Une neuroprothèse pour guérir le syndrome du membre fantôme
Pour soulager la douleur du membre fantôme chez les personnes amputées, des chercheurs ont mis en évidence l’apport d’une interface cerveau-machine. Non invasive, cette nouvelle thérapie pourrait réparer les conséquences neurologiques de l’amputation.
Plus de deux tiers des personnes amputées en souffrent. Une douleur paradoxale puisqu’elle provient d’un membre supérieur ou inférieur, ou de son extrémité (main, pied), qui n’existe plus, et donc qui n’est plus innervé(e). Appelé syndrome du membre fantôme, ce phénomène est pourtant à l’origine de souffrances tout ce qu’il y a de plus concrètes. Ainsi, de violentes sensations de brûlures et une forte hypersensibilité peuvent être ressenties au niveau du bras, de la main ou du pied manquant. Mais comment soulager les victimes de douleurs liées à un membre fantôme ?
À la source du syndrome du membre fantôme
Deux équipes de chercheurs, une japonaise et une britannique, viennent de répondre à cette question. La première étape de leur collaboration a consisté à remettre en cause l’origine du syndrome du membre fantôme. L’explication la plus souvent avancée repose sur l’existence, au niveau du moignon, de bourgeons se formant aux extrémités des fibres nerveuses sectionnées. Ce sont ces bourgeons qui accentueraient l’hypersensibilité et la douleur.
Mais pour le Professeur Takufumi Yanagisawa (université d’Osaka), qui a dirigé l’étude nippo-britannique, « la source de la douleur serait plutôt à aller chercher du côté du cerveau, et non pas de l’extrémité amputée ». Plus précisément dans des zones associées à la sensibilité et à la motricité du cortex cérébral. C’est là, en effet, que se produiraient des “courts-circuits”des neurones résultant du sectionnement des fibres motrices innervant un membre ou une extrémité.
Recours à une interface cerveau-machine
La seconde étape a été de trouver un moyen de remédier à ces faux contacts neuronaux. Pour cela, ils ont utilisé une interface cerveau-machine ayant démontré ses bénéfices à diverses reprises. Maintenant bien connu, ce type d’interface permet d’enregistrer, via des électrodes l’activité électrique des neurones sensoriels et moteurs. Cette activité est traduite par un ordinateur en un ordre ou une action, qui va ensuite être relayé(e) à destination d’un appareil, le plus souvent une prothèse robotique ou neuroprothèse.
Dans le cas de cette étude, il a été demandé à dix personnes souffrant du syndrome du membre fantôme (privées du bras ou de l’avant-bras) de penser à bouger leur main fantôme. Pour chacune, l’interface a converti l’action mentale de déplacer cette main en un mouvement de la neuroprothèse. La prestigieuse revue anglo-saxonne Nature a publié le détail de ces expérimentations.
Recalibrer les circuits sensorimoteurs
En s’entraînant mentalement à différentes tâches, des modifications adaptatives du cerveau sont induites chez les patients. C’est pourquoi les chercheurs s’attendaient à ce que théoriquement l’apprentissage s’accompagne d’une réduction de la douleur fantôme. Or, c’est tout le contraire qui s’est produit : elle a augmenté chez les dix testeurs. La raison a été vite identifiée. Plus les patients pensaient à bouger leur membre fantôme, plus ils renforçaient sa représentation dans le cortex moteur, et plus la douleur étaient ressentie.
Il leur a donc été demandé de réaliser l’inverse. C’est-à-dire de contrôler la neuroprothèse en se représentant mentalement leur main indemne. Avec succès, cette fois, puisque le syndrome fantôme a nettement diminué. Le recours à une interface pourrait ainsi bien constituer un nouveau traitement non invasif pour lutter contre les douleurs du membre fantôme. O. Clot-Faybesse
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