Philippe Pozzo di Borgo, “Monsieur Intouchables”, s’en est allé

Publié le 2 juin 2023 par Claudine Colozzi
Devenu tétraplégique en 1993, à la suite d'un accident de parapente, Philippe Pozzo di Borgo avait raconté son retour à la vie dans un livre, Le Second Souffle. © DR

Adaptée au cinéma par Olivier Nakache et Éric Toledano, dans Intouchables, son histoire a touché des millions de personnes. L’homme d’affaires, Philippe Pozzo di Borgo, tétraplégique depuis un accident survenu en 1993, est mort à l’âge de 72 ans. Ardent défenseur des personnes en situation de handicap, il avait aussi pris position contre le « droit à mourir dignement ». Nous l’avions rencontré il y a un an à l’occasion de la sortie de son livre Le Promeneur immobile. Voici ce que nous aurions aimé lui dire avant qu’il ne parte.

Cher Philippe Pozzo di Borgo,

Alors que je découvre l’annonce de votre décès, le souvenir de cette heure passée en votre compagnie au CHU Saint-Jacques à Nantes, un mardi de fin juillet 2022, me revient en mémoire. Vous y séjourniez une à deux fois par an pour des bilans de santé, quittant à regret votre retraite d’Essaouira. Malgré votre santé fragile, vous aviez accepté cette interview pour parler des sujets qui vous tenaient à cœur, notamment la reconnaissance des plus vulnérables.

Vingt ans après Le Second Souffle qui a inspiré le film Intouchables, vous publiez un nouveau livre, Le Promeneur immobile, dans lequel vous évoquiez vos trente ans de tétraplégie. En effet, depuis la sortie du film en 2011, vous receviez des milliers de messages, « souvent très douloureux ». Ne pouvant pas écrire à tout le monde, vous aviez voulu ce livre comme  « une réponse à toutes ces sollicitations, tout ce désarroi dont [vous aviez] pris conscience mais auquel [vous n’aviez] pas de solution à apporter ». Vous espériez qu’il soulagerait un peu celles et ceux qui le liraient. Je crois que oui, tant vos mots pleins de sagesse distillent beaucoup de réconfort.

Chacun voit dans la personne handicapée la fragilité qui le menace aussi

Durant cet échange, nous avons revisité ces années de handicap. Bien sûr, vous étiez très lucide sur votre condition d’« handicapé privilégié » eu égard à votre confort matériel. Mais comme beaucoup de personnes touchées par un accident de la vie, vous avez traversé des moments douloureux. « Oui, le handicap exclut, fait peur. Parce que chacun voit dans la personne handicapée la fragilité qui le menace aussi », m’avez-vous confié. Je vous ai cru. Malgré votre position sociale, votre aisance financière, certaines personnes s’étaient détournées de vous.

Mais le handicap vous a aussi  « guéri des complications, des rendez-vous manqués ». Il vous a appris à écouter, à être ouvert aux autres, à être dans l’instant présent. « C’est le seul moment propice à la relation. Avant, je croisais les gens, je ne les rencontrais jamais. » Cher Philippe, j’ai la sensation qu’à défaut d’avoir pris le temps de nous rencontrer, nous avons fait un peu plus que nous croiser.

Tétraplégique à la suite d’un accident de parapente

Né en 1951 à Tunis, Philippe Pozzo di Borgo était un homme d’affaires français, issu d’une famille de la noblesse corse. Devenu tétraplégique en 1993, à la suite d’un accident de parapente, il a raconté son expérience et son retour à la vie dans un livre, Le Second Souffle. Son histoire, ainsi que sa relation avec son auxiliaire de vie, Abdel Yasmin Sellou d’origine algérienne, ont inspiré le film Intouchables. Il a été président d’honneur de l’association Simon de Cyrène qui crée des maisons de vie partagée pour personnes polyhandicapées et traumatisées crâniennes à travers toute la France. Philippe Pozzo di Borgo habitait au Maroc avec son épouse Khadija et leur fille.

Nous vous conseillons de visionner cette conférence intitulée L’art de réinventer sa vie, donnée à l’Université de Nantes en 2019.

Comment 1 commentaire

Merci pour ce bel et délicat hommage à ce “Grand Tétra”, comme l’appelait avec humour et délicatesse un de ses amis. Il restera sans aucun doute un grand témoin pour beaucoup d’entre-nous. Il aura su faire de sa vulnérabilité, jusqu’au bout, une force. Son handicap aura été un chemin qui a donné sens à sa vie. Belle leçon pour nous tous !

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