents, interloqués, voire profondément agacés, les participants du “Die-in” entonner dignement le chant des partisans, écho à l’événement du jour : l’entrée au Panthéon de quatre grandes figures de la Résistance. Sophie, la patronne du magasin “Un jour, un sac”, s’indigne : « La France est minable envers les personnes handicapées. Comme d’habitude, nous sommes à la traîne par rapport à d’autres pays européens. » C’est aussi le triste constat d’Alain Rochon, le président de l’APF , au micro de Faire Face.
Malgré les mines fermées, l’humour fuse de temps en temps. Face aux CRS alignés devant les barrières, Maria Garcia, membre de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP) s’exclame : « Nous devrions leur demander de nous arroser pour voir si on pousse ! Mais ça va pas les arranger car on va se multiplier. » Le gouvernement de François Hollande, et plus particulièrement sa ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, planche aussi en ce moment sur un projet de loi portant sur l’adaptation de la société au vieillissement. Mais comment envisager le futur, sans regarder le présent ni tenir compte des engagements du passé et de toutes ces personnes en situation de handicap, personnes âgées, parents avec jeunes enfants et poussette, privées du plein exercice de leur citoyenneté par manque d’accessibilité ?
« Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent . »
En régions, à travers de nombreuses mobilisations, les participants ont aussi posé cette question, via un sit-in devant la préfecture de Dijon, en Côte-d’Or. Dans la Drôme, les adhérents de l’APF se sont enchaînés devant la Préfecture pour en bloquer l’accès principal au public et aux salariés. À Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), ils ont manifesté sur les marches de l’ancienne Préfecture, lieu non accessible où se déroule toutes les réunions institutionnelles, tandis qu’à Moulins, dans l’Allier, ils s’enchaînaient, eux aussi, aux grilles de la préfecture en signe de protestation.
« Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont ceux dont un dessein ferme emplit l’âme et le front ; ceux qui d’un haut destin gravissent l’âpre cime, ceux qui marchent pensifs, épris d’un but sublime », a écrit Victor Hugo dans Les châtiments. Les citoyens handicapés continuent de lutter pour que la loi que leur pays a votée soit enfin appliquée sans être dévoyée. Texte et photos Valérie Di Chiappari
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5 commentaires
Sera-t’il ( F.H ) indifférent à cette action ??
Si ça marche tant mieux. Mais pour moi les gens savent ce qu’il font et si on fermait quelques commerces et restaurants, les autres feraient ce qu’il faut pour ne pas l’être. Faut être lucide sur le comportement des gens face au handicap (beaucoup de crevures et très peu de bienveillants)…
[…] https://www.faire-face.fr/2015/05/27/paves-handicapes-manque-daccessibilite/ […]
Je respecte les manifestants de hier, à Paris et en régions. Pour les résultats, à chacun son opinion. J’estime bien triste la manie de toujours jeter l’opprobre sur tout le monde: ce n’est pas ainsi qu’on suscite bienveillance et sympathie. Honte aux politiques et élus depuis 2005, oui sans doute mais pas au delà. Et peut-être, les multiples associations doivent aussi se poser des questions sur leur efficacité ces dernières années.
accessibilité c’est comme orthopédie,la maladie, ca foncionne avec le fric .
T cuit mon pote si on paye pas pour toi;
T dehors avec un bol et des engelures , des furoncles pour bruler ta peau .
Dommage; Dans un monde où tout est don , l’homme à voulu ce faire cher et ne juré que par le prix