Un emploi à temps plein avec deux maladies invalidantes : défis et freins
Marie, 40 ans, occupe un emploi à temps plein dans un cabinet d’audit depuis quatorze ans malgré une polyarthrite rhumatoïde et une sclérose en plaques. À l’occasion de la Semaine pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH) centrée, cette année, sur les femmes, elle témoigne.
Faut-il déclarer ou non son handicap à son employeur ? À cette question, quatorze ans après avoir signé son CDI, Marie avoue ne pas avoir de réponse. Juste une certitude : « On ne devrait plus avoir à se poser la question. » Pour sa part, si elle n’avait pas tu sa polyarthrite rhumatoïde, décelée dès l’enfance, elle n’aurait pas décroché son poste de chargée de formation au sein d’un grand cabinet d’expertise comptable.
L’une de ses responsables lui a avoué spontanément, presque avec soulagement : « Je suis contente que tu ne me l’aies pas dit parce que je serais passée à côté de toi… alors que tu es ultra-performante ! » Cette réaction conduit Marie à cacher aussi la sclérose en plaques (SEP) qu’on lui diagnostique quelques mois plus tard, en 2007. « Les médecins m’ont aidée, raconte-t-elle. Ma rhumatologue faisait les arrêts maladie pour qu’on ne sache pas que j’avais une deuxième pathologie… »
L’aide de la mission handicap de l’entreprise
Des arrêts qui, souvent, finissent à la poubelle. À cacher son état, la jeune femme aurait pu y laisser sa santé. En 2014, elle a « une prise de conscience. On ne peut pas prévoir l’évolution de ces maladies. Mais on sait que seul le repos permet d’en limiter les effets. Je me suis dit : peut-être qu’à ce rythme, tu es en fauteuil dans cinq ans, tu n’auras même pas pu profiter de tes enfants… Je ne voulais plus me mettre en danger physiquement. »
Elle se décide à parler de sa Sep. Et ne demande qu’une chose : pouvoir télétravailler lors des poussées de ses deux maladies. Cela ne coûte rien à l’employeur – elle dispose d’un ordinateur personnel – et ne nécessite aucune réorganisation du service. Pourtant, ses responsables se montrent réticents. « Ma demande aurait pu être rejetée si je n’étais pas passée par la mission handicap. »
Le retour de bâton des managers
Les conséquences ? Alors qu’on louait les « performances exceptionnelles » de Marie à chacun de ses entretiens d’évaluation, on la met de côté pendant près de deux ans. Plus aucune nouvelle mission ne lui est confiée. Elle n’utilise pourtant le télétravail qu’en cas de besoin, et, finalement, assez peu. « Je télétravaille cette semaine parce que j’ai eu une infiltration à l’épaule il y a quelques jours, nous disait-elle au téléphone jeudi 22 novembre. Mais je peux être six mois sans le faire ! »
Pour Marie, ses responsables ont eu peur de la mettre sur de nouveaux projets nécessitant de s’investir sur le moyen terme. Il a fallu du temps pour qu’ils réalisent « que je n’étais pas plus malade qu’avant de le leur annoncer ! »
La lutte contre la méconnaissance des employeurs
« Il y a tant à faire. Longtemps, j’ai été en colère contre l’attitude de mes supérieurs, leur méconnaissance et leur peur de la maladie, mais il y a aussi une responsabilité RH derrière ces questions d’inclusion dans l’entreprise. » Un aspect du problème à laquelle la plateforme Travail et Sep apporte des réponses concrètes.
Travail et Sep : la plateforme qui soutient les entreprises inclusives
Avec des symptômes variables d’une personne à l’autre, évolutifs et imprévisibles, la sclérose en plaques (Sep) fait peur aux employeurs. Les salariés touchés, avec une dégradation parfois rapide de leur état de santé, « perdent en moyenne leur emploi 9 à 15 ans après l’annonce du diagnostic, qui survient autour de 29 ans », rappelle Véronique Bustreel, conseillère nationale emploi d’APF-France handicap.
Pour mieux accompagner salariés et employeurs, le collectif d’associations Travail et Sep a mis en ligne une plateforme éponyme. Objectif : apporter des réponses pratiques aux questions de chacun. Et favoriser l’émergence de l’entreprise inclusive pour laquelle le collectif a récemment formulé dans un manifeste quinze propositions.
Son action auprès des pouvoirs publics a déjà pris corps dans plusieurs aspects de la loi “Avenir professionnel” : création d’un référent “handicap” dans les entreprises de plus de 250 salariés, Compte personnel de formation (CPF) de transition accessible sans condition d’ancienneté pour les licenciés pour inaptitude, obligation de justifier le refus de télétravail pour l’employeur…
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