L’AAH déconjugalisée n’a profité qu’à 19 % des allocataires en couple
Le bilan chiffré de la déconjugalisation de l’AAH, entrée en vigueur le 1er octobre, montre que sur les 277 000 allocataires en couple, seuls 52 600 ont vu leur AAH augmenter. C’est bien moins que les 120 000 annoncés par Emmanuel Macron. Selon la Caisse nationale d’allocations familiales, 27 000 ont conservé le mode de calcul conjugalisé, plus intéressant pour eux.
« Avec la déconjugalisation, j’ai retrouvé ma dignité. » Jusqu’en septembre 2023, Véronique Torres ne touchait rien au titre de l’allocation adulte handicapé, car le salaire de son compagnon était supérieur au plafond autorisé. Mais depuis octobre 2023, et la fin de la prise en compte des revenus du conjoint, elle perçoit 971 €/mois.
Cette Nîmoise de 54 ans fait partie des grands gagnants de la réforme de l’AAH. Selon les chiffres que vient de rendre publics la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf), sur le 1,2 million d’allocataires, 277 100 vivaient en couple, fin octobre. Et seulement 52 600, soit 19 % d’entre eux, ont vu leur AAH augmenter.
Les ressources personnelles de l’allocataire restent prises en compte
Dans le détail, 37 600 percevaient déjà l’AAH et, pour eux, la hausse moyenne s’est élevée à 312 €. 15 000 autres, qui touchaient zéro euros, avant, reçoivent désormais 590 € par mois, en moyenne.
Pourquoi pas 971 €, le maximum, comme Véronique Torres, qui témoigne dans le dossier que le magazine Faire Face a consacré à la déconjugalisation ? Parce que l’AAH est une allocation différentielle. Certes, pour calculer son montant, les Caf n’intègrent plus les ressources du conjoint mais elles prennent en compte les revenus de l’allocataire : professionnels, pension d’invalidité, intérêts de l’épargne imposable…
C’est ce qui se passe pour Frédéric Germain, dont le témoignage est aussi à retrouver dans le magazine Faire Face. Lui qui ne touchait pas l’AAH jusqu’alors parce que son épouse gagnait plus que le plafond maximum a désormais droit à 591 €. Avec sa pension d’invalidité de 380 €, cela lui fait donc 971 €/mois, l’équivalent de l’AAH à taux plein.
Le nombre de gagnants – 52 600 – est donc bien moins élevé qu’annoncé. « 120 000 personnes en situation de handicap, vivant en couple, verront leur AAH augmenter de 350 euros par mois en moyenne », promettait Emmanuel Macron, lors de la Conférence nationale du handicap. Un sacré écart ! (voir encadré ci-dessous).
Pourquoi un tel écart ?
Le nombre de gagnants de la déconjugalisation avancé par le président de la République, le Gouvernement et les Parlementaires (de 120 000 à 160 000) repose sur des simulations de la Drees. Faire-face.fr a donc sollicité cet organisme du service statistique public pour comprendre l’écart entre son estimation et les 52 600 recensés par la Cnaf.
« Le nombre final de gagnants n’est pas encore connu, car cette réforme est encore trop récente, explique la Drees. De plus, il peut y avoir des délais opérationnels pour qu’ils puissent se manifester. Cela peut-être le cas, par exemple, d’une personne en situation de handicap qui n’avait pas fait de démarche pour percevoir l’AAH avant la déconjugalisation car les ressources de son foyer l’y rendait inéligible. Si elle veut toucher l’AAH déconjugalisée, elle doit d’abord déposer une demande à la MDPH. L’examen de son dossier prendra quelques mois. » D’accord, mais tout cela ne suffit pas expliquer un écart de près de 70 000 personnes au bas mot… Alors ?
« Des raisons d’ordre statistique peuvent également expliquer des écarts entre les évaluations ex ante et la réalité, poursuit la Drees. En effet, celles-ci sont réalisées à partir d’outils de micro-simulation, qui modélisent la population française. Le modèle utilisé est assis sur une enquête de l’Insee, l’enquête sur les revenus sociaux et fiscaux, qui comporte environ 120 000 individus. C’est donc une petite partie de la population française, dont les personnes handicapées représentent encore une petite partie. L’alternative consisterait à estimer l’effet d’une réforme comme la déconjugalisation sur les fichiers d’allocataires de la Cnaf mais cette approche présente également des limites. Elle ne permet pas d’identifier toutes les personnes qui deviennent éligibles après la déconjugalisation. »
10 % des allocataires conservent l’AAH conjugalisée
Par ailleurs, pour éviter que la réforme ne fasse des perdants, la loi a instauré un double calcul. Tant que l’AAH conjugalisée reste plus intéressante que l’AAH déconjugalisée, les allocataires continuent à percevoir la première. C’est le cas de 27 000 personnes. Soit 10 % des allocataires en couple.
Qui sont-ils ? Des hommes ou des femmes en situation de handicap qui exercent une activité professionnelle et dont le conjoint ne travaille pas, par exemple. Comme ce dernier n’a pas de ressources, l’allocataire peut cumuler AAH et revenus du travail sans dépasser le plafond autorisé pour un couple. En revanche, avec le calcul déconjugalisé, il perdrait son allocation ou verrait son montant baisser.
L’AAH toujours sous le seuil de pauvreté
Au final, le bilan financier est donc moins prometteur que prévu, même si le principe de la déconjugalisation constitue une vraie avancée sociale. De plus, comme Faire-face.fr l’avait expliqué, la réforme reste inaboutie. À 62 ans, les allocataires de l’AAH ayant un taux d’incapacité compris entre 50 et 79 % redeviennent dépendant de leur conjoint. L’âge de la retraite venu, ils perdent en effet le bénéfice de l’AAH.
Et puis, même si c’est le plus élevé des minima sociaux, son montant reste inférieur au seuil de pauvreté (1 158 €/mois). Autrement dit, la société accepte de compenser l’incapacité de travailler mais elle condamne ces allocataires à la pauvreté.
Un dossier spécial sur la déconjugalisation de l’AAH
Le dossier du premier numéro 2024 du magazine Faire Face est consacré à la déconjugalisation de l’AAH. Comment la Caf calcule-t-elle l’allocation adulte handicapé (AAH) maintenant que les revenus du conjoint ne sont plus pris en compte ? Et si les dispositions antérieures à cette déconjugalisation s’avèrent plus favorables, que se passe-t-il ? A-t-on le droit de cumuler AAH avec des revenus du travail, une pension d’invalidité, ou un produit d’épargne ? La liste des questions est aussi longue que le temps qu’auront dû attendre les personnes handicapées pour obtenir cette avancée sociale, même si elle ne signe pas pour autant la fin des inégalités et de la précarité.
Pour l’acheter, cliquez sur ce lien. 2,90 € pour défendre vos droits
Vos avantages :
- Magazine téléchargeable en ligne tous les 2 mois (format PDF)
- Accès à tous les articles du site internet
- Guides pratiques à télécharger
- 2 ans d’archives consultables en ligne
4 commentaires
Les personnes handicapées qui ont une retraite liquidée pour inaptitude et qui n’ont, pour la plupart, pas assez de trimestres cotisés (car pour leur génération le handicap signifiait pas d’emploi ou sous-payé) se retrouvent avec L’ASPA avec grande diminution de l’aide au logement et donc bien en dessous du seuil de pauvreté. Qui se souci d’eux ? Qui prend en compte leur ressenti ? C’est humiliant de se voir refuser son droit au travail en plus de subir des souffrances de santé puis d’être ensuite jeté dans le même wagon que des personnes qui n’ont sciemment jamais travaillé. Cerise sur le gâteau on interdit à ces personnes (même-française) se vivre dans un pays où la vie est un peu moins chère et où ils pourraient survivre avec leur maigre allocation. Pas non plus le droit d’avoir un livret A car ça rapporte tellement que l’on vous supprime toute aide. Tout est fait pour maintenir la tête sous l’eau de ces pauvres vieux. Oui simplement Vieux car à la retraite il faut savoir que vous n’êtes plus des personnes handicapées. Tout cela est HONTEUX !!!
En effet, comme mentionné dans l’article et comme le souligne Matthew, le gros problème reste la fin de l’AAH à l’age de la retraite pour les personnes handicapées entre 50% et 79% !
L’ASPA ne peut en aucun cas remplacer l’AAH !!! La perte de revenus est forcément considérable pour ces personnes qui bien souvent n’ont jamais été en mesure de cotiser pour la retraite, ou si peu…
Cette limite d’age pour percevoir l’AAH est réellement injuste et doit absolument disparaitre !
Comme mr Serrât le dit à juste titre
La société accepte que les personnes handicapées soient pauvres à tout âge
Car elle pense encore aumône et charité
Elle ne pense pas en terme de droit !
Il est incroyable de vivre avec si peu et qu on diminue les apl même à cette catégorie !
Bonjour .
Moi j’aimerai que l’on me réponde sur une question ! Pourquoi la visite chez le généraliste pour le contrôle tous les 5 ans n’est pas remboursée ?36€ C’est pas normal.