Quand les médias transforment les athlètes en “super humains” donneurs de “leçons de vie”
De nombreux sujets sur les athlètes handicapés sont publiés ou diffusés pendant les Jeux paralympiques. Mais, selon Pierre Dufour, certains donnent une image biaisée de la réalité vécue par de nombreuses personnes en situation de handicap. Les qualifier de “super humains” revient même à nier leur véritable identité. Ce sociologue travaille sur la manière dont le thème du handicap se décline, entre autres, à travers les représentations médiatiques.
Faire Face : Quelle analyse faites-vous du traitement médiatique des athlètes handicapés participant aux Jeux paralympiques de Rio ?
Pierre Dufour : Une précision pour commencer. Je ne regarde pas les épreuves en direct. Je me base donc sur les sujets diffusés durant ces Jeux et non sur les commentaires pendant les compétitions. Il me semble que les journalistes ont parfois du mal à ne considérer ces athlètes que comme des sportifs. Ils reviennent sur leur accident ou leur maladie, mettent en avant la manière dont ils ont surmonté le handicap grâce au sport, notamment. À la différence des athlètes valides, les athlètes paralympiques donneraient une « leçon de vie ».
C’est un terme revenant très souvent et dont l’usage est cantonné aux personnes handicapées. Pas pour les résultats obtenus mais par leur courage, leur détermination, leur capacité à surpasser la tragédie que constituerait la survenue du handicap. Une ode à la volonté : quand on veut, on peut !
FF : Ces Jeux permettent au moins aux personnes handicapées d’exister dans les médias, elles qui y sont sous-représentées.
P.D : Mais quelles représentations en fait-on ? Cellesde jeunes gens beaux et dynamiques. Celles de muscles triomphants. Finalement celles de sportifs qui se coulent dans les normes de la validité. C’est leur choix et il est tout à fait respectable. Mais cette réalité reste quand même très éloignée de celle que vivent de très nombreuses personnes handicapées : le corps bancal qui perd en capacité, l’inaccessibilité, l’insuffisance des moyens de compensation…
Ce sont des histoires de réussite individuelles qui sont mises en avant. Les questions politiques et sociales sont passées sous silence. Pourtant, les situations de handicap résultent du fait que nous vivons dans une société avant tout conçue par et pour des valides. Et ces réussites individuelles ne changent rien à l’affaire.
FF : Le terme “super humains” est régulièrement utilisé pour qualifier ces athlètes dans les médias. Il y a eu ce documentaire sur France 4 intitulé Les Super Héros, cette chronique du philosophe Raphaël Enthoven sur Europe 1 ou bien encore ces spots de promotion de Channel 4…
P.D : Cette désignation en tant que “super humains” place les athlètes handicapés dans une catégorie à part. Elle les distingue des autres sportifs. Les champions paralympiques ne seraient pas des athlètes comme les autres, pas des Hommes comme les autres !
Il y a aussi une part d’hypocrisie là-dedans. La survalorisation n’est pas un phénomène nouveau, ni propre aux médias. Elle ne concerne pas que les athlètes handicapés. Elle est pratiquée aux quotidien par de nombreux bien-pensants qui survalorisent les réalisations des personnes handicapées. Mais cet enrobage est destructeur. Cela, en effet, revient à dire que ce qu’elles sont et ce qu’elles font ne suffisent pas en tant que tels. C’est une négation de leur véritable identité. Propos recueillis par Franck Seuret
Pierre Dufour tient deux carnets de recherche : homde.hypotheses.org et hets.hypotheses.org
Un projet de recherche sur le handicap et la scolarité
Pierre Dufour souhaite mener une recherche sociologique sur le handicap et la scolarité, en collaboration avec les personnes en premier lieu concernées. « Il s’agit de réfléchir, avec des personnes qui font l’expérience du handicap dans leur vie, à la période qui s’étend du collège à la vie étudiante : quels sont ou quels ont été les enthousiasmes et leurs entraves, les situations et les scènes qui alourdissent et particularisent les parcours, les chutes, les failles et les façons de repartir à nouveau ? », explique-t-il. Ce projet, Handicap et trajectoires scolaires (HETS), est porté par Scool, Coopérative de recherches en sciences humaines et sociales. Un appel à financement participatif a été lancé sur le site Ulule.
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6 commentaires
Rien de nouveau, les médias et en particulier la télévision traitent le handicap sous l’angle du super héro ou sur l’angle du misérabilisme. le rôle quotidien de la télévision devrait d’inclure dans toutes ces émissions des personnes en situation de handicap afin de montrer une plus large diversité de notre société sans superflus, ni charité.
Bien du mal à comprendre Pierre Dufour, sociologue d’après les deux liens en bas de l’article. “Ils (les journalistes)reviennent sur leur accident ou leur maladie, mettent en avant la manière dont ils ont surmonté le handicap grâce au sport, notamment” Plutôt bien, non? Destiné au grand public, qui ainsi apprennent un peu plus sur les handicaps, les conséquences: pas mal non?
Vraiment je ne vois pas où le sociologue veut en venir. Pas étonnant sans doute, n’étant qu’un vieux de 75 ans, avec une seule jambe “patraque”, entière quand même et même pas sportif, un peu militant quand même. On fait ce qu’on peut.
Tout à fait
il y a longtemps que je pense que la plupart des Handicapés vivant 1 vie simple et normale au quotidien et dont à la longue et au bout de 40 ans après AVP ça devient 1 exploit Et bien pas besoin d exploit supplémentaire!
Et d ailleurs quel loisir et qu’elle retraite auront ils????
Pas 1 centre de ressource dans la vie
pas de centre de retraite pour para et tétra ???
Pas étonnant que tous meurent relativement jeunes!
On en revient encore et toujours à stigmatiser les personnes “handicapées” qui ne sont pas à mettre dans une case spéciale. Ces personnes sont en situation de handicap et non pas “handicapées”.
Ces remarques ne sont pas fausses et il y a encore beaucoup à faire en terme de regard sur le handicap c’est sûr. Mais je ne comprends pas pourquoi on se plaint non plus. Le souffle épique du “héros”, ça aide à faire passer des messages, même si ça ne reflète pas l’exacte réalité. D’ailleurs, la comparaison de la personne handicapée au super héros, c’est juste une métaphore. Au final, ce n’est pas ça qui compte. Dans le reportage “super héros” que j’ai bien aimé pour une fois, on voit bien que chaque sportif est un être humain. C’est leurs témoignages qui comptent, pas la narration un peu maladroite. D’ailleurs, un des sportifs le dit bien à un moment dans le reportage: “Vous voulez nous voir comme des super-héros, d’accord pas de souci. Mais on est des humains avant tout !”
Et puis, je ne sais pas vous, mais moi, à tout prendre, je préfère passer pour un “super héros” que comme un sous-homme… Des deux maux choississons le moindre, en attendant l’idéal