Accessibilité universelle : à Paris, le métro c’est pas le bon plan
À Paris, adhérents et sympathisants d’APF France handicap ont mené ce matin une opération coup de poing. En recouvrant les panneaux extérieurs de dizaines de stations de métro avec un plan montrant sa seule ligne accessible. Objectif : protester contre la lenteur de la mise aux normes handicap du territoire. Quarante autres villes ont rejoint cette journée d’actions nationale pour l’accessibilité universelle.
Pas de gâteau pour marquer le troisième anniversaire des agendas d’accessibilité programmée (Ad’ap). Trois ans au bout desquels les établissements recevant du public (ERP) de 5e catégorie (petits commerces, cinémas, cabinets médiaux…) devaient s’être mis aux normes pour accueillir les personnes en situation de handicap. Encore un rendez-vous manqué.
Alors, à Paris, en guise de cadeau, les adhérents d’APF France handicap, venus de toute l’Île-de-France, ont interpellé les passants, Place de la République, en leur offrant un plan de métro. Un plan pour tous, y compris les voyageurs handicapés, avec une seule ligne accessible sur les quinze existantes. La ligne 14, celle reliant Olympiades à Saint-Lazare. Quand les ascenseurs desservant les quais ne sont pas en panne, les personnes handicapées peuvent la prendre.
Paris 3 % du métro accessible, Barcelone 82 %
Plus tôt, ils avaient sillonné la ville pour apposer ce plan version XXL sur les panneaux aux sorties des bouches de métro. « Ça commence à bien faire. Dans ce pays, on accumule les lois, on ne les respecte pas et rien ne change en matière d’accessibilité, s’insurge Céline, venue des Hauts-de-Seine. Pourtant, c’est la base de tout : l’accessibilité est nécessaire pour aller travailler, accéder à la culture, avoir une vie sociale. »
Solange s’approche, en route vers son bureau. Elle prend le temps de déplier le plan que Céline lui tend. Elle découvre des chiffres qu’elle ne connaissaient pas. Ils résument parfaitement l’inaccessibilité du moyen de transport qu’elle emprunte chaque jour comme des milliers de personnes. Neuf stations desservies sur les 303 de la Capitale, 3 % du métro accessible. C’est très peu comparé aux 18 % de Londres, 82 % de Barcelone et 88 % de Tokyo. Solange remplit son sac de petits plans qu’elle compte donner à ses collègues.
Ad’ap, le compte n’y est pas
Il faut dire que l’échéance d’une France accessible avait d’abord été fixée à 2015 par la loi handicap de 2005. Puis, 2018, 2021 voire 2024 avec les Ad’ap qui accordent un délai supplémentaire de trois, six ou neuf ans en fonction des établissements et modes de transport concernés. Au bout du compte… le compte n’y est déjà pas en ce troisième anniversaire.
« Prendre le bus aux heures de pointe, c’est deux fois plus long. »
En effet, selon le ministère du Développement durable, 20 % des ERP n’ont toujours pas déposé leur Ad’ap. Pourtant, comment bien vivre dans une ville sans pouvoir rentrer dans une boulangerie, se faire une toile, boire un verre au coin de la rue, aller voir ses amis quand on en a envie ?
« Comme tout citoyen, je dois pouvoir choisir mon mode de transport », pointe Alexandre qui habite Paris. Pour lui, « prendre le bus aux heures de pointe, c’est deux fois plus long ». Quant au service de transport adapté, le Pam, « il faut le réserver une semaine à l’avance ! C’est ça la liberté ? ».
Oui à la conception universelle, non aux dérogations
Face au « manque de pilotage et d’intérêt du gouvernement pour cette question », APF France handicap pose plusieurs revendications. Notamment, le vote d’une loi permettant « la concrétisation du principe de la conception universelle ». À savoir des produits, équipements, services… pouvant être utilisés par tous, sans adaptation. Ou l’application effective du principe d’accessibilité dans le neuf sans dérogations possible.
Dans son viseur, la loi Élan, « grave régression sociale » qui, suite au vote de la commission mixte paritaire, le 19 septembre, a fait passer de 100 à 20 % le quota de logements accessibles dans les immeubles neufs. Parce qu’il ne suffit sans doute pas d’empêcher les personnes handicapées de se déplacer : il faut aussi réduire leur possibilité de choisir leur lieu de vie.
Des mobilisations dans toute la France
Sur le pont d’Avignon, on ne fait pas qu’y danser. On y manifeste aussi. C’est là que la délégation du Vaucluse d’APF France handicap avait donné rendez-vous ce mercredi matin. Invités : citoyens, élus et médias pour une conférence de presse publique sur « le recul des droits ». « Nous avons choisi ce lieu pour montrer que lorsqu’il y a une volonté, l’accessibilité devient possible, explique Alix Déguène, cheffe de projet Paca. Même sur un site historique comme le Pont d’Avignon, aménagé il y a trois ans. »
La délégation du Cher avait choisi un autre lieu original comme site de rassemblement : une aire de jeu de l’éco-quartier Baudens. « Ce nouveau quartier est plus accessible que bien d’autres. Mais l’aire de jeu ne dispose pas de jeux adaptés pour les enfants en fauteuil roulant, explique Émilie Setbon, agent associatif. L’accessibilité doit se concevoir au sens large. Il faut aussi adapter les équipements pour que nous puissions tous réellement vivre ensemble. »
Dans de nombreuses villes, les militants d’APF France handicap se sont rassemblés devant la préfecture. À Bourges, la directrice de cabinet du préfet devait recevoir une délégation. « Nous manquons d’indicateurs sur la mise en œuvre des Ad’ap. Idem sur les sanctions, explique Léa Achaud, la directrice territoriale des actions associatives. Nous allons notamment demander la mise en place d’un comité de suivi. »
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2 commentaires
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Très intéressant