À corps et à cris, une histoire du handicap en France palme d’or de la Scam
Jeudi 30 mai, la réalisatrice Laetitia Møller s’est vu décerner le Prix Scam (Société civile des auteurs multimédia) de l’œuvre institutionnelle 2024 pour le film “À corps et à cris, une histoire du handicap en France”. Un documentaire qui retrace les luttes d’APF France handicap depuis sa création, en 1933. Et montre comment elles sont indissociables de la prise en compte du handicap en France. Faire-face.fr vous propose de relire son interview, publiée en juillet 2023, et de (re)visionner ce film en trois épisodes.
Faire-face.fr : Quel est le parti-pris de ce film ?
Laetitia Møller : Il se situe à la croisée de deux histoires. Celle du handicap en France, des années 30 à nos jours, et celle d’APF France handicap et de ses combats pour faire avancer les droits des personnes handicapées et de leur famille. Elles dialoguent, indissociables, tout au long des trois épisodes du film, appuyées par le contexte sociétal, social et politique, auquel des spécialistes apportent leur éclairage*.
De la mise à l’écart à la revendication d’une vraie citoyenneté
F-f.fr : 90 ans d’histoire du handicap en trois fois dix minutes, c’est un défi. Comment avez-vous procédé pour y parvenir ?
L.M : En identifiant les grands tournants, tout au long de ces 90 années, aussi bien dans la société qu’au sein de l’association. Après-Guerre, Trente Glorieuses, Mai 68 et crise économique. Mais aussi lois handicap de 1975 et 2005, création de séjours de vacances, d’ateliers protégés, de foyers pour grands invalides, grandes manifestations pour les droits…
Voilà autant de repères qui permettent de comprendre ce qui change. Et comment APF France handicap est actrice de ces évolutions. Des miettes que la société accorde aux personnes handicapées, aux droits qu’elles revendiquent et veulent voir appliqués. De la mise à l’écart à l’exigence d’une vraie citoyenneté dans une société ouverte à tous.
L’histoire du handicap, une histoire méconnue
F-f.fr : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué au cours de l’élaboration de ce film ?
L.M : La dimension combative de l’association portée par le sens du collectif et ce, dès sa création en 1933. Voilà des gens qui n’attendent pas, qui prennent leur destin en main. Des pionniers qui continuent inlassablement le combat. À cette époque-là, les personnes handicapées subissent des regards curieux. Elles sont jugées difformes, contagieuses. Rien n’est pensé ni fait pour elles : elles sont mises complètement à l’écart. Je n’avais pas réalisé à quel point la prise en charge du handicap était alors un désert.
En travaillant sur toutes ces archives de l’INA et de l’association, j’ai aussi éprouvé le sentiment d’une histoire méconnue, pas assez explorée, alors qu’elle est significative pour nous tous. Comme le dit l’anthropologue Charles Gardou dans le film, c’est un miroir de nos propres fragilités et nous devons nous en saisir.
Tous responsables des évolutions de la société
F-f.fr : Ce regard porté sur le passé, que dit-il du futur ?
L.M : Le film pointe des avancées et des reculs. De grands espoirs mais aussi de vives déceptions. Il nous dit non seulement que le combat n’est pas fini mais que ce n’est pas seulement celui des personnes concernées par le handicap. C’est aussi le nôtre, car nous sommes tous responsables de la société que nous construisons.
* Isabelle Ville, sociologue, directrice de recherche à l’Inserm – Charles Gardou, anthropologue et professeur à l’Université Lumière Lyon 2 – Henri-Jacques Stiker, historien et philosophe.
Épisode 1 : Le jaillissement
Épisode 2 : De la charité à la justice
Épisode 3 : Vers une société inclusive ?
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