Accessibilité numérique des services publics : de nécessaires condamnations pour de réelles améliorations
Depuis le 1er janvier, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) doit contrôler l’accessibilité numérique des sites internet, applications, intranets… des services publics. En cas de non-respect des règles, elle pourra prononcer des mises en demeure et des sanctions financières. Une avancée selon Manuel Pereira, responsable du pôle accessibilité de l’Association Valentin Haüy. À condition que l’Arcom dispose des moyens humains nécessaires. Ce qui est loin d’être acquis.
Faire-face.fr : L’Arcom est-elle le bon interlocuteur pour contrôler l’accessibilité numérique des services publics ?
Manuel Pereira : Il n’existe pas de mauvais interlocuteur, à condition qu’il dispose des compétences nécessaires pour remplir sa mission. Or, jusqu’à présent, l’Arcom ne traitait pas des sujets liés à l’accessibilité des sites internet. Et si des recrutements en ce sens sont en cours, au vu du volume des contrôles à réaliser, je pense qu’ils vont s’avérer insuffisant.
L’Arcom prévoit de recourir à l’intelligence artificielle. Certes, l’IA peut aider. Mais pas résoudre le problème. Certains outils d’assistance pour réaliser des audits automatisés existent déjà. Mais ils automatisent seulement 30 à 40 % des 338 tests de conformité au Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA). Par exemple, qui, hormis un humain compétent, pourra dire si telle photo est informative ou décorative et donc si, en conséquence, il convient ou non de la doter d’une alternative textuelle ?
Autre sujet d’inquiétude : toute personne physique ou morale doit pouvoir signaler à l’Arcom un non-respect de la loi. Encore faudra-t-il que le nouveau site de l’Arcom soit lui-même accessible ! Nous devions le tester avant sa mise en production en juillet, septembre, décembre, maintenant en début d’année… Et on nous dit déjà que tout ne sera pas 100 % accessible.
F-f.fr : Malgré tout, avez-vous l’espoir de voir les choses s’améliorer ?
M.P : Sur le principe, nous sommes contents de voir une autorité de contrôle désignée. Mais nous restons vigilants sur la mise en pratique et les moyens qui lui seront alloués. Car seule une jurisprudence et des condamnations permettront de réelles améliorations.
F-f.fr : Vous vous intéressez au sujet de l’accessibilité numérique depuis plus de 20 ans. Percevez-vous une évolution positive ?
M.P : Enfin, des sanctions vont pouvoir être prononcées pour inaccessibilité, et plus seulement pour le fait de ne pas avoir déclaré son niveau de conformité aux règles dans ce domaine. Leur montant maximum est de 50 000 €.
Malgré tout, le niveau d’accessibilité dans le domaine public demeure catastrophique. Et on ne pourra progresser qu’à une double condition. La première : que l’autorité de contrôle joue pleinement son rôle. La seconde : que l’accessibilité numérique devienne enfin un enseignement à part entière au sein des formations aux métiers du Web. Quant aux usagers des services publics, ils doivent se mobiliser, et signaler à l’Arcom tout manquement, dès maintenant par courrier postal s’il le faut ! Les associations, de leur côté, doivent poursuivre, sans relâche, leur travail de sensibilisation.
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