Série MDPH 4/5 : « Les heures d’aide humaine, c’est une question de droits mais aussi de dignité »

Publié le 26 juin 2024 par Franck Seuret
« Je ne connaissais rien au handicap et la MDPH du Gard en a clairement profité. C'est quand même indécent de proposer deux heures quotidienne d'aide humaine à une femme qui est en incapacité de faire quoi que ce soit toute seule », explique Hakima, sa fille.

À force d’obstination, Hakima a obtenu que la MDPH du Gard révise, à plusieurs reprises, le plan personnalisé de compensation de sa mère, Nazha, tétraplégique. Cette dernière bénéficie aujourd’hui de 25 heures par jour au lieu des deux heures initialement accordées. Le tribunal, qui a condamné la MDPH, lui a même attribué des dommages et intérêts.

Deux heures. Puis six heures. Puis 12 heures. Puis 23 heures. Puis 25 heures. En six ans, Nazha* est passée d’un plan d’aide réduit au strict minimum à une véritable reconnaissance de son besoin d’assistance… sans que son handicap n’évolue. « Le 12 avril 2016, elle est devenue tétraplégique suite à une mauvaise chute, raconte Hakima, sa fille, qui s’occupe de toutes ses démarches administratives. Depuis, elle est dépendante pour tous les gestes de la vie quotidienne. »

Qu’est-ce qui a changé alors ? « Ma capacité à défendre les droits de ma mère, sourit amèrement Hakima. Je ne connaissais rien au handicap et la MDPH du Gard en a clairement profité. C’est quand même indécent de proposer deux heures quotidienne d’aide humaine à une femme qui est en incapacité de faire quoi que ce soit toute seule. »

« J’ai vu ma mère revivre, elle qui s’éteignait à petit feu »

Au début, Hakima assume donc toute seule l’assistance nécessaire. Pour cela, elle perçoit un dédommagement d’aidant familial, deux heures par jour. Le reste du temps, elle fait du bénévolat. Puis, elle commencé à se renseigner et « à comprendre que les droits de ma mère et les miens n’étaient pas respectés ».

Alors, elle dépose plusieurs nouvelles demandes. Et chaque fois, elles aboutissent à une augmentation du nombre d’heures accordées. Jusqu’à obtenir 24 heures quotidiennes, avec un statut d’aidant salarié, bien plus protecteur pour elle.

« Les heures d’aide humaine, c’est une question de droits, mais aussi de dignité ! J’ai vu ma mère revivre, elle qui s’éteignait à petit feu depuis son accident. J’étais moi-même à bout de forces. Moi, je sombrais. Je m’épuisais à tout faire, à tout porter. Aujourd’hui, nous sommes cinq équivalent temps plein à l’assister. Cela change tout. »

« Le cadre légal n’a jamais été respecté, lors des différentes révisions »

La vie d’allocataire de la PCH n’est cependant pas un long fleuve tranquille. Ainsi, en mai 2021, la MDPH a pris la décision de réduire d’une heure par jour la dotation en aide humaine. Et cela, sans même réunir la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH). « De plus, les paiements ont été suspendus pendant deux mois. Sans aucune raison valable », précise Hakima.

« De toutes façons, le cadre légal n’a jamais été respecté, lors des différentes révisions, poursuit-elle. La MDPH n’a pas mené les évaluations de manière réglementaire. En effet, il n’y a pas eu de proposition de plan personnalisé de compensation avant la décision. Et ma mère n’a jamais obtenue d’être entendue par la CDAPH. »

Nazha saisit alors le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes qui lui octroiera 25 heures par jour, jusqu’en 2030. Sa présidente condamnera même la MDPH et le Conseil départemental à lui verser 500 € chacun de dommages et intérêts.

Un collectif pour dénoncer les pratiques illégales de la MDPH du Gard

Récemment, mère et fille ont rejoint un collectif d’allocataires de la PCH et de proches. « De nombreuses personnes sont victimes des agissements illégaux des agents de la MDPH et du Conseil Départemental du Gard, insiste Hakima. Nous dénonçons également la désinformation volontaire. Nous n’avons plus peur de réclamer le respect de nos droits. »

* Nazha et Hakima n’ont pas souhaité rendre publics leurs noms de famille.

Un questionnaire contre l’arbitraire

Avec Les Dévalideuses, la militante Charlotte Puiseux, psychologue et docteure en philosophie, a lancé une enquête pour cartographier « les violences issues des dysfonctionnements des MDPH ». Cette association handi-féministe a ainsi mis en ligne un questionnaire pour recueillir des récits de victimes.

Vous avez vécu des délais abusifs, des remises en question de vos droits, des situations de précarité, des humiliations dans vos interactions avec les MDPH ? Cela impacte votre vie, réduit votre autonomie, aggrave votre état de santé, physique ou mental, dégrade vos relations ? Témoignez en cliquant sur ce lien.

Les autres épisodes de la série

Série 1/5 MDPH : « Couper sa PCH à une personne trachéotomisée, c’est commettre une tentative d’homicide. »

Série 2/5 MDPH : « Pendant deux ans, j’ai dû survivre avec le RSA alors que j’avais droit à l’AAH. »

Série 3/5 MDPH : « Il y a urgence à trouver une solution d’accueil ! Pour le bien de notre fils et le nôtre. »

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