Dans ses champs, pas de handicap
C’était impossible. Il l’a fait. Pierre-Charles Cézard, 31 ans, paraplégique depuis ses 5 ans, a réalisé son rêve. Reprendre la ferme familiale en Moselle. Après avoir adapté son environnement de travail et trouvé un prestataire de confiance, l’agriculteur souhaite acquérir un fauteuil tout terrain.
« Sur le tracteur avec mon père, j’étais en train d’en redescendre quand il était à l’arrêt mais il ne m’a pas vu et a redémarré. Je me suis fait écraser. C’est comme cela que je suis devenu paraplégique à 5 ans.
J’étais dingue de la ferme. Mais durant ma scolarité jusqu’à la fin du lycée en centre de rééducation, je me suis interdit mon rêve : devenir agriculteur. Comme mon père et mon grand-père.
En filière informatique après mon bac scientifique, j’ai eu une certitude : vivre au grand air, au volant d’un tracteur. Un BTS et une licence professionnelle agricoles six ans plus tard, je reprenais l’exploitation familiale.
Agriculteur, un rêve d’enfant
On m’a pris pour un fou même si j’ai bénéficié de beaucoup de soutien.En 2018, j’ai reçu le Trophée de la dynamique agricole de la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne.
Bien-sûr, ce n’était pas un projet facile. Alors, je m’y suis bien préparé. Pendant mes études, j’ai pris contact avec un autre agriculteur en fauteuil, à 50 kilomètres de chez moi. J’ai essayé son tracteur adapté, étudié ses devis. J’ai également rencontré les banques… Les gens ont cru en moi. J’avoue que cela n’a pas été un parcours du combattant.
Aujourd’hui, je suis vraiment content. Je suis mon propre patron. Sur le tracteur, je m’éclate. Je suis sans cesse dans la nature. J’ai la satisfaction de faire de bonnes cultures.
Un tracteur adapté
Par chance, les tracteurs ont des boîtes automatiques. Je n’ai eu qu’à faire adapter un siège repliable sur hayon élévateur pour me transférer dans la cabine et des manettes au bout de longues tiges sur les pédales de frein et d’embrayage.
En plus, j’ai acheté un quad, dont les commandes sont au volant, pour me déplacer dans les champs. J’ai bétonné le sol de mon hangar, auparavant en terre battue, et l’ai équipé d’un rideau métallique électrique car la porte était très lourde.
La solidarité est dans le pré
Faute de moissonneuse-batteuse adaptée, notamment, je dois malgré tout confier à un prestataire – un agriculteur voisin – les récolte, traitement des champs et semis.
Je me charge du travail du sol, à savoir la préparation des semis en passant la herse rotative et l’épandage de fumier), des allers-retours de bennes pendant la moisson et du petit entretien tout au long de l’année. Pour diminuer le coût de mon collègue, j’effectue certains travaux dans ses champs.
Mon seul regret ? Avoir dû me séparer des vaches allaitantes de mon père. La salle de traite n’était vraiment pas accessible. J’ai donc transformé les prairies en cultures, doublant la surface de céréales – colza, blé et orge – atteignant aujourd’hui 130 hectares.
En raison des importantes dépenses liées à l’installation tout court, notamment le renouvellement des machines, je n’ai pas encore pu me dégager de salaire. Je vis donc actuellement qu’avec l’AAH. Mais mes récoltes sont bonnes et les rendements tout à fait corrects. Je vois l’avenir confiant. Prochaine étape ? Construire ma maison. »
Des aides pour se lancer
Pierre-Charles Cézard a obtenu le soutien de :
– la Mutualité sociale agricole, qui l’a encouragé et aidé dans la rédaction des divers dossiers ;
– l’Agefiph, qui a financé 80 % des dépenses d’équipement liées à son handicap, soit un peu plus de 20 000 €.Autre besoin ? Acheter un fauteuil tout terrain. Le sien n’est pas adapté aux chemins de terre et de cailloux, s’abîme rapidement, le fatigue et ralentit son travail. Fin mars dernier était lancée, pour un an, une cagnotte sur Leetchi afin de réunir les 8 000 € nécessaires. Contributions sur www.leetchi.com/c/fauteuil-tout-terrain
Lire aussi l’histoire d’un autre agriculteur en situation de handicap.
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