Accessibilité et handicap : « Nous avons fait en fonction de nos possibilités. »
La loi handicap du 11 février 2005 a prévu dix ans pour que l’accessibilité en France devienne une réalité. Pourtant, depuis son adoption, élus et divers groupes défendant leurs intérêts privés au détriment de ceux de la collectivité surfent sur le contexte économique difficile actuel pour dire que l’accessibilité coûte trop cher, avancent qu’elle est techniquement impossible à réaliser.
Or, rendre la France accessible est possible. La preuve ? Des femmes et des hommes à la tête d’établissements culturels, de loisirs, de régies de transports, de services publics ou privés, des médecins, des hôteliers, des maires, des commerçants… eux, ils l’ont fait. Témoignage de Michel Fouchereau propriétaire depuis dix-huit ans de la Fromagerie d’Auteuil, dans le XVIe arrondissement de Paris.
« Depuis la réouverture fin août 2012, des habitants du quartier s’arrêtent : ils ne nous avaient jamais vus ! », sourit Michel Fouchereau. Fromager de renom, ce meilleur ouvrier de France 2004 a entièrement réaménagé sa boutique l’été dernier. « On devait changer les vitrines réfrigérées vieillissantes. On en a profité pour tout refaire et améliorer l’accessibilité. »
Sur les conseils d’un agenceur professionnel, l’intérieur du commerce et la devanture ont été totalement revus d’un point de vue fonctionnel et esthétique « pour être plus ouverts sur l’extérieur ». Les nouvelles vitrines sont disposées face à la rue dans la largeur, et non plus dans la profondeur du magasin. L’ancienne porte d’entrée, manuelle, a été remplacée par une ouverture coulissante automatique. Et le sol du magasin a été abaissé pour réduire -sans toutefois pouvoir la faire disparaître- la marche de 25 cm à l’entrée de la boutique : celle-ci fait désormais 8 cm de haut.
Rampe amovible et sonnette avec sigle handicapé
« C’est le problème de nombreux commerces à Paris : pas un seuil d’immeuble n’est au même niveau ! Nous avons fait venir une machine qui a sondé le béton au laser pour savoir à quelle profondeur nous pouvions creuser. Les marteaux piqueurs ont été au maximum : au-delà, nous tombions dans la cave d’affinage ! » Michel Fouchereau a finalement acheté une rampe amovible et installé une sonnette à côté de la porte avec le sigle handicapé pour que les clients ayant besoin d’aide préviennent ses employés. « Nous avons fait en fonction de nos possibilités », insiste-t-il, en listant les autres options : « Une rampe permanente qui empiète sur le trottoir, c’est interdit : le service voirie nous aurait dit de la retirer. Une rampe automatique, c’était vraiment plus cher, pas toujours fiable et nous n’avions plus la place de l’installer une fois notre sol abaissé. »
De bonne foi, le fromager a volontiers accepté les menus aménagements que son agenceur lui a proposés. Une tablette rétractable, à hauteur de fauteuil roulant, a ainsi été encastrée dans le comptoir au niveau de la caisse pour permettre à une personne handicapée de régler plus facilement ses achats. Les étiquettes des produits ont également été retravaillées pour être plus lisibles.
Des adaptations peu coûteuses qui font « partie de l’accueil de nos clients. Et puis, nous avons toujours accompagné ceux atteints d’un handicap, quitte à porter les personnes en fauteuil à l’intérieur avec les employés ! Les personnes âgées, on les aidait aussi à franchir la marche », se souvient Corinne, la sympathique épouse de Michel. Et si les fromagers gardent pour eux le coût total des travaux engagés, ils confirment du bout des lèvres les bénéfices engrangés : sept mois après sa réouverture, la Fromagerie d’Auteuil enregistre une augmentation de sa clientèle « ». Aurélia Sevestre – Photo Karine Lhémon
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