Série MDPH 1/5 : « Couper sa PCH à une personne trachéotomisée, c’est commettre une tentative d’homicide. »

Publié le 20 juin 2024 par Franck Seuret
Charlotte Puiseux : « Mes versements d'aide humaine ont été coupés alors que, trachéotomisée, j'ai besoin d'une assistance permanente. » ©Freepik

La MDPH de la Manche a tenté d’imposer à Charlotte Puiseux de faire passer son mari d’un statut d’aidant salarié à celui d’aidant familial. En toute illégalité. Elle a aussi coupé ses versements de PCH, alors que la Normande est sous assistance respiratoire. Avec l’association Les Dévalideuses, cette militante vient donc de lancer un appel à témoignages auprès des personnes handicapées victimes, comme elle, des violences des MDPH.

©Charlotte Krebs

«  Il m’est arrivé de penser que j’allais devoir vendre ma maison. » À l’automne 2023, Charlotte Puiseux est passée par tous les stades émotionnels. La faute à la Maison départementale des personne handicapées de la Manche, où elle réside.

Lors du renouvellement de ses droits, la MDPH lui a bien accordé les 24 heures d’aide humaine quotidienne qu’elle demandait. Soit une heure de plus que précédemment, les besoins de cette Normande de 38 ans, atteinte de myopathie, ayant évolué.

Mais la MDPH imposait deux restrictions dans le plan d’aide qu’elle lui avait fait parvenir en septembre 2023. Ne pas salarier plus de quatre auxiliaires de vie en emploi direct, quand bien même Charlotte Puiseux en employait cinq jusqu’alors, dont son conjoint. Et ne pas les faire travailler plus de 35 heures par semaine, soit 151,7 heures par mois.

Les revenus de son conjoint auraient baissé de moitié

Le problème, c’est que quatre salariés ne suffisent pas à assurer les 730 heures d’aide humaine mensuelle accordées. Le plan d’aide précisait donc que le reste, l’équivalent d’un cinquième poste à temps plein, serait assuré par un aidant familial. « Cela impliquait que mon mari ne soit plus salarié mais aidant dédommagé, traduit Charlotte Puiseux. Or, ce statut est beaucoup moins protecteur, au niveau des droits sociaux. Il est aussi bien moins rémunérateur. Ses revenus auraient baissé de moitié ! »

Inacceptable pour le couple dont les charges, elles, seraient restées les mêmes. « Comment allions-nous pouvoir payer le crédit de la maison ? Et même faire face aux dépenses courantes, avec un enfant. » Surtout, ces restrictions ne reposent sur aucune base légale.

La loi garantit le « choix de la personne handicapée »

L’article L 245-12 du code de l’action sociale et des famille garantit le « choix de la personne handicapée » quant à la manière dont elle va rémunérer ses auxiliaires de vie. En emploi direct, via un prestataire ou en dédommageant un aidant familial. Et dans le premier cas, il est tout à fait possible d’employer son conjoint, sous réserve de certaines conditions que Charlotte Puiseux et son mari remplissaient.

Avec l’aide de l’AFM-Téléthon, elle a donc engagé un recours amiable. Mais ses droits arrivant à échéance, en septembre 2023, la MDPH a cessé les versements. Charlotte Puiseux se retrouve donc du jour au lendemain sans aucune aide financière pour payer ses auxiliaires de vie. « J’ai pourtant besoin d’une présence permanente à mes côtés car, trachéotomisée, je suis sous assistance respiratoire. »

« Cette histoire a été très violente à vivre »

« Heureusement que j’avais un peu d’argent de côté et que j’ai bénéficié de la solidarité familiale pour assurer le relais, s’indigne-t-elle. Mais qu’est-ce qui se serait passé si cela n’avait pas été le cas ? Couper sa PCH à une personne trachéotomisée, c’est commettre une tentative d’homicide. »

Cette situation ubuesque va durer deux mois. Deux mois d’angoisse et de nuits d’insomnies… avant que le Département reprenne ses versements*. Sur la base d’un plan d’aide de 24 heures, librement utilisables par Charlotte Puiseux. « Tout cela s’est déroulé sans que jamais la MDPH ne réponde à mes mails. La seule réaction que j’ai eue, c’est lorsque j’ai interpellé le président du Conseil départemental sur Twitter ! Cette histoire a été très violente à vivre. »

Un questionnaire en ligne pour recueillir des récits de victimes des MDPH

Charlotte Puiseux pointe également la longueur du délai de traitement de sa demande. Elle avait déposé son dossier en mars 2022, un an et demi avant l’échéance de ses droits. « Mais l’évaluatrice de la MDPH n’est venue à la maison que 15 mois plus tard, en juin 2023. Si ma demande avait été traitée plus tôt, la situation aurait pu être réglée avant que mes droits n’arrivent à leur terme. »

La psychologue et docteure en philosophie, auteure d’un ouvrage remarqué sur le validisme, De chair et de fer, sait que son cas est loin d’être isolé. Aujourd’hui, elle a donc décidé de lancer l’alerte en collectant les témoignages d’autres victimes. Parce que les MDPH doivent, a minima, respecter la loi.

* Contacté par Faire-face.fr, le Conseil départemental de la Manche reconnaît avoir commis plusieurs erreurs dans la gestion du dossier. « Nous avons réalisé un retour d’expériences sur cette situation pour éviter qu’elle ne se reproduise », précise-t-il.

Un questionnaire contre l’arbitraire

Avec Les Dévalideuses, Charlotte Puisieux a lancé une enquête pour cartographier « les violences issues des dysfonctionnements des MDPH ». Cette association handi-féministe a ainsi mis en ligne un questionnaire pour recueillir des récits de victimes.

Vous avez vécu des délais abusifs, des remises en question de vos droits, des situations de précarité, des humiliations dans vos interactions avec les MDPH ? Cela impacte votre vie, réduit votre autonomie, aggrave votre état de santé, physique ou mental, dégrade vos relations ? Témoignez en cliquant sur ce lien.

Les autres épisodes de la série

Série 2/5 MDPH : « Pendant deux ans, j’ai dû survivre avec le RSA alors que j’avais droit à l’AAH. »

Série 3/5 MDPH : « Il y a urgence à trouver une solution d’accueil ! Pour le bien de notre fils et le nôtre. »

Série 4/5 MDPH : « Les heures d’aide humaine, c’est une question de droits mais aussi de dignité. »

Série 5/5 MDPH : Des droits avec les moyens du bord et pour pas trop cher. 

Comment 1 commentaire

Merci pour cet article Monsieur F.Seuret. Mais quelle honte pour la MDPH qui aurait pu mettre en danger les jours de cette dame !

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