[Tennis-fauteuil] Charlotte Fairbank : « Le sport est un vecteur d’acceptation de soi incroyable »

Publié le 15 novembre 2023 par Claudine Colozzi
Depuis les jeux de Tokyo en 2021, Charlotte Fairbank a gagné en maturité et depuis le début de l'année, elle s'entraîne en équipe de France. © Christophe Guibbaud

À 32 ans, Charlotte Fairbank fait partie de l’équipe de France de tennis-fauteuil féminine, médaillée de bronze à la dernière coupe du monde au Portugal, en mai 2023. Cette juriste de formation, paraplégique à la suite d’un accident à l’âge de 15 ans, mise tout sur les futurs Jeux de Paris 2024.

Faire-face.fr : Comment avez- vous découvert le tennis-fauteuil(1) ?

Charlotte Fairbank : Alors que j’étais en centre de rééducation comme j’étais sportive – je pratiquais la natation en compétition – un ami de mes parents, professeur de sport, me conseille d’essayer. J’ai toujours aimé le tennis. Mais quand il m’en parle, je ne suis pas prête à franchir le pas. En effet, l’idée d’un sport en fauteuil alors que j’ai déjà beaucoup de difficulté avec son maniement au quotidien ne me plaît pas. À l’époque, je suis dans le déni de mon handicap. Je suis persuadée que je vais remarcher.

F-f.fr : Qu’est-ce qui vous pousse quelques années plus tard à y revenir ?

C.F : Même si je suis très engagée dans ma rééducation, je ressens le besoin de faire du sport. Alors, durant mes études universitaires en Angleterre, je me décide à prendre quelques cours. Je reviens le sourire aux lèvres. J’adore ! Le tennis-fauteuil me permet de reprendre confiance en moi. J’avance dans l’acceptation de mon handicap. J’investis dans un fauteuil de sport et je pratique régulièrement à côté de mon travail de juriste.

Charlotte Fairbank : « J’ai toujours beaucoup travaillé pour progresser »

F-f.fr : Par quel concours de circonstances, intégrez-vous l’équipe nationale argentine de paratennis en 2016 ?

C.F : J’avais décidé de faire une pause professionnelle et de partir vivre quelques mois dans ce pays pour faire du bénévolat. Comme j’ai emporté mon fauteuil, je cherche un club pour prendre des cours. Et là, je découvre que l’équipe nationale de paratennis s’entraîne sur les terrains à côté du mien. J’observe les joueurs et joueuses avec admiration. Un jour, l’entraîneur me demande si je veux intégrer l’équipe de tennis-fauteuil. Après une demi-seconde d’hésitation, j’accepte et je passe de trois à quatre heures d’entraînement par semaine à quatre heures par jour ! Pourquoi me l’a-t-il proposé ? Je n’ai jamais osé lui poser la question. Il a sans doute perçu ma motivation et ma détermination. J’ai toujours beaucoup travaillé pour progresser.

F-f.fr : Vous participez à votre premier tournoi à Buenos Aires, en mars 2017. Quel souvenir en gardez-vous ?

C.F : Le premier match est très intense. Les conditions climatiques sont particulièrement éprouvantes. Il fait 38° C. Je m’accroche, je suis sur tous les points et je gagne au bout de trois heures. Malgré les difficultés, ce tournoi ancre durablement mon envie de me lancer dans la compétition. Après en avoir informé mes parents qui me soutiennent dans ce choix, je décide de m’y consacrer à temps plein. C’est parti pour une nouvelle vie de voyages et de chambres d’hôtels, car les compétitions se déroulent beaucoup à l’international.

Charlotte Fairbank : « C’est très rare de ne pas se blesser, tout athlète de haut niveau doit composer avec »

F-f.fr : Qu’aimez-vous dans le tennis ?

C.F : La gestion des émotions et du stress est très différente que dans un sport collectif. Même si je suis entourée par un staff, je suis seule sur le terrain. C’est aussi un sport plein de rebondissements. Tout peut basculer très vite durant un match. Rien n’est jamais joué. Et puis grâce au tennis, je parcours le monde six mois de l’année. C’est certes très fatigant de vivre avec une petite valise, et les vols longs sont épuisants avec la paraplégie, mais c’est passionnant !

F-f.fr : Vous avez eu une année 2022 compliquée avec une importante blessure au coude. Comment gérez-vous ces périodes d’arrêt ?

 C.F : Tout athlète de haut niveau doit composer avec ça. C’est très rare de ne pas se blesser. Mais mentalement cette dernière blessure (rupture du tendon) m’a vraiment coûté. Je suis très autonome. Me retrouver dépendante, privée de mon bras gauche a été très compliqué à vivre. Je suis revenue à la compétition grâce au soutien de mes proches et de mon staff. Le tennis est certes un sport individuel, mais on n’y arrive pas s’il n’y pas toute une équipe présente à vos côtés. Je me suis réveillée un jour sans douleur. J’ai repris confiance.

Charlotte Fairbank : « Sans sponsor, il est compliqué de pouvoir avancer l’esprit tranquille »

F-f.fr : Depuis janvier 2023, vous avez rejoint le Pôle France de paratennis au Centre national d’entraînement (CNE) de la Fédération française de tennis (FFT) à Paris. Ça change quoi pour vous ?

C.F : C’est un grand coup d’accélérateur dans mon parcours sportif, notamment en vue de la qualification pour les jeux Paralympiques. Je m’entraîne en équipe de France. Tout est réuni dans les mêmes infrastructures, sur le même complexe, dans le 16e arrondissement de Paris, pour nous préparer aux échéances internationales : la prépa physique et mentale, les entraînements, l’encadrement médical et diététique Et puis, je suis aidée financièrement. Sans sponsor, il est compliqué de pouvoir avancer l’esprit tranquille dans notre sport. Ces différents soutiens allègent une charge mentale importante.

F-f.fr : En quoi consiste votre rôle d’ambassadrice G7 Access ?

C.F : G7 m’associe à des groupes de travail pour que je contribue, aux côtés des équipes, à améliorer la flotte PMR et le transport des personnes à mobilité réduite. Il faut sensibiliser les chauffeurs de taxi aux différents types de handicap et aux différentes façons de prendre en charge les passagers. Le discours tenu n’est pas toujours approprié. J’ai parfois eu de mauvaises expériences par le passé.

Charlotte Fairbank : « Je mise beaucoup sur Paris 2024, à la maison »

F-f.fr : Les Jeux de Paris 2024 seront vos deuxièmes Jeux, après ceux de Tokyo en 2021. Comment vous projetez-vous ?

 C.F : Dans le tennis-fauteuil, nous sommes très concentrés sur les jeux Paralympiques parce qu’il est très difficile de se qualifier pour les Grands Chelems. Les Jeux de Tokyo, il y a deux ans, restent une expérience inoubliable, car c’était ma première participation, et je ne pensais pas me qualifier. Mais ils ont été décevants en termes de performance, j’ai été éliminée au premier tour. Je mise beaucoup sur Paris 2024, à la maison !

F-f.fr : Que vous a apporté la pratique sportive ?

C.F : Le tennis-fauteuil m’a aidée à accepter mon handicap. Il m’a sortie d’une dépression. Le sport est un vecteur d’acceptation de soi assez incroyable. Je conseille à tout le monde de se lancer et de foncer, en professionnel comme en amateur. J’ai parfois le regret de ne pas avoir commencé plus tôt. Surtout qu’avec la pandémie et ma blessure, j’ai l’impression d’avoir perdu deux ans. Heureusement, j’ai été très entourée et je crois de nouveau en moi. Depuis Tokyo, j’ai gagné en maturité et je sens que j’ai encore beaucoup à donner. Donc objectif Paris, puis qui sait, peut-être Los Angeles en 2028 !

(1) Intégré depuis 2017 à la Fédération française de Tennis, le paratennis rassemble le tennis fauteuil et le tennis pour les personnes déficientes auditives.

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Cette interview est parue dans le magazine Faire Face de septembre-octobre 2023. Droits, démarches administratives, santé, aides techniques, vie sociale, du côté des livres… : tous les deux mois, le magazine vous apporte informations pratiques, conseils, contacts et astuces indispensables à votre vie quotidienne.

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