Suite à une greffe totale de la colonne vertébrale, je me bats pour une meilleure reconnaissance de mon handicap
Souffrant d’une scoliose majeure diagnostiquée lorsqu’elle était enfant, Jacqueline Lorthiois, 69 ans, a subi une greffe totale de la colonne vertébrale en 2005. Si elle lui a sauvé la vie, cette opération l’a laissée très handicapée et en proie à de vives douleurs. Depuis dix ans, cette militante se bat pour le respect de ses droits de patiente et pour la réévaluation de son taux d’invalidité de 70 à 80 %.
« Je suis ce qu’on appelle une militante. Ça a commencé en 1968 lorsque la jeune fille de bonne famille que j’étais a décidé de casser à coup de marteau la coquille de plâtre qui lui servait de corset quand d’autres femmes choisissaient, elles, de brûler leur soutien-gorge. Un acte de rébellion, une prise de décision adulte et courageuse, la première d’une longue série qui a jalonné ma vie de femme. Aujourd’hui encore, à 69 ans, je ne baisse pas les bras. Et même si cette combativité masque en fait une immense vulnérabilité, je me bats pour le respect de mes droits. Je voudrais que la gravité de mon handicap soit enfin reconnue et que l’on m’accorde le taux d’invalidité de 80 % qu’on me refuse depuis des années. Aujourd’hui, je suis reconnue invalide à 60 %.
La courbure anormale de ma colonne vertébrale comprimait ma cage thoracique
Après avoir empoisonné une grande partie de mon enfance, la scoliose majeure diagnostiquée à l’âge de 11 ans a bouleversé tout mon quotidien d’adulte, à l’exception de quelques années de répit où j’ai pu concilier ma vie de femme, de mère et une vie professionnelle riche en tant qu’experte sur les questions d’emploi, d’économie sociale et solidaire, d’aménagement durable dans le secteur public (cabinets ministériels…) et le secteur privé.
En 2004, mes problèmes de santé s’aggravent. La courbure anormale de ma colonne vertébrale comprime ma cage thoracique et m’empêche de respirer. Je sens que je commence à m’éteindre à petit feu. Rendue au stade de 1,6 litre de capacité respiratoire – le seuil mortel étant de 1,5 litre – je décide de réagir. J’envisage de me faire opérer. Commence alors la tournée des médecins qui refusent les uns après les autres de pratiquer une telle intervention sur une femme de 59 ans. Je ne me décourage pas. Après examen, un spécialiste du rachis de Berck-sur-Mer accepte de m’opérer, à trois conditions : une perte importante de poids (10 kg), une récupération de la verticalité et une nette amélioration de ma capacité pulmonaire.
Je comprendrai plus tard qu’il n’a pas osé me dire non et qu’il pensait ne jamais me revoir. Or, c’est mal me connaître. Je prends cela comme un défi personnel. Je me lance dans un régime draconien, je multiplie les séances de kiné mais comment retrouver du souffle ? De mon domicile de Cergy-Pontoise dans le Val d’Oise, je surplombe l’Axe Majeur, une promenade urbaine conçue dans les années 1980. J’entreprends de gravir les 376 marches d’une partie de ce parcours. Équipée de mon corset et de mes cannes, je m’astreins à cet exercice quotidien, soit 164 00 marches, l’équivalent de trois Everest et demi ! Au bout de six mois, j’ai récupéré un demi-litre de capacité respiratoire.
Comme si mon corps n’acceptait pas cette reconfiguration anatomique
Malgré les mises en garde du chirurgien – « vous allez en baver » – je suis opérée en octobre 2005 et passe plus de dix mois entre l’hôpital et le centre de rééducation. Depuis cette date, mes souffrances ne se sont jamais arrêtées. Même si la vie a repris son cours, les crises de douleurs s’enchaînent. Comme si mon corps n’acceptait pas ce qu’on lui a fait subir, cette reconfiguration anatomique.
Depuis dix ans, je traverse des hauts et des bas. Le Pr Jean Benjamin Stora, psychosomaticien, que je suis allée consulter, pense que les différents traitements ont laissé une « empreinte de souffrance et d’angoisse » avec laquelle je dois vivre tous les jours. Selon lui, je « souffre d’une névrose traumatique » qui m’a handicapée tout au long de ma vie. Mon buste et mon bassin sont totalement immobilisés. Le haut de mon corps est complètement soudé du cou jusqu’au sacrum. Deux grandes tiges verticales et deux plaques horizontales sont vissées dans mon bassin. J’éprouve une sensation de “guillotine”. Quand je marche, du fait de l’immobilité de mon buste, j’ai l’impression que ma tête va se détacher de mon corps. Celui-ci ne cesse de m’adresser des messages de détresse : vertiges, sensations d’étouffement, bouffées d’angoisse paroxysmiques, impression que je peux me casser à tout moment. Un temps, j’étais même devenue accro aux antidouleurs mais je me suis sevrée toute seule, non sans difficulté.
Il m’est impossible de me déplacer sans être appareillée. Je porte un corset thérapeutique et je marche avec une canne. Malgré de multiples procédures et des expertises médicales, mon lourd handicap n’est pas reconnu par les pouvoirs publics. À 69 ans, je continue de travailler pour gagner ma vie car les emprunts contractés durant les années de grave maladie grèvent ma retraite. Un taux d’invalidité de 80 % me permettrait de bénéficier d’une demi-part supplémentaire pour les impôts ce qui m’autoriserait enfin à m’arrêter de travailler. Certains jours, je ressens un profond sentiment d’injustice. Seule la musique apaise un peu mes douleurs et me permet de continuer à mener cet ultime combat. » Propos recueillis par Claudine Colozzi
Pour retrouver Jacqueline, découvrez le diaporama sonore réalisé par Élisabeth Schneider.
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2 commentaires
J’ai ma colonne vertébrale en phase d’ossification, avec dégénérescence. J’ai une pension cat2 à 488 euros par moi. Impossible d’avoir 80% aux impôts. Je suis juste en dessous. Thėorie et évaluation de valides…… (sur Facebook Jacques rolland )
Bonjour,
Avez vous pensée à contacter: le FNAT ?
Cordialement.