Carte scolaire 2018 : la fermeture de classes menace l’inclusion d’élèves handicapés
Les directions académiques de l’Éducation nationale peaufinent actuellement leur carte scolaire 2018. Dans les écoles menacées de perdre une classe, notamment en milieu rural, l’inquiétude monte concernant la prise en charge des élèves en situation de handicap.
Plus de 300 000 jeunes en situation de handicap étaient scolarisés en milieu ordinaire, en France, en 2016-2017. Ce chiffre a plus que doublé depuis la loi handicap de 2005. Mais il ne semble pas avoir été intégré à la logique comptable de l’Éducation nationale, à l’œuvre dans chaque académie pour établir la carte scolaire. Résultat, pour la première fois, la suppression de classes à la rentrée 2018 menace la fragile inclusion de certains élèves, particulièrement en zone rurale.
Des Ulis transformées en ghetto ?
Les enfants en Ulis (Unités localisées pour l’inclusion scolaire) sont particulièrement concernés. À l’école primaire Jules-Ferry des Angles, dans le Gard, on l’affirme sans détour : avec la fermeture annoncée d’une des six classes, les douze élèves de l’Ulis ne pourront plus être accueillis en classe ordinaire.
« Avec 22 élèves par classe, on peut consacrer un peu plus de temps à ces enfants-là, qui ont besoin de moments plus longs avec le maître ou la maîtresse. À 26, quand d’autres ont déjà des difficultés scolaires, ils ne peuvent plus être pris en charge dans de bonnes conditions. Les Ulis, dont l’objectif est l’inclusion, risquent de se transformer en ghetto », pointe un membre de l’équipe enseignante.
La même crainte s’exprime à l’école Gaston-Ramon aux Moutiers-les-Mauxfaits, une commune de 2 000 habitants en Vendée. La fermeture d’une classe a été confirmée le 15 février. Le seuil des effectifs pour la maintenir n’a pas été atteint, à deux élèves près. De 23 élèves en moyenne par classe, l’école passera ainsi en septembre à 27/28 selon les niveaux. Là non plus, l’Éducation nationale n’a pas pris en compte, dans ces seuils, les 12 enfants de l’Ulis.
Un accueil d’élèves handicapés « matériellement impossible »
« Au-delà d’un certain nombre d’enfants, ce n’est plus gérable non plus pour l’enseignant. L’enfant fait trop de bruit, on nous demande de sortir. Il faut trouver une solution occupationnelle ailleurs… », témoigne Laëticia Chevolleau, AVS depuis douze ans et mère d’élève. Elle pointe un autre élément – matériel – rendant impossible la prise en charge des élèves handicapés dans les classes surchargées : le manque d’espace.
Dans cette école vendéenne, une fillette a ainsi été portée à bout de bras par son AVS pendant toute l’année scolaire 2015-2016. Il n’y avait pas la place pour qu’elle puisse se mouvoir dans la classe avec son fauteuil roulant, qui restait à la porte. « En CP aujourd’hui, il y a un enfant dyspraxique qui a besoin d’un bureau à plan incliné, plus large que les autres. Il a une AVS. Concrètement, dans une classe à 28, il n’y aura peut-être pas la place pour les accueillir. »
Des apprentissages remis en question
La même raison a poussé la mairie de Tulle, en Corrèze, a demandé un moratoire à la direction académique. La municipalité espère ainsi reporter d’un an la fermeture d’une classe à l’école de Baticoop-Virevialle. Sans cela, à la rentrée, la grande section et le CP seront regroupés dans une seule classe avec quatre enfants en situation de handicap, autant d’AVS, sans compter l’Atsem, là pour apporter une assistance technique et éducative à l’enseignant.
« Avec six adultes dans la classe, l’accueil des enfants ne se fait pas dans les meilleures conditions. Cela pose un problème pour le suivi éducatif de chacun. Or, il s’agit d’une classe importante pour l’apprentissage de la lecture », souligne-t-on au cabinet du maire.
Un recul de l’école inclusive
De quelle école inclusive peut-on parler lorsqu’un instituteur doit apprendre à lire, à écrire et à compter à plus de 30 enfants par classe, dont plusieurs en situation de handicap ? C’est la question qu’on se pose à Allamps, en Meurthe-et-Moselle. L’école de ce village de 500 habitants, qui accueille cinq enfants en situation de handicap, pourrait perdre un poste à la rentrée. Ce qui la conduira à accueillir 28 élèves dans une seule classe de quatre niveaux.
« On nous a dit que rien n’était changé pour les AVS des élèves handicapés. Quant au suivi éducatif, cela n’a pas l’air de leur poser problème… Ce qui les anime, c’est une logique comptable, pas l’éducation des gosses », peste le maire Jean-François Baltard.
Les élèves handicapés ne sont pas prioritaires
Nombre de communes rurales s’estiment directement victimes d’une des mesures-phares du programme éducatif d’Emmanuel Macron : limiter à 12 élèves les classes de CP et CE1 dans les réseaux d’éducation prioritaire.
« Et nous, nous ne sommes pas dans une zone prioritaire… Comme si ces enfants-là n’étaient pas une priorité ! » s’emporte Pierre Donadey, le maire de L’Escarène, commune des Alpes-Maritimes comptant 2 500 habitants. La direction académique souhaite en effet regrouper l’Ulis (sept élèves) avec une autre.
La fermeture de cette unité entraînerait la suppression des postes de l’enseignante spécialisée et de l’AVS collective. Et tout leur travail réalisé devrait être repris, estime Béatrice Gelabal, la présidente de l’association des parents d’élèves. Car ces enfants souffrent notamment de troubles envahissants du comportement (TED).
« Ils ont besoin de soutien, d’équilibre et de repères. Cette stabilité, ils la trouvent dans les liens de confiance qui se nouent, dans la durée, avec l’institutrice et l’AVS. Et dans les liens d’amitié avec leurs camarades. En fermant cette classe, on remet en cause leur insertion sociale. Or, c’était l’objectif – bel et bien atteint ici – de cette Ulis. » Aurélia Sevestre
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1 commentaire
Les ARS demandent à ce que les IME soient vidés…Pour favoriser l’inclusion et parce que ça coûte cher….Sans se soucier des conditions d’accueil des enfants dans le système scolaire…