Élèves handicapés : le gouvernement promet l’inclusion et suscite des interrogations
Le gouvernement a annoncé plusieurs mesures pour une « rentrée pleinement inclusive en 2019 ». Dont la généralisation des Pial qui gèreront, à l’échelle d’un ou plusieurs établissements, l’affectation des AESH. Ces pôles sont loin de faire l’unanimité.
« Un grand service public de l’éducation inclusive. » Sur le papier, le projet du gouvernement pour les élèves en situation de handicap a de l’allure. Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale, et Sophie Cluzel, la secrétaire d’État chargé des personnes handicapées, l’ont présenté ce mardi 11 juin.
« Aujourd’hui, nous devons aller plus loin pour offrir à chaque enfant en situation de handicap une rentrée similaire à celle de tous les autres enfants », avancent-ils.
Des Pial dans toute la France d’ici 2022
Leur plan repose, en grande partie, sur la création de Pôles inclusifs d’accompagnement localisé (Pial). Un Pial couvrira l’ensemble des écoles maternelles et élémentaires de chacune des 1 466 circonscriptions du premier degré.
Un Pial pourra aussi regrouper plusieurs collèges ou lycées. Voire un collège et des écoles de son secteur. À la rentrée 2019, 2,5 des treize millions d’élèves devraient dépendre d’un Pial. Le dispositif sera généralisé progressivement d’ici la rentrée 2022.
Coordonner AESH et professionnels
« Ces pôles seront en charge de gérer, au sein de l’école, la scolarité des enfants en situation de handicap, et notamment de coordonner les accompagnements spécifiques dont ils ont besoin », explique Jean-Michel Blanquer, dans Ouest-France.
Les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) dans un premier temps et, « à terme », les interventions des ergothérapeutes, psychomotriciens, etc. Une expérimentation avec ces professionnels du secteur médico-social sera conduite dans chaque académie à partir de la rentrée 2019.
Des pial pour pour estimer les besoins
Le Pial permettra « plus de réactivité et plus de flexibilité dans l’organisation de l’accompagnement humain », assure le gouvernement. Le coordonnateur du Pial recensera, sur son secteur, les besoins en accompagnement notifiés par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées. Et il estimera les besoins nouveaux. Les AESH seront alors pré-affectés.
Un corps d’AESH
Ce qui sera plus facile qu’auparavant puisque, c’est le second volet important de la réforme, ces accompagnants ne seront plus recrutés sur des contrats courts, de quelques mois ou d’un an.
Tous les AESH bénéficieront désormais d’un CDD de trois ans, renouvelable une fois avant un contrat à durée indéterminée (CDI). Le ministère de l’Éducation nationale aura donc à sa disposition un corps d’AESH. Il lui sera dès lors plus facile de les suivre, de les former et de les mobiliser pour la rentrée.
Six années avant un CDI
Cette avancée ne marque toutefois pas la fin de la précarité, pour ces accompagnants. Comme c’était le cas jusqu’alors, ils devront en effet patienter six années avant de bénéficier d’un CDI. De plus, beaucoup seront toujours contraints de travailler à temps partiel. Et donc d’avoir un revenu limité.
Un second employeur pour compléter les heures
Le ministre de l’Éducation nationale promet cependant une « augmentation du temps de travail moyen ». Comment ? En leur offrant la possibilité de compléter leur temps partiel à l’école par des heures d’accompagnement sur les temps extra-scolaires (garderie, centre de loisirs, etc.).
Cela impliquerait qu’ils aient un second employeur. Une mairie, par exemple. « 33 % des AESH devraient être à temps complet » grâce à ce dispositif qui va être expérimenté, promet Jean-Michel Blanquer, toujours dans Ouest-France.
Vers une « mutualisation forcée » ?
Mais la mise en place des Pial inquiète les collectifs d’AESH et des parents. Ils craignent qu’elle aboutisse à une « mutualisation forcée » des moyens. En clair, un Pial disposerait d’un nombre donné d’AESH qu’il répartirait entre les élèves en fonction du temps de travail global dont il dispose plutôt que des besoins réels des enfants.
La moitié des accompagnements déjà mutualisés
Cette tendance à la mutualisation est à l’œuvre depuis 2012, comme Faire-face.fr l’avait relevé. Aujourd’hui, pour près d’un élève sur deux, la CDAPH notifie un accompagnement mutualisé et non individuel. Dans ces cas, comme le prévoit la réglementation, elle ne précise pas le nombre d’heures dont ils doivent bénéficier. Pour un accompagnement individualisé, par contre, elle l’indique (8 heures, 12 heures, temps plein…)
C’est donc aux directeurs d’établissement, voire aux AESH, de répartir leurs heures hebdomadaires entre les enfants qu’ils doivent épauler. De manière arithmétique, souvent, faute de disposer d’informations précises sur eux. Ce sera désormais l’une des fonctions du Pial.
Le ministère de l’Éducation nationale devient donc, de fait, décisionnaire sur le nombre d’heures nécessaires pour les enfants bénéficiant d’une notification d’accompagnement mutualisé. Avec le risque que son rôle de gestionnaire ne l’emporte sur sa mission de pédagogue.
D’autres mesures
– Les CDAPH pourront attribuer un AESH aux enfants « pour l’ensemble de leur cycle scolaire, de la maternelle au lycée, et non plus année par année », assure Sophie Cluzel dans Ouest-France.
– 200 Ulis (des classes pour élèves handicapés au sein d’établissements ordinaires) vont être créées, à la rentrée 2019, dont 100 en collèges et lycées.
– Une cellule sera mise en place dans chaque département, de juin à octobre, pour répondre, dans les 24 heures, aux questions des parents d’enfants en situation de handicap.
– Davantage de formation continue sur l’éducation inclusive et des ressources en ligne… mais rien concernant la formation initiale.
L’ensemble des mesures est détaillé dans le dossier de presse.
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