Camille Goudeau [France 2] : «  Il y a beaucoup de maladresse et de validisme dans notre société »

Publié le 31 janvier 2024 par Claudine Colozzi
2022 - FTV - Droit de regard (réalisé par Julie MANOUKIAN)
Camille Goudeau interprète le personnage d'Alexandra, inspiré de la vie d'Anne-Sarah Kertudo, qui, devenant aveugle, s'est battue pour conserver la garde de ses enfants. © F.LEFEBVRE/CINETEVE/FTV

Atteinte d’un glaucome, Alexandra perd peu à peu la vue. En procédure de divorce, elle va devoir prouver qu’elle peut assurer la sécurité et le bonheur de ses enfants. Dans le téléfilm Droit de regard, diffusé mercredi 31 janvier sur France 2 et co-écrit par Anne-Sarah Kertudo, fondatrice de l’association Droit Pluriel, Camille Goudeau, 33 ans, elle-même mal-voyante, campe cette maman déterminée.

Faire-face.fr : Pour Anne-Sarah Kertudo, qui a co-écrit le scénario à partir de sa propre histoire, il était non-négociable qu’Alexandra soit interprétée par une comédienne mal-voyante. Comment la production est-elle tombée sur vous ?

Camille Goudeau : Cela n’a pas été simple. La production a lancé pas mal de recherches. Puis, elle s’est adressée à l’agence Singularist qui m’a contactée. Être actrice n’est pas mon activité principale. Mais j’avais déjà joué dans deux films. Alors j’ai passé le casting et j’ai été retenue. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré Anne-Sarah. Le courant est très bien passé entre nous.

Ma plus grosse crainte était de ne pas “jouer juste” le handicap. Dans la vie, je suis mal-voyante, mais j’ai des corrections qui minorent mon handicap. Sur le plateau, je les ai ôtées pour me mettre vraiment dans la peau du personnage. »

F-f.fr : Vous êtes-vous trouvé des points communs avec Alexandra ?

C.G : Alexandra est assez éloignée de moi car je n’ai pas d’enfants. Mais ce n’était pas le plus difficile à jouer, car je me suis très bien entendue avec les deux jeunes comédiens. Pour bien préparer le rôle, j’ai en revanche regardé le documentaire Parents à part entière ! , réalisé par Anne-Sarah  , sur des parents aveugles qui élèvent seuls leurs enfants. Ma plus grosse crainte était de ne pas “jouer juste” le handicap. Dans la vie, je suis mal-voyante, mais j’ai des corrections qui minorent mon handicap. Sur le plateau, je les ai ôtées pour me mettre vraiment dans la peau du personnage.

Perte de confiance liée au handicap

F-f.fr : Qu’est-ce qui a été le plus difficile sur le tournage ?

C.G : Sans doute l’apprentissage de la canne blanche qui ne fait pas partie de mon quotidien. J’ai été coachée par des personnes non-voyantes castées à Marseille,  où nous avons tourné. Nous nous sommes entraînées dans les rues de la ville où il n’est pas aisé de circuler quand on est en situation de handicap.

F-f.fr : Le handicap visuel est peu évoqué à la télévision. C’est un bon signal pour vous, cette fiction ?

C.G : Évidemment ! Mais il reste encore beaucoup à faire pour sortir les personnes handicapées de l’invisibilisation qu’elles subissent. Ce téléfilm est un premier pas, d’autant qu’il pointe les difficultés personnelles et professionnelles que l’on peut rencontrer. Quand l’entourage découvre l’existence du handicap, il y a une perte de confiance dans les facultés de la personne. Donc, la réaction est de dissimuler ce que l’on vit.

Peu de rôles pour les comédiens handicapés

F-f.fr : « C’est moche ce qui vous arrive, belle comme vous êtes ! », s’exclame la chauffeuse de taxi qui conduit Alexandra au centre pour personnes qui perdent la vue. Avez-vous, vous aussi, entendu ce type de phrases choquantes ?

C.G : On constate une grande maladresse vis-à-vis du handicap et beaucoup de validisme dans notre société. Face à cela, seul l’humour peut aider. Mais ces phrases apparemment anodines restent blessantes.

F-f.fr : Vous êtes comédienne mais aussi écrivain* et bouquiniste sur les quais de Seine. Vous aimeriez tourner davantage ?

C.G : Oui, mais il n’y a pas tellement d’opportunités pour les comédiens avec une singularité. Je jongle entre mes différentes activités. Jouer est très proche de l’écriture. On incarne des personnages.

* Camille Goudeau a publié son premier roman, Les Chats éraflés, en 2021 chez Gallimard.

 

Droit de regard est diffusé à 21 h 10 sur France 2. La soirée se poursuit avec le documentaire L’Odyssée des enfants d’Ulis, à 22 h 40. À voir en replay sur france.tv

 

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