[Vendredi Lecture ] L’homme augmenté de Raphaël Gaillard – L’hybridation : oui, mais à quel prix ?

« La question n’est pas de savoir si l’augmentation de l’homme par la technologie est possible. Cette révolution qui voit s’hybrider l’être humain et la technologie par des interfaces cerveau‐machine est déjà̀ en marche. » La question est : quelles sont et seront les conséquences des compétences exceptionnelles que lui apporte et apportera cette hybridation. Qui y gagnera ? Qui y perdra ? En quoi ? Réponses dans cet essai percutant, savant et littéraire.

 « L’avènement de l’écriture et la lecture, marquant notre passage de la Préhistoire à l’Histoire, aura été notre grande hybridation. » Une hybridation fondamentale et plus forte que les hybridations liées aux nouvelles technologies. Telle est la thèse soutenue par l’auteur de ce livre, Raphaël Gaillard, psychiatre et chercheur en neurosciences, “augmenté” lui-même par sa passion des arts et des lettres. Dit autrement, il n’a pas fallu attendre l’ex-athlète paralympique et icône, Oscar Pistorius, pour que l’homo sapiens vive d’hybridations, afin d’accroître ses capacités ou de corriger des déficits.

Un champ des possibles abyssal

Aujourd’hui, les interfaces cerveau-machine ouvrent un champ des possibles abyssal. Elles permettent en effet de commander un bras mécanique via la pensée. Mais aussi de décoder des mots que nous pensons sans les prononcer, entre autres. Les avancées technologiques actuelles, qui ouvrent un « nouveau chapitre d’une aventure initiée il y a 5 000 ans avec le livre », ont de quoi donner le vertige. Notamment, avec l’avènement de notre nouvel appendice : l’intelligence artificielle (IA). L’avancée est inexorable… et les risques qui vont potentiellement avec aussi. Selon l’auteur, il y aura les « génies » qui en profiteront et les « zombies » qui en pâtiront.

Quid des émotions et des pensées ?

Alors, autant se poser la bonne question : comment réussir cette nouvelle hybridation ? Car, la faculté de notre corps et de notre cerveau à intégrer des “pièces rapportées” – songez aux personnes équipées de prothèses ou greffées, aux malades atteints de Parkinson traités par stimulation cérébrale profonde, n’est pas sans une limite. Du fait de notre « case en plus » : notre cerveau, faisant aussi de nous des êtres de pensées et d’émotions. Est-ce seulement possible ?  Si la machine s’enrayait dans « l’accordage » de l’IA avec le corps/le cerveau qui l’accueillerait, ce serait potentiellement un fiasco. Comment limiter la casse ? En s’augmentant à coup de psychédéliques (autant pour stimuler notre créativité que pour traiter nos troubles psy) ? Ou en continuant à lire…  des ouvrages aussi éclairants ?

L’Homme augmenté – Futurs de nos cerveaux, Raphaël Gaillard, éd. Grasset, 2024, 352 p., 22 €.