Accessibilité et handicaps : les transports avancent lentement
« C’est invivable. Si je n’avais pas de famille ici, à Marseille, j’irais m’installer dans une ville où je peux circuler facilement. » Linda Amroun se déplace en fauteuil roulant électrique dans les rues de la deuxième ville la plus peuplée de France. Elle ne peut emprunter que ses deux lignes de tramway. Le métro, lui, est totalement inadapté. Quant au bus, seules deux lignes sur 79 sont accessibles (la 19 et la 83).
Comme de nombreux Marseillais en situation de handicap, Linda doit donc avoir recours à Mobi Métropole, le service public de transport adapté pour personnes à mobilité réduite. « Il faut réserver une semaine à l’avance ! Qui est capable de prévoir tous ses déplacements ainsi ? Mais je n’ai pas le choix : mon handicap m’empêche de conduire. Et quand bien même j’aurais mon permis, ce n’est pas avec les 790 € de mon allocation adulte handicapé que je pourrais me permettre d’avoir une voiture. »
Seulement 42 % de lignes de bus accessibles au niveau national
Marseille est loin d’être une exception. Selon la 5e édition du baromètre APF de l’accessibilité, rendu public mardi 11 février, 42 % seulement des lignes de bus étaient accessibles, en moyenne, dans les 96 chefs-lieux de département auscultés. C’est certes mieux que l’année précédente -33 %- mais insuffisant. « L’accessibilité des transports s’avère pourtant fondamentale, insiste Jean-François Gauthier, représentant départemental de l’APF dans la Sarthe. Sans elle, impossible d’aller à la rencontre des autres. Au Mans, nous nous sommes battus pour mobiliser la mairie sur ce dossier : un peu plus de 70 % des bus sont accessibles et un peu moins de 70 % des arrêts aménagés. Mais c’est sur les transports interurbains que ça coince : les bus qui sillonnent la Sarthe sont rarement aux normes. »
Incohérence des travaux
La cause du retard français ? Le coût des investissements et le manque de volonté politique. Mais aussi une coordination défaillante entre l’autorité organisatrice du transport (AOT), gestionnaire du matériel roulant et la municipalité, compétente pour la mise en accessibilité des points d’arrêts. « Fréquemment, l’absurdité touche à son comble quand les bus de la ligne 1 sont rendus accessibles tandis que les travaux concernent les arrêts de la ligne 2 !, regrette Nicolas Mérille, conseiller national accessibilité & conception universelle à l’APF.
La mise aux normes du matériel roulant prendra plus de temps
La prochaine mise en œuvre des Agendas d’accessibilité programmée (Ad’ap), proposés par la sénatrice Claire-Lise Campion, risque de ne pas beaucoup accélérer le mouvement. Ces Ad’ap devraient permettre aux communes et AOT n’ayant pas rendu leur réseau accessible de bénéficier d’un délai supplémentaire de trois ans maximum pour les transports urbains ; six ans maximum pour les transports interurbains ; et neuf ans maximum pour les transports ferroviaires.
« Mais ces délais ne valent que pour les infrastructures, c’est-à-dire les arrêts de bus, les quais, etc. précise Nicolas Mérille. Aucune obligation de mise aux normes du matériel roulant ne s’appliquera avant leur fin de vie et leur renouvellement. » Un recul par rapport à la loi de 2005, qui imposait, elle, une date butoir -le 12 février 2015- pour les infrastructures et le matériel roulant (sauf pour les métros et tramways construits avant 2005).
Pas de transport, pas d’amende
De plus, aucune sanction financière n’est prévue en cas de non-respect des engagements pris dans l’Ad’ap pour les transports, alors qu’il en existe pour les établissements recevant du public (ERP). Un traitement différencié incompréhensible. L’APF a demandé au gouvernement d’amender les propositions faites par Claire-Lise Campion pour rendre le dispositif plus cohérent et plus ferme. Il devrait rendre sa décision d’ici fin février. Franck Seuret – Photo Raa_Sz
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