L’APF lance son appel à la République : pas de citoyenneté sans accessibilité
Elle a choisi la dérision pour exprimer son exaspération. « J’ai de la chance, j’ai ma tête, mes bras et même un postérieur à roulettes. Mais, pas de chance, les obstacles sont encore là. J’ai de la chance, je conduis une voiture bien équipée. Mais, pas de chance, je ne peux pas toujours descendre de mon véhicule (…). J’ai de la chance, je vais faire des courses. Mais, pas de chance, trop de magasins sont encore inaccessibles. »
Elle c’est Delphine Albaut (photo ci-contre), représentante départementale suppléante de l’Association des Paralysés de France (APF) du Pas-de-Calais (62). Ce mardi 13 mai, Place de la République à Paris, l’ancienne fonctionnaire territoriale, « virée car, après mon accident, je ne valais plus rien d’après mon employeur », et 99 autres représentants de l’APF en situation de handicap sont venus, de toute la France, à l’appel de leur association, dire leur ras-le-bol de devoir affronter, tous les jours, le manque d’accessibilité.
L’appel des 100 pour des délais de mise en accessibilité resserrés
Posée sur un socle où trônent les allégories de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, l’imposante statue de Marianne ornant la place, tout de bronze vêtue, surplombe la scène. Les intervenants se succèdent au micro. Une minute chacun. Jeune garçon handicapé, privé de cantine et d’activités périscolaires, parents exclus des réunions d’école, citoyens empêchés de profiter de leurs musées, de leurs cinés, de leurs cafés, patients privés de soins… : chacun son exemple, chacun son accent. En criant ou en chantant, en lisant ou en déclamant, d’une voix posée ou émue, tous font résonner le même appel. “L’appel des 100” pour demander au gouvernement de resserrer les délais de mise en accessibilité de la France.
Pour le respect de la loi handicap, contre les lobbies
Sans accessibilité, pas de citoyenneté. Sans accessibilité pas de liberté ni d’égalité. Du haut de ses 9,5 mètres, la Marianne reste immobile. « 40 ans d’immobilisme ça suffit ! », protestent les participants. En février dernier, en créant les Agendas d’accessibilité programmée (Ad’ap), le gouvernement a décidé de repousser de trois, six ou neuf ans cette société inclusive à laquelle ils aspirent.
Votée en 2005, fixant à 2015 la mise en accessibilité des établissements recevant du public et des moyens de transport, la loi handicap ne sera donc pas respectée. Les personnes en situation de handicap le déplorent. Il faut dire qu’elles attendent depuis longtemps : depuis 1975 exactement et la première loi en leur faveur.
Delphine Albaut comme tous ceux présents ce 13 mai à Paris mais aussi ceux mobilisés en régions et sur les réseaux sociaux en ont assez d’attendre. Ils ne veulent plus être servis sur le trottoir à cause des marches du magasin. Ils veulent vivre sans toujours planifier leurs déplacements.
« France respecte notre existence, France soit grande et exemplaire ! N’écoute pas les lobbies ! », réclame Léliane Valat, représentante départementale APF du Vaucluse. Des lobbies – collectivités territoriales, opérateurs privés, autorités organisatrices de transport – qui n’ont eu de cesse de presser les gouvernements successifs à repousser les délais.
200 000 signataires sur change.org pour dire “Oui à l’accessibilité”
À 12h11, sur le podium, l’animateur, Robert Bérenguer, annonce une excellente nouvelle aux participants. Jingle. La pétition APF pour dire “Oui à l’accessibilité”, lancée sur change.org mi-mars, vient de franchir la barre des 200 000 signataires. Frissons de joie.
Au tour de Philippe Croizon (photo ci-dessu) de prendre la parole. Le sportif amputé des quatre membres a rejoint le combat de l’APF. Dans cette pétition, il dit « sa colère face à tous les lobbies […] qui ont demandé un report du délai [de 2015] ». Au micro, il harangue la foule : « Tous ensemble, nous sommes une force ! »
Son rêve ? « Que la personne handicapée puisse dire : “Je vais à la banque, au cinéma, faire mes courses” et non plus “est-ce que je vais pouvoir aller chercher de l’argent, me faire une toile et acheter du pain ?”. » Pour que ce rêve devienne réalité, il s’adresse aux politiques en leur demandant d’appliquer les lois mais il en appelle aussi à la conscience collective. L’accessibilité profite à tous et pas seulement aux personnes handicapées : personnes âgées, parents avec poussette et personnes valides puisqu’elle apporte du confort.
Marc Guillemain, le représentant APF de l’Yonne (89), double médaillé paralympique en basket attend lui aussi le respect de la loi. « Au XXe siècle, on a marché sur la lune, au XXIe siècle on ne peut toujours pas rouler sur terre. » Les 500 personnes présentes aujourd’hui à Paris, Place de la République, et toutes celles en situation de handicap ne demandent pas la lune. Le respect de leurs droits suffira. Texte et photos Valérie Di Chiappari
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1 commentaire
IMC, marchante, je m’associe aux “cris” répétés de
notre association pour que l’accessibilité soit enfin considérée être un critère indispensable et faisant partie intégrante d’une entière citoyenneté.
Aidons les pouvoirs publics à prendre conscience que tous handicaps ne peux cacher le potentiel et la valeur humaine de chacun. Les réticences divers à l’autonomie optimum de chacun est un très grave handicap que porte sans se l’avouer, l’ensemble de notre société.