« Succession de défaillances » dans l’incendie mortel des gîtes pour vacanciers handicapés en Alsace
Les gîtes dans lesquels ont péri dix vacanciers handicapés, début août, n’avaient pas été contrôlés par la commission de sécurité alors qu’ils auraient dû l’être vu leur capacité. Les deux organisateurs du séjour ne l’avaient pas vérifié, relève l’Inspection générale des affaires sociales. Pas plus que les services de l’État. Cette vérification va devenir obligatoire.
Dans quelles circonstances deux gîtes de Wintzenheim, en Alsace, ont-ils été ravagés par un incendie cet été ? Dix personnes ayant des déficiences intellectuelles et un de leurs accompagnateurs ont trouvé la mort, le 9 août dernier, dans ce bâtiment où ils passaient leurs vacances.
Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), apporte quelques éléments de compréhension. lI y a eu « une succession de défaillances » de la part des deux organisateurs du séjour, Idoine et Oxygène, et des administrations sociales chargées de leur contrôle.
Tout gîte est un ERP au-delà de 15 couchages
La plus grave concerne le manque d’attention accordé au statut réglementaire du bâtiment abritant les deux gîtes. Comme il avait une capacité d’accueil dépassant 15 places, il devait être considéré comme un établissement recevant du public (ERP). Les implications de ce classement sont multiples. Tant sur la sécurité des matériaux utilisés que sur l’installation de systèmes de détection des incendies…
De plus, l’ouverture d’un ERP est soumise à une autorisation administrative, accordée par la municipalité, après avis de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité (CCDSA). Mais cette commission n’est jamais passée.
Les opérateurs sont « responsables de la sécurité des vacanciers »
La coordinatrice d’Idoine a bien interrogé la propriétaire, par mail, sur le classement de son gîte en ERP. Elle lui a même demandé le compte-rendu de la visite de la CCDSA. Celle-ci lui a répondu qu’elle n’en disposait pas. Ce qui n’a pas empêché Idoine de louer le gîte. Le directeur général d’Oxygène a, lui, reconnu que son entreprise n’avait pas vérifié ces deux points.
Les opérateurs de vacances adaptées organisées (VAO) sont pourtant « responsables de la sécurité des vacanciers », rappelle l’Igas. Ils doivent donc, entre autres, s’assurer que le gîte a rempli ses obligations réglementaires de classement en ERP, le cas échéant.
Un champ de contrôles « ambigu »
Les services départementaux de l’État chargés de contrôler les séjours n’ont pas fait mieux. Ils ont bien effectué un contrôle dans chacun des gîtes, en août 2020 et juillet 2023. Mais ils n’ont pas vérifié si la CCDSA était bien passée.
À la décharge des agents, le champ des contrôles qu’ils doivent effectuer s’avère « ambigu », note l’Igas. Une seule des 104 pages de l’instruction de 2015 concernant les VAO porte sur la sécurité incendie. Ce document se concentre quasi-exclusivement sur la qualité de prise en charge des vacanciers : besoins de soins, formation des encadrants…
De plus, la grille de questions qu’ils appliquent lors des visites n’est pas obligatoire. Enfin, « les moyens consacrés par les services de l’État à ces contrôles sont très limités et en diminution ».
Rendre obligatoire la visite préalable des locaux
L’Igas préconise donc d’obliger les opérateurs de VAO à fournir aux services de l’État une attestation du propriétaire du lieu de vacances sur sa classification en ERP s’il dépasse 15 couchages. Idem pour les documents prouvant le passage de la commission de sécurité. Ils devront également faire une visite préalable des locaux et en fournir un compte-rendu de visite.
Par ailleurs, elle recommande la mise en place d’une grille nationale du contrôle par les agents de l’État des séjours de VAO . Concernant les gîtes “ordinaires” de moins 16 couchages, il faudrait redéfinir les attendus en matière de sécurité incendie. Actuellement, seule la présence d’un détecteur automatique de fumée est obligatoire.
Un renforcement des obligations dès les vacances de la Toussaint
« Nous allons mettre en œuvre toutes les propositions de l’Igas », indique le ministère des Solidarités et des familles. Dès les vacances de la Toussaint pour certaines d’entre elles, comme l’obligation de vérifier la classification en ERP. « À défaut, le séjour sera annulé. »
Le rapport est toutefois loin de faire toute la lumière sur le drame de Wintzenheim. Conformément aux termes de leur mission, les inspecteurs ont en effet limité leurs investigations aux conditions d’organisation du séjour et aux les contrôles administratifs. Quid de la responsabilité de la propriétaire du bâtiment qui abritait les deux gîtes ? Et de celle du maire de la commune ? Elles relèvent de l’enquête judiciaire, en cours.
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