Une pétition réclame un mémorial pour les personnes handicapées exterminées par Hitler et mortes de faim sous Vichy
C’est un « appel national pour la création d’un mémorial en hommage aux enfants, femmes et hommes fragilisés par la maladie et le handicap, qui furent exterminés par le régime nazi ou condamnés à mourir par celui de Vichy », que vient de lancer Charles Gardou.
L’anthropologue, professeur à l’Université Lumière Lyon 2, qui consacre ses travaux aux situations de handicap, s’est associé à la députée européenne Sylvie Guillaume et à Jean-Marc Maillet-Contoz, le directeur de Handirect, pour lancer une pétition qui a récolté près de 1 500 signatures, à ce jour.
En Allemagne, 275 000 personnes handicapées physiques ou mentales ont été exterminées dans le cadre du programme d’euthanasie T4 (affiche de propagande ci-contre) : les patients d’institutions ont été tués dans des chambres à gaz, affamés ou victimes d’injection morelle ou de surdose de drogues. En France, aucun programme d’extermination n’a été mis en œuvre mais 45 000 malades mentaux internés en établissements psychiatriques sont morts de faim, durant la Seconde Guerre mondiale.
Rations insuffisantes
C’est le psychiatre Max Laffont qui a exhumé de l’oubli ce sombre chapitre de l’histoire de France en publiant, en 1987, L’Extermination douce, où il met en cause la responsabilité du régime de Vichy. Depuis, l’historienne Isabelle von Bueltzingsloewen a apporté sa contribution au sujet, avec son ouvrage L’Hécatombe des fous, paru en 2007. La famine « qui a décimé les internés n’a pas été voulue, encore moins planifiée. Ni par les autorités allemandes ou françaises, ni par les psychiatres », précise-t-elle. Dans la France sous occupation allemande, le rationnement concerne tous les habitants. Mais les internés, eux, ne peuvent compléter leur alimentation grâce au marché noir ou au système D. Et il faut attendre décembre 1942 pour qu’une circulaire leur attribue les indispensables suppléments de ration. Entre-temps, le taux de mortalité a été multiplié par deux !
Isabelle von Bueltzingsloewen dénonce « le mode de gestion de la maladie mentale » dans la France de ces années-là : le malade perd peu à peu les liens qui l’unissaient à la société « jusqu’à devenir transparent, invisible. C’est ce phénomène de mort sociale (…) qui est en cause dans la famine des années d’occupation. » « C’est parce que ces personnes handicapées étaient considérés comme des citoyens de seconde zone, comme des personnes qui ne comptent pas que leur situation particulière n’a pas été prise en considération par les autorités, s’indigne Charles Gardou, auteur de La Société inclusive, parlons-en ! Cet abandon les a conduits à la mort. »
Un mémorial en Allemagne
En Allemagne, un site commémoratif et d’information dédié aux victimes handicapées des crimes d’euthanasie commis par le régime nazi va ouvrir ses portes à l’automne 2014. En France, « qui se souvient de ces victimes ? Quel acte symbolique a été posé dans notre pays pour perpétuer leur mémoire ? Aucun, déplorent les auteurs de la pétition. (…) Rendons-leur hommage et justice (…) parce que, ni hier, ni aujourd’hui, il n’est pas de vies minuscules méritant le mépris et l’oubli. » Franck Seuret – Photo DR
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