Les nombreuses violations des droits des personnes handicapées renforcent les stéréotypes
La France bafoue les droits des personnes handicapées, pointe la Commission nationale consultative des droits de l’Homme. Or, les difficultés qu’elles vivent au quotidien alimentent les stéréotypes à leur encontre. Il faut donc faire des personnes handicapées des sujets de droits pour changer le regard sur le handicap.
« Les Français associent très largement le handicap à la souffrance et à l’idée de tragédie personnelle. » À la demande de la Commission nationale consultatives des droits de l’Homme, la sociologue Cindy Lebat a réalisé une étude sur leurs représentations et leurs préjugés. Les résultats figurent dans le rapport sur les politiques publiques du handicap que la CNCDH vient de rendre public. Plus des deux tiers des personnes interrogées estiment que « le handicap est un obstacle au bonheur et à une vie épanouie ».
Mais comment pourrait-il en être autrement alors qu’ils ont conscience des obstacles que rencontrent les personnes handicapées pour aller à l’école, trouver un emploi, se loger… ? « Au-delà du handicap, pointe la CNCDH, c’est la perception par tout un chacun du caractère peu inclusif de notre société qui génère ces peurs ».
La Convention internationale des droits des personnes handicapées pour boussole
Ce que les Français ressentent, la CNCDH le formalise au fil des 217 pages de son rapport. Non, la France ne tient pas le cap fixé par la Convention internationale des droits des personnes handicapées des Nations Unies (CIDPH). Le comité des droits des personnes handicapées de l’ONU, en septembre 2021, et le Conseil de l’Europe, en avril 2023, avaient d’ailleurs dressé le même constat.
Constitutionnellement, cette CIDPH « a une valeur supérieure à celle des lois françaises », tient à rappeler la CNCDH. Pourtant, la législation française « n’intègre pas le changement de paradigme appelé par la CIPDH ». En l’occurrence, passer d’un modèle médical du handicap, dominant depuis le début du XXe siècle, à un modèle social.
Faire des personnes handicapées des sujets de droits et non des objets de soins
Le premier place la maladie et la déficience ainsi que l’ensemble des contraintes quotidiennes découlant de cet état sur un plan strictement individuel. Pour le second, au contraire, c’est l’environnement physique, social, politique, économique et culturel, etc. qui fait qu’une déficience devient handicap. Dès lors, ce dernier n’apparaît plus comme un écart à une norme mais comme le résultat d’une interaction entre des facteurs individuels et des facteurs environnementaux.
Le modèle social amène donc à ne plus considérer les personnes handicapées comme des objets de soin, qu’il faudrait réadapter. Ils doivent être tout simplement des sujets de droits, de tous les droits de l’Homme. Sans discrimination. La France en est loin.
La déconjugalisation de l’AAH va dans le bon sens
Bien sûr, certaines récentes mesures vont dans le bon sens, souligne le CNCDH. Comme l’élargissement de la prestation de compensation du handicap aux personnes en situation de handicap psychique, mental, cognitif ou souffrant d’un trouble du neurodéveloppement. L’allongement de la durée maximale d’attribution de certains droits. Ou bien encore la déconjugalisation de l’AAH.
La pénurie de logements adaptés renforcée par la loi Élan
Mais, au-delà de ces mesures de compensation, nécessaires, la société française tarde à lever les « barrières environnementales et comportementales ». Voire même, elle les renforce. En matière de logement, par exemple, la loi Élan a contribué « à renforcer la pénurie de logements adaptés ». Elle a en effet baissé de 100 % à 20 % la part de logements devant être accessibles dans les immeubles neufs. La CNCDH appelle donc à revenir à la règle des 100 % d’accessibilité.
Réformer tutelle et curatelle pour une mesure unique respectant la volonté des personnes
Elle recommande également de réformer le régime de protection juridique actuel, essentiellement basé sur la tutelle et la curatelle. « Il est indispensable d’accompagner les personnes en situation de handicap afin qu’elles puissent elles-mêmes prendre les décisions fondamentales les concernant plutôt que d’adopter une position tendant à les surprotéger, en faisant supporter ces décisions par d’autres individus. » Pour elle, il faut donc « poursuivre la réflexion sur la création d’une mesure unique de protection, plus respectueuse de la volonté de l’intéressé ».
Mettre fin aux stéréotypes en changeant les conditions de vie des PSH
Mettre en œuvre ces réformes est essentiel. Pour faire des personnes handicapées de véritables citoyens. Mais aussi pour mettre fin aux stéréotypes qui, dans un cercle vicieux, contribuent à remettre en cause les droits fondamentaux des personnes handicapées. Dont le droit même à l’existence, notamment.
Après la détection d’une déficience chez l’enfant à naître, l’interruption de grossesse s’impose en effet souvent par défaut aux futurs parents. Or, « aujourd’hui adultes, certaines personnes auditionnées, nées handicapées, ont exprimé leur bonheur de vivre, à l’opposé du préjugé courant associant handicap et vie malheureuse, note la CNCDH. Elles considèrent que l’interruption de grossesse, en cas de diagnostic de handicap, doit être le fruit de la réflexion guidée de parents informés mais qu’il faut éviter toute généralisation induite par les préjugés et les peurs. »
« D’où l’importance d’agir sur les causes de ces représentations, à savoir les difficultés vécues par les les personnes handicapées, souligne Cindy Lebat. Seul un changement profond de la vie qui leur est offerte amènera un changement de regard sur le handicap. »
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4 commentaires
C est tellement bien expliqué
Bonjour
Quel dommage que cet état des lieux soit mis pus silence. Sans compter la discrimination du quotidien. Prenons l’exemple des transports en commun qui nous empêchent de faire les choses qu’une personne valide.
Par exemple oú j’habite je dois réserver le bus mais disponible uniquement de 8h à 20h et pas le week-end. Nous parlons d’écologie et d’inclusion mais ce n’est pas possible en dehors des très grandes villes
Il suffit de regarder les journaux télévisés pour constater l’absence d’information et de reportage sur la vie des personnes en situation de handicap et encore moins sur les adultes avec handicap congénital.
Les sujets liés aux personnes âgées, dépendantes ou non, sont régulièrement mis à l’ecran (c’est vrai aussi que les Ehpads relèvent du secteur privé pour une grande majorité… alors cela intéresse… mais les établissements pour les personnes handicapées sont financés par les fonds publics… alors cela n’intéresse pas).
Le grand public est majoritairement influencé par les flux médiatiques. Si l’information n’est pas véhiculée, elle permet à ce même public de rester dans l’ignorance… de la vie de la personne handicapée.
Heureusement l’AFM par le Telethon fait connaître le handicap.
A quand la prise de parole médiatique par les autres associations pour faire prendre vie aux personnes handicapées et les inclure dans l’actualité nationale comme les autres citoyens ?
Excellent article !
Ce que j apprecie c est qu on ose dire qu on peut être heureux et meme joyeux malgre le handicap…meme si des fois c est dur biensur.
Personnellement je me suis apercue que c est pas mon handicap qui me rend triste c est le regard et l attitude des gens en face.
Récemment j ai choqué des valides qui se plaognaient car je disais que j avais tout cr qu il me fallait sauf un petit copain (mais les dames avaient le meme souci de celibat…) et que je profitais bien de la vie…que je faisais plein de trucs passionnants….
Et quand j ai ajoute ” heureusement que ma mère a rate son avortement et que je suis nee quand meme “…c etait panique a bord !
Bien sur je ne sais pas pour les personnes qui ont un handicap tres tres lourd et sont complètement dépendants…mais moi je le suis un peu (dependante) et maintenant je pars meme en vacances normales…en adaptant…et c est super ! Les medecins sont les premiers etonnes…tant mieux !
Les idees préconçues nous rendent en effet plus malheureux que notre handicap….bien vu !