Le projet de loi numérique ne rendra pas Internet accessible
De grands mots pour un objectif au rabais : le projet de loi pour une République numérique ne rend pas obligatoire l’accessibilité des sites Internet privés. Tout juste rappelle-t-il que les sites publics doivent être accessibles. Mais la loi de 2005 l’imposait déjà…
Imaginez une République qui ne garantirait pas les mêmes droits à tous ses citoyens. Intolérable, non ? C’est pourtant cette société que dessine le projet de loi pour une République numérique, dont l’examen par le Parlement démarre mardi 19 janvier. Le texte s’abstient en effet de rendre obligatoire l’accessibilité des sites Internet privés aux personnes en situation de handicap, qu’il soit visuel, moteur ou auditif.
L’accessibilité numérique pour tous
Même si le sujet est souvent porté par les aveugles et les mal-voyants, l’accessibilité numérique ne concerne pas uniquement les personnes handicapées visuelles. Le respect des normes d’accessibilité facilite également la navigation sur le Web des personnes sourdes et malentendantes ainsi que des internautes ayant des problèmes de mobilité des membres supérieurs et qui utilisent des claviers adaptés ou des dispositifs de détection des mouvements de la tête ou des yeux.
Les bâtiments doivent être accessibles mais pas le numérique
« Nous demandions qu’a minima les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à un certain plafond soient tenues de rendre leurs sites accessibles, explique Alex Bernier, le directeur de l’association Braillenet. Dans le bâti, l’accessibilité est obligatoire. Et c’est normal. Pourquoi Internet devrait-il rester à l’écart de cette évolution ? » Pour les personnes handicapées, comme pour tout un chacun, il est au moins aussi important de pouvoir acheter une paire de chaussures ou déclarer ses impôts en ligne que de se rendre dans un magasin ou au Trésor public.
Tous les sites publics auraient dû être accessibles en 2012 au plus tard
Pour les sites publics, le texte réaffirme l’obligation d’accessibilité… déjà inscrite dans la loi de février 2005 pour l’égalité des droits et des chances. Tout juste étend-elle aux organismes délégataires d’une mission de service public (ex. : une entreprise assurant la restauration collective dans les écoles) cet impératif qui s’appliquait déjà aux services de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics en dépendant. Il aura toutefois fallu patienter jusqu’en mai 2009 pour qu’un décret crée un référentiel d’accessibilité des services de communication publique en ligne. Il leur donnait deux à trois ans pour se mettre aux normes. Quasiment sept années plus tard, force est de constater que peu de sites Internet publics sont accessibles.
Une mention pour dire que le site est accessible… ou pas
Le projet de loi pour une République numérique impose donc à ces administrations d’élaborer un schéma pluriannuel de mise en accessibilité. Mais il faudra attendre – quatre ans encore ? – qu’un décret rende cette obligation effective… Par ailleurs, il oblige tout service de communication publique en ligne à afficher, « sur chacune de ses pages, une mention visible précisant s’il est ou non conforme aux règles d’accessibilité ». À défaut, il sera passible d’une sanction ne pouvant excéder 5 000 €. « Autrement dit, le projet de loi crée simplement une contrainte de communication ! C’est consternant », s’indigne Alex Bernier.
Les associations demandent un renforcement des obligations
Dans un courrier adressé au Premier ministre, début janvier, le Comité d’entente des associations représentatives de personnes handicapées et de parents d’enfants handicapés a demandé au gouvernement de « renforcer les obligations d’accessibilité au numérique dans ce projet de loi. » Pour que la République numérique ne soit pas une sous-République. Franck Seuret
Internet maintenu en cas d’impayé
Difficile de vivre sans eau ou sans électricité. Sans accès à Internet, non plus. Le texte prend acte de la place croissante prise par la Toile dans la vie quotidienne des Français. Son article 45 impose donc de maintenir le service d’accès à Internet, en cas d’impayé, jusqu’à ce que le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) ait statué sur la demande d’aide financière du ménage. Ce dispositif existe déjà pour la fourniture d’électricité, d’eau, de gaz et de téléphonie fixe.
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