Jeux paralympiques : Les Super Héros, le documentaire super lourdaud
France 4 diffuse mercredi 7 septembre, quelques heures avant l’ouverture des Jeux paralympiques, un documentaire sur cinq athlètes français présents à Rio. Le choix du titre, Les Super Héros, résume un parti pris qui, loin de « faire voler les préjugés », les renforce.
Le handbiker Mathieu Bosredon s’est donné une mission : ramener une médaille des Jeux paralympiques. Comme la judokate, Sandrine Aurières-Martinet ; le nageur Théo Curin ; le tennisman, Michaël Jeremiasz et la sprinteuse-sauteuse Marie-Amélie Lefur. Elsa Lhéritier et Delphine Valeille ont suivi ces cinq athlètes handicapés, durant leurs derniers mois de préparation, avant Rio 2016.
Dans leur documentaire de 90 minutes, diffusé mercredi soir sur France 4, ils s’entraînent jusqu’à l’épuisement. « Je ne me suis jamais arrêté à la douleur », confie Mathieu Bosredon. Leur ténacité et leur motivation impressionnent. Jusqu’à émouvoir, parfois. Ils parviennent à faire partager les sensations ressenties : la griserie de la vitesse du handbike au ras du sol, le plaisir de l’envolée durant le saut en longueur, le bonheur de la victoire en compétition…
« Ces hommes et ces femmes vont changer notre regard. »
Mais les réalisatrices font endosser à ces sportifs un costume beaucoup trop large : celui de Super Héros, qui donne son titre au documentaire. Elles filent sans finesse cette métaphore durant tout le film, déjà alourdi par de pesants effets de mise en scène (ralentis, évocation en images de l’accident, etc.) « Ces hommes et ces femmes vont changer notre regard, éclater les clichés, faire voler les préjugés », promettent-elles, au début du film.
Des Super Héros dans la lignée des “superhumans”
Une promesse impossible à tenir puisque le choix même de les considérer comme des Super Héros reste un stéréotype. Schématiquement, le traitement médiatique ordinaire des personnes en situation de handicap oscille entre leur représentation comme surhommes, à admirer, ou comme victimes, à plaindre. À l’occasion des Jeux, c’est souvent la première qui prédomine. Comme dans ces fameux clips de promotion des Jeux paralympiques, produits par Channel 4 en 2012 et 2016 (voir ci-dessous), mettant en scène des « superhumans ». Or, Sandrine Aurières-Martinet, Mathieu Bosredon, Théo Cunin, Michaël Jeremiasz et Marie-Amélie Lefur sont tout simplement des sportifs. Ni plus, ni moins.
Des athlètes réduits à leur handicap
Ce partis pris héroïque amène les réalisatrices à réduire ces champions à leur handicap en cherchant les raisons de leur performance dans leur « blessure originelle ». À savoir, pour quatre d’entre eux, l’accident ayant provoqué leurs déficiences physiques. Mais alors comment expliquer que Teddy Riner soit devenu le plus grand des judokas alors qu’il n’a pas vécu pareille épreuve… ? Parce que d’autres facteurs entrent bien évidemment en ligne de compte pour les athlètes des Jeux olympiques comme pour ceux des Jeux paralympiques.
Comme toujours, je veux donc je peux…
Il n’est pas question pour autant de nier le handicap : il est présent au quotidien, dans leur vie, et a contribué à façonner leur personnalité. Mais, paradoxalement, l’importance de l’environnement – l’accessibilité, les moyens de compensation, etc. – est à peine abordée. Les cinq sportifs choisis sont jeunes, beaux, dynamiques et extrêmement volontaires. De là à laisser penser que la volonté suffit à tout… Franck Seuret – Photos : captures d’écran.
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3 commentaires
[…] Les Jeux paralympiques sont un paradoxe, jusque dans leur dénomination. « Para » suggère en effet l’idée d’une altérité, d’un à-côté similaire, mais non semblable. « Lympique » en revanche nous invite à l’universalité, à reconnaître la force du sport, du talent, de la performance et du dépassement de soi, par-delà la situation de handicap. Ainsi, les athlètes paralympiques ne seraient pas des sportifs/ves, mais des (super)-héro(ïne)s. Une simple requête sur un moteur de recherche permet de se rendre compte de la force d’un tel jugement de valeur. Pour autant, cette vision métaphorique ne fait pas l’unanimité. Des voix s’élèvent pour dénoncer la persistance d’un préjugé tenace, qui réduirait l’athlète paralympique à son handicap. […]
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec le point de vue exprimé dans cet article. Certes la comparaison avec des “super héros” reste maladroite. Mais, ça ne veut pas dire que tout le documentaire est bon à jeter pour autant. Au contraire, je l’ai trouvé émouvant, vrai, réaliste. On s’en fiche de la comparaison avec des super héros, ce n’est pas ça qui compte au final dans le reportage. Ce qui compte, ce sont les témoignages des 5 personnes directement concernées, qui sont géniales , parce que très sincères et on entre vraiment dans leurs vies quotidiennes. Et puis, ce n’est pas parce qu’on insuffle un peu de souffle épique dans leurs histoires que c’est mal. D’ailleurs, les médias font souvent ça pour de nombreuses personnes connues, surtout les sportifs. Alors, pourquoi les handicapés n’y auraient pas droit?
[…] Les Jeux paralympiques sont un paradoxe, jusque dans leur dénomination. « Para » suggère en effet l’idée d’une altérité, d’un à-côté similaire, mais non semblable. « Lympique » en revanche nous invite à l’universalité, à reconnaître la force du sport, du talent, de la performance et du dépassement de soi, par-delà la situation de handicap. Ainsi, les athlètes paralympiques ne seraient pas des sportifs/ves, mais des (super)-héro(ïne)s. Une simple requête sur un moteur de recherche permet de se rendre compte de la force d’un tel jugement de valeur. Pour autant, cette vision métaphorique ne fait pas l’unanimité. Des voix s’élèvent pour dénoncer la persistance d’un préjugé tenace, qui réduirait l’athlète paralympique à son handicap. […]