Série 4/5 Droits des femmes – Camille, étudiante en médecine : « Je suis discriminée dans mes choix professionnels »
Étudiante en 6e année de médecine, Camille Racca, 23 ans, vit avec des douleurs chroniques depuis sept ans. Elle a toujours pu bénéficier d’aménagements dans son cursus. Mais ces derniers mois, elle se heurte à de nombreux obstacles pour poursuivre dans la voie qu’elle a choisie. Déterminée, la jeune femme n’a pas hésité à partager ses déboires sur le réseau social professionnel LinkedIn. Vendredi 8 mars, c’est la journée internationale des droits des femmes. Faire-face.fr donne la parole à des femmes en situation de handicap qui ont osé faire valoir les leurs.
« J’ai voulu devenir médecin car, adolescente, j’ai été confrontée à l’errance diagnostique et aux violences médicales. Cela fait aussi sept ans que je souffre de douleurs neuropathiques, à la suite d’une opération chirurgicale. Dès que je me suis lancée dans des études de médecine, on m’a répété que je n’y arriverais pas du fait de mon handicap. J’ai pourtant réussi le concours Paces (première année commune aux études de santé, ndlr) dès la première tentative. Même avec une incapacité reconnue de 50 à 79 %.
Jusqu’à présent, j’ai pu bénéficier des aménagements nécessaires à mes études. Même si cela a demandé un combat permanent et usant. L’université a mis en place des horaires adaptés et m’a dispensée de gardes. Je ne dis pas que c’est facile, mais je tiens le coup et surtout, je suis passionnée par ce que je fais. Mais mon handicap invisible reste incompris. J’ai parfois eu l’impression qu’on minimise ce que je vis. Je ne dois pas coller à l’image que les gens se font d’une personne malade et handicapée ! Comme je dis souvent, ce n’est pas parce que tu souris que tout va bien. En 2022, j’ai même fondé l’association Draw your fight pour sensibiliser aux handicaps visibles et invisibles.
Une béquille “problématique” pour la médecine
J’ai choisi de me former sur la douleur chronique en entamant un diplôme universitaire (DU). Avec mon expérience de patiente, cela apparaissait comme une évidence que je suive ces enseignements. Mais, j’ai subi différentes discriminations. Un professeur de médecine a refusé d’appliquer mes aménagements. Alors que je suis reconnue travailleur handicapé.
Un deuxième m’a envoyée aux rattrapages pour mon absence à l’un de ses cours, alors que j’étais à l’hôpital pour mes traitements. Enfin, un troisième a jugé ma béquille “problématique” pour mon métier. J’ai essayé d’échanger, mais souvent sans succès. Suivre un diplôme sur la douleur quand on est directement concernée, cela devrait être perçu comme un atout. Je veux montrer que la maladie et le handicap n’empêchent pas de devenir un bon médecin. Mais cela ne semble pas être l’avis de quelques professeurs.
Une discrimination partagée sur les réseaux sociaux
J’ai choisi de partager ma situation sur les réseaux sociaux . Et là, on m’a fait comprendre que mes prises de parole pourraient avoir de fortes répercussions sur mes études. Mais je continue, car je n’ai pas envie de taire ces discriminations. Je suis convaincue que mon handicap est un frein à mon ambition professionnelle.
Mais, je me bats quand même pour atteindre mes objectifs. En 6e année de médecine, nous devons choisir notre spécialité pour l’internat. Depuis longtemps, je sais que ce qui m’intéresse c’est la médecine interne. Même si c’est une discipline complexe. Ce n’est pas faute de me l’avoir répété.
Le droit, avec ou sans handicap, de poursuivre ses rêves
J’ai obtenu un classement me permettant de choisir la spécialité que je veux, où je veux. Mais aux yeux de nombreuses personnes, ce choix d’internat paraît incompatible avec mon handicap. Par exemple, je ne peux pas suivre les longues visites professorales, car que je peine à tenir debout trop longtemps. Pourtant, demander des aménagements est un droit essentiel inscrit dans loi du 11 février 2005 et l’une des clés de l’insertion professionnelle. Malgré tout, je reste consciente des obstacles et serai peut-être contrainte de me rabattre sur la santé publique ou la psychiatrie. Même si ce ne sont pas mes choix de cœur.
Je pense que je brouille l’image que beaucoup de personnes se font d’un médecin qui doit forcément être bien portant et sans limitation physique. Pourtant, je ne suis pas la première étudiante en médecine en situation de handicap. Les réseaux m’ont aidée quand le découragement a pu m’envahir. J’ai reçu aussi de nombreux messages de soutien de médecins. C’est très réconfortant. Même si prendre la parole est risqué, je veux montrer qu’avec ou sans handicap , tout le monde a le droit de poursuivre ses rêves et ses objectifs professionnels. »
Vos avantages :
- Magazine téléchargeable en ligne tous les 2 mois (format PDF)
- Accès à tous les articles du site internet
- Guides pratiques à télécharger
- 2 ans d’archives consultables en ligne
1 commentaire
R E S P E C T