Travailleurs d’Ésat : la pression monte pour obtenir le statut de salarié
Plusieurs syndicats et associations ont écrit à la Première ministre, Élisabeth Borne, pour réclamer le statut de salarié pour les 120 000 travailleurs d’Ésat. Les associations gestionnaires n’ont pas été associées à la démarche. Mais elles demandent, elles aussi, une évolution. Sans forcément partager toutes le même point de vue.
Est-ce l’ébauche d’un front uni ? Dans une lettre ouverte à Élisabeth Borne, dix organisations demandent à la Première ministre d’accorder le statut de salarié à tous les travailleurs handicapés des établissements et services d’aide par le travail (Ésat).
Les 120 000 personnes en situation de handicap embauchées dans l’un des 1 400 Ésat ne sont, en effet, pas signataires d’un contrat soumis au code du travail, mais d’un contrat de soutien et d’aide par le travail régi par le code de l’action sociale et des familles (Casf). Elles ne sont donc pas des salariés. Par conséquent, elles ne bénéficient pas des mêmes droits.
Convergence des droits des usagers vers ceux des salariés
Certes, la loi pour le plein emploi poursuit la convergence des droits des usagers avec ceux des salariés. Dès janvier 2024, les travailleurs d’Ésat seront ainsi autorisés à faire grève, à adhérer à un syndicat professionnel… Ils bénéficieront de la prise en charge des frais de transport entre leur résidence et leur lieu de travail. Et ils pourront souscrire une mutuelle de santé collective.
Mais pour les signataires de la lettre ouverte, il faut aller plus loin. « Il est temps d’en finir avec le statut d’usager-ère-s et d’accorder les mêmes droits que tous les salarié.e.s de ce pays. Ce qui est la réalité dans bon nombre de pays européens », plaident-ils.
Inclure des dispositions protectrices dans le code du travail
Oui mais la transformation des usagers en salariés ne risque-t-elle pas de les fragiliser ? Actuellement, ils ne peuvent pas être licenciés. De plus, ils bénéficient d’un accompagnement socio-éducatif.
« Le code du travail prévoit déjà des cadres juridiques particuliers dans lesquels les salarié.e.s bénéficient à la fois des mêmes droits que les autres salarié.e.s et de dispositions protectrices particulières comme dans les entreprises d’insertion, les entreprises adaptées, les salariés de l’intérim », rétorquent les signataires.
Les associations gestionnaires d’Ésat pas associées à cette lettre ouverte
Parmi eux, figure l’Association nationale de défense des malades, invalides et handicapés (Ami), à l’origine de l’initiative. Ainsi que quatre autres associations de personnes handicapées : l’Association francophone des femmes autistes, les Dévalideuses, Femmes pour le dire Femmes pour agir et la Fédération des malades et des handicapés. Mais aussi trois syndicats : la CGT, la FSU et Solidaires. La Ligue des droits de l’Homme complète la liste.
En revanche, FO n’a pas répondu et la CFDT a refusé de s’y associer. Pour cette dernière, la loi pour le plein emploi satisfait, pour l’heure, ses revendications.
Et les grandes association gestionnaires d’Ésat ? « Nous ne les avons pas sollicitées car nous voulons rester totalement indépendants », répond François Couturier, le président de l’Ami.
L’Uniopss demande un double statut de salarié et usager
Pourtant, les positions de certains de ces employeurs ne sont pas si éloignées des revendications des signataires. Dans son plaidoyer pour une politique de l’autonomie, rendu public en avril 2023, l’Uniopss « demande que les travailleurs d’Ésat puissent être considérés à la fois comme des usagers du secteur médico-social et comme des salariés ».
Cette fédération, dont font notamment partie APF France handicap et Ladapt mais pas l’Unapei, le plus gros gestionnaire d’Ésat, réclame donc qu’ils bénéficient de « l’ensemble des droits garantis par les conventions de l’Organisation internationale du travail, le code du travail, ainsi que les conventions collectives ». Mais aussi une rémunération atteignant au minimum le Smic et générant des cotisations pour la retraite.
L’Unapei défend le statut d’usager avec davantage de droits
« Il serait paradoxal qu’un travailleur soit à la fois salarié au sens du code du travail, et usager du secteur médico-social. Je pense que des juristes y verraient une incompatibilité, pointe Patrick Maincent, le vice-président de l’Unapei. Nous avons toujours soutenu le rapprochement des droits des travailleurs d’Ésat avec ceux des salariés. L’Unapei est satisfaite des avancées significatives que les nouveaux droits obtenus apportent. » Comme au sein des syndicats, il existe aussi des divergences dans le monde associatif.
Travailleurs d’Ésat : davantage de droits… mais toujours pas le statut de salariés
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1 commentaire
Cela arrange bien les associations gestionnaires qui exploitent depuis trop longtemps les personnes qu’elles sont censées défendre.