Les oubliés de l’école inclusive
Plus de deux mois après la rentrée scolaire, certains enfants handicapés ne sont toujours pas scolarisés. D’autres le sont dans des conditions inadaptées : à temps partiel, sans AESH, pas dans la bonne classe… Le comité de suivi de l’école inclusive, qui vient de se tenir, n’a pas permis d’avancer sur le sujet.
Ryan ne sait pas qui est Emmanuel Macron. Ce garçon polyhandicapé ignore donc que, le 11 février dernier, le président de la République a fixé un objectif prioritaire. « Qu’aucun enfant sans solution de scolarisation ne puisse encore exister au mois de septembre prochain. » Le jeune Marseillais aurait de quoi être surpris. Car, faute de solution, lui n’a pas pu faire sa rentrée des classes.
Ryan réclame d’aller à l’école
À 13 ans, il passe ses journées dans un établissement spécialisé pour enfants polyhandicapés. « ll est triste car l’an passé, il était scolarisé dans une unité d’enseignement externalisée (UEE) », explique sa mère Wahiba Zaouia. Concrètement, il allait dans une classe spéciale, au sein d’une école ordinaire.
« Cela lui a fait beaucoup de bien, même s’il n’était pas en capacité de suivre le programme de son âge. Il parle mieux qu’avant, regarde les livres et n’a pas plus peur des autres. » Mais cette année, retour à la case départ, faute d’UEE en collège. « Il réclame pour y aller. Pourquoi n’y a-t-il pas droit alors que l’école est obligatoire jusqu’à 16 ans ? »
Plus de 500 témoignages sur marentree.org
Sur marentree.org, d’autres parents témoignent, pour leur enfant, de situations analogues. Nassim n’était toujours pas scolarisé, début octobre, faute d’AESH. Apolline n’a pas de place dans un établissement spécialisé. Lorenzo n’a droit qu’à huit heures d’école par semaine.
« Nous avons recueilli 574 témoignages sur le site, précise Sonia Ahehehinnou, administratrice de l’Unapei, qui a monté cette opération #jaipasecole. C’est 174 de plus que l’an passé. C’est certes un indicateur imparfait, mais cela montre bien qu’il reste de nombreuses situations problématiques. »
Un comité de suivi pour louer les efforts
Il faudra s’en contenter car ni l’Éducation nationale, ni le secrétariat d’État chargé des personnes handicapées ne tiennent – publiquement du moins – le compte des enfants non scolarisés ou bénéficiant d’une solution inadaptée. Le sujet n’a même pas été abordé au sein du très officiel Comité de suivi de l’éducation inclusive, dont la dernière réunion s’est tenue lundi 9 novembre. Les deux ministres y ont simplement déroulé le déploiement des dispositifs : 367 Ulis créées, 1 400 accompagnements supplémentaires par des Sessad…
« Il faut affronter en face la réalité. »
« C’est vrai que les pouvoirs publics font des efforts. Que les mesures adoptées vont dans le bon sens. Et que le nombre d’enfants handicapés scolarisés augmente », commente Sonia Ahehehinnou. Il est en effet passé de 361 000 en 2019 à 385 000 en 2020.
« Mais il ne faut pas se limiter à cette approche quantitative, poursuit-elle. Il faut affronter en face la réalité des enfants non scolarisés ou accueillis dans des conditions inadaptées. » Quitte à reconnaître que l’objectif présidentiel n’a pas été atteint.
Le Covid-19 n’arrange rien
« La crise sanitaire affecte malheureusement les conditions de scolarisation de certains enfants en situation de handicap », constate Bénédicte Kail, conseillère nationale éducation d’APF France handicap. Ici, les enfants accueillis en Ulis, au sein d’une école ordinaire, ne vont plus suivre des enseignements dans d’autres classes. Là, les Sessad n’ont plus le droit d’intervenir. Ailleurs, des médecins refusent d’établir un certificat médical justifiant le non-port du masque… Au mépris des consignes gouvernementales.
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