Accessibilité des logements : le gouvernement joue la panne d’ascenseur
Le gouvernement avait promis de rendre obligatoires les ascenseurs dans les immeubles neufs d’au moins trois étages, contre quatre actuellement. Mais son projet de décret limite cette mesure aux constructions d’au moins douze logements en étages. Et certains bâtiments qui étaient soumis à l’obligation ne le seront plus.
Il en va des engagements du gouvernement comme des ascenseurs : ça monte et ça descend. « Nous allons, par voie réglementaire, dans les mois qui viennent, rendre obligatoire la construction d’ascenseurs dans les immeubles de trois étages et plus », déclarait le Premier ministre, le 27 septembre. Deux mois plus tard, son projet de décret, consulté par faire-face.fr (*), montre que cette obligation ne sera que partielle.
Aujourd’hui, un ascenseur à partir de 4 étages
Aujourd’hui, « l’installation d’un ascenseur est obligatoire dans les parties de bâtiments d’habitation collectifs comportant plus de trois étages au-dessus ou au-dessous du rez-de-chaussée », stipule l’article R 111-5 du code de la construction. Autrement dit, uniquement dans les immeubles d’au moins quatre étages, sans compter le rez-de-chaussée (R+4).
Demain, à partir de douze appartements en étages
Demain, si le décret est pris en l’état, un ascenseur deviendra obligatoire au-delà de deux étages. Donc à partir de trois, au-dessus ou en dessous du rez-de-chaussée (R+3).
Mais il ajoute une condition. « L’installation d’un ascenseur est obligatoire dans les parties de bâtiments d’habitation collectifs comportant plus de deux étages accueillant au moins douze logements situés en étages, au-dessus ou au-dessous du rez-de-chaussée », stipule le texte.
Cette obligation ne s’appliquera donc que si l’immeuble compte, par cage d’escalier, au moins douze logements en étages. Concrètement, un immeuble de trois étages avec quatre appartements au rez-de-chaussée, quatre au premier étage, quatre au deuxième et trois au troisième (soit quinze appartements au total, dont onze en étages) n’y sera pas soumis.
« C’est du foutage de gueule. »
Comble de l’histoire, certaines constructions de quatre étages y échapperont désormais. Un immeuble de deux appartements par niveau ne compte en effet que dix logements (deux au rez-de-chaussée + deux par étage), soit moins de douze.
« C’est du foutage de gueule, commente Christian François, fin connaisseur du dossier pour l’avoir longtemps suivi comme militant associatif. Le ministère du Logement affaiblit la portée de la mesure pour satisfaire les constructeurs. Les bailleurs sociaux notamment, qui rechignent à équiper leurs immeubles d’ascenseurs. »
Statu quo jusqu’à maintenant
La sénatrice Claire-Lise Campion l’avait d’ailleurs souligné, à l’issue de la concertation sur l’évolution des normes d’accessibilité, conclue en 2014. « Les acteurs de la construction » avaient demandé que l’installation d’un ascenseur ne devienne obligatoire que dans les immeubles de cinq étages et plus, expliquait-elle dans son rapport de fin de mission.
Les associations de personnes handicapées demandaient, elles, l’abaissement du seuil, de quatre à trois étages. « Face à ces positions irréconciliables », la sénatrice s’était donc résolue au statu quo.
Faire passer la pilule Élan
Quatre ans plus tard, Édouard Philippe décide d’accorder gain de cause aux personnes handicapées. Le but de la manœuvre : faire passer la pilule de la loi Élan. Le texte, adopté par le Parlement en octobre, ramène en effet de 100 % à 20 % la part de logements devant être accessibles dans les constructions neuves. Mais elle ne passe pas. « Ce principe de quota de logements accessibles demeure un très grave recul », martèle Patrice Tripoteau, directeur général adjoint d’APF France handicap.
Pour les ascenseurs aussi l’engagement du Premier ministre n’a pas résisté au lobbying. Pour l’accessibilité, descendez…
(*) Ce texte a été soumis pour avis, jeudi 6 décembre, au Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique. Il va également l’être au Conseil national consultatif des personnes handicapées.
6 % de logements concernés chaque année
Ce décret ne va pas révolutionner le marché de la construction. Car l’ascenseur est déjà devenu la norme dans les immeubles de trois étages (au-dessus du rez-de-chaussée). 80 % de ceux construits depuis 2006 en sont équipés, selon les données de l’Insee analysées par Christian François. L’abaissement du seuil ne concerne donc que les 20 % restants… sous réserve qu’ils comptent au moins 12 appartements (*). Soit, au plus, quelque 3 100 logements par an, c’est à dire 6 % des livraisons de l’année. Dont seuls 20% devront être accessibles, comme le précise la loi Élan. Au final, cela représente donc au mieux, 620 logements supplémentaires.
(*) Aucune donnée n’est disponible sur le nombre d’appartements dans les immeubles de trois étages.
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4 commentaires
Bonjour , été amputé de la jambe il y a 2ans , j’ai fait 3 dossier à des préfecture différentes, et j’ai téléphoné à une 100 mairie , tout ça pour qu’au bout d’un an il me demande de renouveler mais demande , du coup j’ai tout arrêté , car les logements sociaux nous prennent vraiment pour des cons .Depuis je passe par agence immobilière ou particulier , et les agences immobilières des que vous leurs dites que vous toucher la AAH , cela pose problème . Alors il faut faire comment pour avoir un appartement ?
Bonjour, dans l’article, vous dites : ascenseur obligatoire dès 3 étages si au moins 12 appartement par cage d’escalier (y compris rdc), ce qui nous fait 3 apparts par niveau. Or le texte dit “immeuble comportant plus de deux étages accueillant au moins douze logements situés en étages, au-dessus ou au-dessous du rez-de-chaussée” : donc les douze appartements en question sont situés en étage, cela fait quatre appartements par étage, c’est donc bien plus restrictif ! Qu’en pensez vous ?
Vous avez tout à fait raison. J’ai modifié l’article pour tenir compte de votre remarque. Merci
il est sûr que les nouveaux règlements édictés par la dictature ne vont pas dans le bon sens, mais renchérir le prix des logements des petits immeubles par l’obligation d’ascenseur ne résoudrait pas le problème essentiel qui est l’accessibilité financière au logement.