Territoires zéro chômeurs de longue durée : « Des emplois supplémentaires, utiles et décents sont possibles »

Publié le 9 décembre 2022 par Corinne Manoury
Tous les 8 février, les différents territoires de l'expérimentation TZCLD organisent la Grève du chômage pour expliquer le projet et réaffirmer que l'emploi est un droit. © TZCLD

Et si la fin du chômage n’était pas une utopie ? Et avec elle, le plein emploi pour les personnes en situation de handicap un objectif atteignable ? Un livre plaidoyer vivifiant, Repenser l’emploi avec les Territoires zéro chômeur de longue durée, tire les enseignements de cinq ans d’une expérimentation où l’on embauche en CDI, à temps choisi, des personnes sans emploi. Explications d’Annaïg Abjean, ancienne directrice de la Mission régionale d’information sur l’exclusion en Rhône-Alpes, co-auteure de l’ouvrage.

Faire-face.fr : Quel bilan dressez-vous de l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) ?

Annaïg Abjean compte également parmi les initiateurs du Territoire zéro chômeur de Villeurbanne, en Rhône-Alpes.

Annaïg Abjean : Que c’est possible ! En cinq ans, nous avons montré que l’on pouvait produire des emplois supplémentaires, utiles et décents. Avec des formes de management et de coopérations qui les garantissent.

Dans Repenser l’emploi avec les Territoires zéro chômeur de longue durée, nous expliquons, en effet, le rôle essentiel du comité local pour l’emploi , qui réunit élus, entreprises, services publics et citoyens volontaires.

Une ambition réaliste et juste

De même, nous montrons que c’est à travers un management collectif, sécurisant et apprenant que les personnes peuvent tenir dans l’emploi. Et ce, malgré les difficultés qu’elles continuent à avoir : problèmes de santé, de situation sociale, familiale, etc.

L’ambition de TZCLD d’en finir avec la privation d’emploi de manière exhaustive est donc réaliste et juste. Et les entreprises à but d’emploi (EBE), tout comme les comités locaux pour l’emploi, une chance pour mobiliser un territoire sur toutes les dimensions du bien-être. À la fois économique, social, environnemental et citoyen. C’est d’ailleurs ce qu’ils doivent être et non un dispositif de plus d’accompagnement des chômeurs vers l’emploi.

F-f.fr : Est-ce ce qui explique que les EBE comptent 25 % de personnes en situation de handicap, un public massivement touché par le chômage de longue durée ?

A.A : L’expérimentation TZCLD m’a permis de confirmer une intuition. Celle que la question du handicap pouvait se poser dans deux sens. Il y a, en effet, des personnes handicapées qui veulent travailler et d’autres qui, par le travail, vont prendre conscience de leur handicap.

Il existe d’autres voies que la santé pour accéder à la reconnaissance du handicap.”

De nombreux salariés des EBE n’ont, en effet, pas de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) au moment de leur embauche. Le travail les place donc sur un autre chemin d’accès aux droits que celui qui leur est habituellement proposé. Sortir des logiques de silos, où l’on s’intéresse soit à la précarité et à la pauvreté, soit au handicap, c’est aussi constater qu’il existe d’autres voies que la santé pour accéder à la reconnaissance du handicap.

Ouvrir des espaces de reconnaissance

Quand on est embauché sans prérequis et surtout en CDI et à temps choisi, on n’a pas peur qu’un statut, comme celui de travailleur handicapé, se retourne contre soi. D’autant que le temps est choisi, mais pas fixé au départ. La pluri-activité, les différents postes et le management comptent aussi beaucoup. Par les espaces de reconnaissance qu’ils ouvrent. De ce qu’on sait faire, de ce qu’on ne sait pas faire et de ce qu’il serait difficile de faire dans d’autres entreprises.

F-f.fr : Vous expliquez qu’à l’instar de nombreux autres travailleurs, les salariés des EBE sont souvent en quête d’un emploi qui aie du sens et pas seulement d’un salaire…

A.A : Au départ, le fonds d’expérimentation avait prévu trois grandes questions. Qu’est-ce que je sais faire ? Qu’est-ce que j’ai envie d’apprendre ? Et qu’est-ce que je ne peux plus ou ne veux plus faire ? Pour certaines personnes, ces questions s’avéraient très importantes, mais pour d’autres non.

Or, lorsqu’on creusait un peu, on réalisait que celles qui se disaient prêtes à effectuer n’importe quelles tâches accordaient plus d’importance aux conditions de travail. Avoir un collègue qui connaît notre nom, être salué quand on arrive…

Casser les a priori

Ça questionne l’accompagnement des chômeurs – aujourd’hui organisé autour d’un projet professionnel. On a tendance à considérer comme immature une personne prête à faire tout ce qu’on lui demandera. Mais en fait, elle peut simplement signifier que l’enjeu pour elle, le projet professionnel, ce sont les conditions de travail.

La privation d’emploi n’est pas un choix délibéré de profiter du système. Il faut sortir de ce schéma. Travailler sur ce que nous appelons  “l’employeurabilité”, c’est-à-dire les modalités de recrutement. Elles sont aujourd’hui en décalage avec la réalité du marché du travail, colorées par les a priori. Or, on ne travaille pas de la même manière selon les a priori que l’on a sur les notions de capacité ou d’incapacité.

Repenser l’emploi avec les Territoires zéro chômeur de longue durée, Jean-Christophe Sarrot avec Annaïg Abjean, éditions Les petits matins en partenariat avec les éditions Quart monde, 10 €.

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