Les IME au défi du droit à l’éducation des enfants handicapés
Trop d’enfants accueillis dans les instituts médico-éducatifs ne bénéficient d’aucun enseignement scolaire ou, au mieux, de six heures maximum par semaine. 60 % dans les IME de l’Unapei, par exemple. En cause, le manque d’enseignants spécialisés mis à disposition par l’Éducation nationale mais aussi une insuffisante « culture de la scolarisation » dans le milieu médico-social.
Olivier Paolini en a eu assez de devoir partager la misère. Assez d’être contraint de répartir un volume insuffisant d’heures d’enseignement entre les enfants handicapés accueillis par l’Institut médico-éducatif (IME) Les Hirondelles, à Narbonne (Aude). L’IME, dont il était le coordinateur pédagogique, avait bien ouvert des unités d’enseignement externalisées (UEE) au sein d’une école et d’un collège. Mais le nombre de places y était trop faible au vu des effectifs de l’établissement spécialisé.
« Chacun ne pouvait y aller que deux, trois ou quatre demi-journées par semaine, explique-t-il. Ce ne sont pas les besoins des enfants qui déterminaient le temps passé en classe, mais le temps total de classe à répartir entre tous les élèves. » Une situation inacceptable… et aux marges de la légalité. Le cahier des charges national des UEE prévoit une durée minimale de 12 heures de scolarisation hebdomadaire.
IME : une obligation de résultat
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est le cas de Bastian. À la rentrée 2021, la direction de l’IME décide unilatéralement de réduire de moitié son temps de scolarisation au motif qu’il vient d’avoir 16 ans. Olivier Paolini proteste contre cette décision et aide les parents à porter l’affaire en justice.
Devant le tribunal, la direction justifie effectivement cette mesure par le manque de places en classe ! Un argument rejeté par les juges qui considèrent qu’une obligation de résultat s’impose à l’association : elle doit respecter le droit à l’éducation des enfants. Depuis, Olivier Paolini a demandé sa mutation. « La pénurie d’heures d’enseignement spécialisé ne concerne malheureusement pas que cet IME », pointe-t-il.
430 000 élèves à l’école de leur quartier
Chaque rentrée braque les projecteurs sur l’école ordinaire et ses élèves en situation de handicap, de plus en plus nombreux. 430 000 cette année, y compris en Ulis, ces classes incluses dans les écoles, collèges et lycées mais réservées aux élèves handicapés.
Les IME qui accueillent quelque 70 000 enfants restent, eux, dans l’ombre. Or, pour eux aussi, l’instruction, puis la formation sont obligatoires.
Unités d’enseignement externalisées en développement
Sauf exceptions, ils sont censés suivre les cours dans une unité d’enseignement interne (UEI) au sein de leur institution ou dans une unité d’enseignement externalisée (UEE) dans l’établissement scolaire du quartier. Ces dernières se développent d’ailleurs rapidement, depuis la Conférence nationale du handicap de 2014 qui a impulsé le mouvement.
« Dans notre région, plus de la moitié des unités d’enseignement sont externalisées, note Bénédicte Marabet, la responsable du pôle études et observation du Creai Nouvelle-Aquitaine. Il existe toutefois de fortes disparités entre départements : 17 % en Creuse contre 71 % en Corrèze. »
Pénurie d’enseignants spécialisés
La création et la gestion des UEE et UEI sont du ressort des établissements médico-sociaux. À charge pour l’Éducation nationale de mettre des enseignants spécialisés à disposition. « Le problème, c’est que ces professionnels font cruellement défaut, regrette Bénédicte Kail, conseillère nationale éducation familles d’APF France handicap. De nombreux projets de création d’UEE échouent d’ailleurs, faute de professeurs. »
Une enquête de l’Unapei, menée en 2021 auprès de 44 associations du réseau, confirme cette pénurie. Plus des deux-tiers d’entre elles assuraient avoir des besoins en enseignants non satisfaits. Et 36 % de ceux en poste n’étaient pas considérés comme spécialisés, car pas titulaires du certificat d’aptitude professionnelle aux pratiques de l’école inclusive (Cappei).
Un quart des enfants d’IME non scolarisés
Résultat, comme à l’IME Les Hirondelles, de nombreux enfants ont droit à moins d’heures d’enseignement que ce dont ils auraient besoin. L’Unapei a communiqué à Faire-face.fr les résultats d’une autre étude, réalisée en 2023, auprès des structures de son réseau(1). Sur 1 592 enfants accueillis en IME, 27 % ne bénéficient d’aucune heure de scolarisation(2) et 35 %, entre zéro et six heures.
Certes, pour la plupart des jeunes accompagnés par ces institutions, le temps plein est rarement concevable. Mais avec plus de six enfants sur dix ayant au mieux six heures d’école, le droit à l’instruction est loin d’être effectif.
L’unité d’enseignement : un service parmi les autres
Il est vrai que les établissements médico-sociaux ne sont pas des établissements scolaires, contrairement aux écoles, collèges ou lycées. Ce n’est pas l’Éducation nationale qui y organise la scolarisation mais ces institutions elles-mêmes. « L’unité d’enseignement est une unité ou un service parmi les autres, et parfois périphérique, par rapport à des structures dont la raison d’être est souvent le soin », soulignaient les inspections générales de quatre ministères dans un rapport de 2014 qui leur était consacré.
« Pas de culture de la scolarisation »
Presque dix ans plus tard, Olivier Paolini dresse le même constat. « L’Éducation nationale a peu prise sur ce qui se passe dans les établissements spécialisés. Pourtant, dans beaucoup d’entre eux, il n’y a pas de culture de la scolarisation. Ce qui prévaut encore, c’est l’accompagnement médico-socio-éducatif, pas l’apprentissage scolaire, même adapté aux capacités de l’enfant. »
Un PPS pour un seul des 70 jeunes de l’IME
Olivier Paolini en veut pour preuve que de nombreux enfants n’ont pas de projet personnalisé de scolarisation (PPS). « Sur les 70 jeunes de l’IME Les Hirondelles, un seul disposait d’un PPS : Bastian ! » Dans son jugement, le tribunal s’y réfère d’ailleurs pour justifier que le garçon devait bien bénéficier de quatre demi-journées d’école par semaine. Un droit… pas un privilège.
(1) Données collectées auprès des associations du réseau issues de 6 régions (Pays de la Loire, Bretagne, Grand Est, Hauts-de-France, Normandie et Auvergne-Rhône-Alpes).
(2) Les données nationales, datant de 2018, faisaient état de 12 % d’enfants non scolarisés dans les IME mais ne détaillaient pas le nombre d’heures reçu par les autres.
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1 commentaire
À qui la faute ??? Pourquoi les IME n’ont-ils pas assez de moyens pour instruire les enfants qui y sont placés ? N’y a-t-il pas une politique qui vise à les rendre déficients en tout pour pouvoir les supprimer. Et alors, les supprimer pour les remplacer par quoi ? Les Unités en maternelle ? Elles reçoivent plus de moyens car elles sont à la mode. Attendons la suite….