Joaillier en fauteuil roulant, je représente la France aux Abilympics, championnats du monde des métiers
À 46 ans, le joaillier Franck Greveldinger, paraplégique, va défendre les couleurs françaises lors des Abilympics 2016. La 9e édition des championnats du monde des métiers des personnes handicapées se déroule à Bordeaux, les 25 et 26 mars.
Actualisation du 29 mars : Franck Greveldinger a remporté la médaille d’argent dans l’épreuve de joaillerie aux Abilympics 2016.
« J’aurais eu mauvaise grâce à ne pas replonger. Cette année, les Abilympics se déroulent chez moi, à Bordeaux. C’est vrai que ce sera moins dépaysant que Séoul, où j’avais participé à mes premiers championnats du monde des métiers des personnes handicapées, en 2011… Je m’étais retrouvé en Corée du Sud un peu par hasard, grâce à l’Agefiph. Ils m’avaient soutenu lorsque j’avais ouvert mon atelier de joaillerie, un an plus tôt, et l’équipe de France avait besoin d’un joailler. Alors, j’avais répondu OK à leur proposition sans bien savoir ce qui m’attendait.
La technique plus que la créativité
C’est particulier comme compétition. Les jurés n’ont pas les mêmes exigences que mes clients. Ce qui compte, aux Abilympics, c’est la capacité à réaliser, dans le temps imparti, une pièce correspondant parfaitement aux cotes imposées. On ne nous demande pas d’être créatif mais rapide, technique et rigoureux. C’est pareil dans les autres disciplines. Les pâtissiers préparent un gâteau qui ne se vendrait jamais en magasin mais qui leur permet de prouver leur maîtrise.
Deux joaillers français aux Abilympics
Deux joailliers représenteront la France, cette année : Magali Maronet et moi. Nous avons participé à deux stages dirigés par notre coach Jean-Luc Claudin, un professeur de joaillerie. Je me suis également entraîné seul, chez moi. Mais je n’ai pas pu y consacrer autant de temps que j’aurais souhaité : j’ai mon atelier à faire tourner et je suis le père d’une petite fille de 18 mois ! Mes 28 années de métier feront le reste…
Travailler les matières nobles
J’ai toujours voulu travailler de mes mains. Ado, j’étais attiré par les métiers d’art, les matières nobles…. Le déclic est venu quand je suis tombé sur une brochure de l’Onisep présentant le métier de “fabricant de bijoux”. C’est un milieu que je ne connaissais pas du tout – ma mère était fonctionnaire de mairie et mon père électro-mécanicien – mais j’ai su que j’avais trouvé ma voie.
Paraplégique à 28 ans
Je suis entré en apprentissage chez un joaillier, à Paris, où j’habitais. Une fois mon CAP obtenu, j’ai travaillé encore quelques années dans la Capitale avant d’aller m’installer à Bordeaux. J’étais salarié lorsque je me suis retrouvé paraplégique, D 12, suite à un accident de ski. J’avais 28 ans. Grâce à quelques aménagements, j’ai pu conserver mon poste. L’Agefiph a aidé l’entreprise à acheter une perceuse actionnable à la main et non au pied, un laminoir électrique car je ne pouvais plus utiliser le laminoir manuel… Des outils utilisables par tous.
Une boutique dans le centre-ville de Bordeaux
Et puis, en 2010, j’ai créé ma boîte. J’avais envie de changer d’air mais cela n’aurait pas été évident de convaincre un autre patron de m’engager : souvent les ateliers sont situés à l’étage, au-dessus du magasin. Alors, je me suis mis à mon compte. J’ai ouvert ma boutique dans le centre-ville de Bordeaux : je crée des pièces et j’en répare ; je vends des bijoux de créateurs ; je travaille aussi en sous-traitance pour des professionnels.
La concurrence des imprimantes à bijoux
Le métier a beaucoup évolué. Quand j’ai démarré, au milieu des années 80, au moins un joaillier sur deux avait son propre atelier. Aujourd’hui, c’est plutôt un sur dix. Les Français achètent moins de vrais bijoux et plus de “consommables” fabriqués en Chine et cassant au bout d’un ou deux ans. Et puis, maintenant, nous allons faire face à la concurrence des imprimantes 3 D permettant de fabriquer des bagues ou des colliers ! Mais il y a toujours des gens qui préfèrent les bons petits plats à la bouffe industrielle.
De la matière brute à l’objet fini
Mes clients veulent des pièces uniques, durables, auxquels ils s’attacheront. Cela leur coûte un peu plus cher mais c’est de l’argent qui ne finira pas à la poubelle. Mes créations restent quand même abordables, à partir de 100 à 200 €. Et la facture est moins élevée lorsqu’on m’amène des bijoux usés pour en fabriquer de nouveaux : je les fonds pour récupérer le métal. C’est vraiment ce qui me passionne dans ce métier : partir de la matière brute pour en tirer un bel objet, fin, personnel. Un bijou ressemblant à la personne qui le portera. » Propos recueillis par Franck Seuret
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