Quand les aides à domicile souffrent, les personnes handicapées aussi
Temps partiels subis. Faibles rémunérations. Industrialisation des tâches. Perte de sens. Quatre chercheurs viennent de dresser un état des lieux sans concession des conditions de travail des professionnels accompagnant les personnes en perte d’autonomie. De quoi expliquer la crise des vocations et de l’emploi dans ce secteur, qui conduit à la mise en danger des citoyens handicapés vivant à domicile.
Vivre chez soi s’avère de plus en plus difficile, voire risqué, pour les personnes dépendantes. Début octobre 2023, APF France handicap et l’AFM-Téléthon avaient saisi la Défenseure des droits. Témoignages à l’appui, les deux associations l’alertaient sur les difficultés dramatiques que rencontrent les personnes handicapées et les services prestataires pour recruter et fidéliser des aides à domicile. « L’inaction publique complète face aux situations d’urgence les plus graves constitue une véritable non-assistance à personnes en danger », dénonçaient-elles alors.
550 000 aides à domicile auprès des personnes âgées ou handicapées
« Des transformations pour revaloriser les métiers du care [prendre soin] sont urgentes », répondent, en écho, quatre universitaires*, dans un récent article. Un texte publié dans le cadre du projet de médiation scientifique Que sait-on du travail ?, mené par le Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp) de Sciences Po.
Ces chercheurs y dressent un état des lieux des conditions d’emploi des professionnels accompagnant les personnes en perte d’autonomie. Notamment des quelques 550 000 aides à domicile – des femmes dans leur immense majorité – intervenant chez les personnes âgées ou handicapées.
Des temps partiels mais des amplitudes horaires très larges
Leur rémunération mensuelle médiane est largement en dessous du Smic (1 400 € nets/mois). Elle s’élève à 1 053 €. En cause, des salaires horaires faibles ainsi que la généralisation du travail à temps partiel qui concerne 78 % des aides à domicile. Mais ce temps partiel n’empêche pas les salariées d’avoir des amplitudes horaires très larges, tout à fait similaires à celles des emplois à temps plein.
Elles peuvent en effet fréquemment commencer leur journée à 7h30 et la finir à 19h30… tout en n’ayant que 5 ou 6 heures de travail payées, pointent les auteurs. Leurs interventions de la journée sont en effet souvent fragmentées entre plusieurs lieux : 30 minutes chez un client, puis une heure chez un autre… Or, ni les temps morts imposés ni les temps de trajet ne sont considérés comme des temps de travail.
Deux fois plus d’accidents du travail que parmi l’ensemble des salariés
S’y ajoute la pénibilité. Qu’il s’agisse du port de charges lourdes, des problèmes de posture ou bien encore des injonctions parfois paradoxales entre les plans d’aide et les besoins immédiats des personnes aidées.
En plus, la moyenne d’âge des salariés dans ces métiers, 47 ans, souvent exercés en seconde partie de carrière, est plus élevée que parmi l’ensemble des salariés. Résultat : le taux d’accidents du travail est deux fois plus élevé.
Enfin, ces métiers sont également « victimes d’un déficit de reconnaissance sociale manifeste. Les compétences qu’ils mobilisent demeurent souvent invisibilisées ». Et l’idée que toute femme est capable de les exercer continue à prévaloir.
Un « processus d’industrialisation et de rationalisation » de l’accompagnement
Les auteurs relèvent par ailleurs un « processus d’industrialisation et de rationalisation de l’activité ». Il découle directement des modalités de tarification de ces activités médico-sociales par les pouvoirs publics.
Ces derniers tendent à ne reconnaître, et donc, à ne financer, que le seul temps de travail considéré comme productif. Exit donc les temps de trajet ou de coordination pour ne prendre en compte que les tâches quantifiables et chronométrables. Par exemple, aider à la toilette en 30 minutes.
Perte de sens et risque de maltraitance
Le morcellement de l’activité et l’intensification qui en découle nourrissent la perte de sens du travail. Les salariés ont l’impression de ne pas être en mesure de bien faire leur travail. Voire même que ce qui est attendu d’eux va à l’encontre de ce qui devrait être fait pour répondre aux besoins des personnes accompagnées. La maltraitance n’est pas loin.
« Collectivement, la situation n’est plus tenable, résument les auteurs. Elle appelle des politiques publiques permettant une réelle reconnaissance des métiers du secteur de la perte d’autonomie. »
* Annie Dussuet, François-Xavier Devetter, Laura Nirello et Emmanuelle Puissant.
La pénurie d’aides à domicile met les personnes handicapées en danger
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1 commentaire
Bonsoir, Auxiliaire de vie et Aide soignante diplômée, je me permets d intervenir car je travaille en CESU chez des personnes en Perte D autonomie et de handicapes,je travaille aussi avec des personnes âgées , personnellement je fais mon planning,mes heures c est moi qui les planifie,et le taux horaires je vois avec les familles ,je travaille avec plusieurs personnes en CESU aussi on tourne pour les congés, on s entraide, et plus de travail a la chaîne ,nous prenons le temps qu il faut pour s’occuper correctement des personnes dans le besoin.
Finit les associations,et les structures ,ou s en le vouloir ,il y a de la maltraitance,vis a vis des résidents mais aussi pour le personnel soignant,qui court partout surtout quand vous avez 12 toilettes en 10mns pour une aide soignante et le double lors d une absence de personnel.
Pour moi finit de courir ,j aime mon métier et je le fais avec le coeur.
Merci de m avoir lu.
Audrey