Jeux paralympiques Paris 2024 – Le paracyclisme en piste pour une pluie de médailles

Publié le 26 août 2024 par Florent Godard
Le paracyclisme compte quatre catégories. Les adaptations dépendent du handicap. Cela va d'une perte d'appui ou de force jusqu'à trois membres touchés, en passant par l'hémiplégie, comme ici pour le champion Alexandre Léauté. © Grégory Picout

Envie d’entendre la Marseillaise aux jeux Paralympiques de Paris 2024 ? Ne ratez pas le cyclisme, LA discipline qui devrait offrir le plus de récompenses à la France. Beaucoup plus qu’à Tokyo, en 2021. Car depuis, le paracyclisme a accéléré sa professionnalisation et ouvert la voie à une nouvelle génération talentueuse.

« L ’équipe de France n’a jamais été aussi forte ! Nous sommes numéro 1 au classement de l’Union cycliste internationale chez les hommes et classés autour de la 6e place chez les femmes », se réjouissait Laurent Thirionet, le manager de l’équipe tricolore de paracyclisme, à la rentrée 2023. De quoi être ambitieux pour les jeux Paralympiques de Paris 2024, où l’objectif sera de remporter 20 médailles (voire plus), dont dix en or.

Des performances à Tokyo et Glasgow pour le paracyclisme

Alexandre Lloveras
Le tandem est pratiqué par des cyclistes non-voyants ou malvoyants guidés par des athlètes valides. Ici Alexandre Lloveras avec Corentin Ermenault, lors des Jeux de Tokyo en 2021. © Grégory Picout

Chez les hommes, cela passera assurément par Alexandre Léauté, 23 ans. Quadruple médaillé aux Paralympiques de Tokyo, en 2021, où il a porté le drapeau en clôture des Jeux, le jeune Breton laisse aujourd’hui peu de place à la concurrence. Avec six podiums, dont cinq sur la plus haute marche, aux championnats du monde 2023, qui se sont déroulés à Glasgow, en Écosse.

À suivre également, Kevin Le Cunff, 36 ans, longtemps coureur chez les valides malgré deux pieds bots et un mollet atrophié, lui aussi en quête de plusieurs médailles d’or à Paris.

Sans oublier Florian Jouanny, 31 ans, devenu tétraplégique à la suite d’un accident de ski à 19 ans, qui s’est tourné vers le handbike pour retrouver le plaisir de la vitesse. Ou encore Alexandre Lloveras, 24 ans, malvoyant, toujours performant en tandem. Pour ne citer que quelques prétendants à la médaille.

Chez les femmes, la jeune Heïdi Gaugain, 19 ans, promet de belles émotions. Championne du monde de poursuite individuelle sur piste, elle courra ses premiers Jeux à Paris. À ses côtés, on retrouvera des références comme le tandem composé par Anne-Sophie Centis, non-voyante, et Élise Delzenne, sa pilote ; Anaïs Vincent, tétraplégique, en handbike, ou Marie Patouillet, née avec une malformation du pied et de la cheville, en solo.

Toutes étant montées sur des podiums lors des Mondiaux, en 2023, où la France a terminé deuxième au tableau des médailles, derrière la Grande-Bretagne.

Une renaissance depuis 2018

Ces grandes ambitions pour les paracyclistes tricolores, il n’a pas toujours été possible de les nourrir. Pour rappel, avant Tokyo, où onze médailles ont été glanées, les Français n’avaient pas remporté d’or depuis… 2008. « On revient de loin », confirme le patron des Bleus.

Mais si l’approche des Jeux à la maison a fonctionné comme un électrochoc, la renaissance du paracyclisme bleu-blanc-rouge a en réalité débuté en 2018. Sous l’impulsion d’un nouvel encadrement, avec, justement, l’arrivée à la tête de l’équipe de France de Laurent Thirionet, ancien champion paralympique sollicité par la Fédération française handisport pour bâtir un nouveau projet. Mais aussi celle de Mathieu Jeanne, qui avait déjà été entraîneur des tricolores pour les jeux Paralympiques de Londres, en 2012.

Un budget triplé

Pour être à la hauteur à Paris, devant le public français, le budget annuel de la commission paracyclisme de la Fédération française de cyclisme a alors triplé, pour dépasser les 700 000 €, dopé par l’Agence nationale du sport (ANS). Un bol d’air. « Question matériel, nous étions à la rue, et la préparation restait insuffisante », confie Mathieu Jeanne.

Dans la nouvelle enveloppe, 200 000 € servent à l’achat d’équipements de haut niveau. « Il faut savoir qu’un vélo de compétition coûte entre 10 000 et 15 000 € par an. Un tandem 20 000 à 25 000 €… », ajoute l’entraîneur. Laurent Thirionet va aussi étoffer et structurer le staff. Avec, par exemple, un mécanicien-logisticien à plein temps aux côtés de l’entraîneur et du manager. L’équipe dispose par ailleurs de nombreux kinés, d’une préparatrice mentale…

Pour Heïdi Gaugain, qui vivra ses premiers Jeux à Paris, la principale adaptation est un frein simultané à l’avant et à l’arrière. © Jean-Baptiste Bénavent

Une préparation au cordeau

Peu à peu, la préparation des athlètes se professionnalise. Le nombre de jours de stage sur piste passe de 4 à 40 jours par an. Les cyclistes se déplacent aussi à l’Institut national du sport (Insep) pour réaliser des tests d’effort et préparer leurs schémas d’entraînement. « Comme en Formule 1, des essais en soufflerie ont lieu tous les ans, afin d’étudier les meilleures positions aérodynamiques », indique Mathieu Jeanne. « Cela se faisait déjà chez les pros. Ça nous paraissait indispensable », commente Laurent Thirionet.

Un projet ambitieux, des moyens financiers, un staff plus structuré… Mais pas que. Le paracyclisme français a aussi surfé sur une nouvelle vague de talents. En provoquant la chance, grâce à un travail de détection.

Ainsi, c’est l’équipe de France qui a contacté Kevin Le Cunff pour l’inviter à rejoindre la team paralympique. C’est elle aussi qui a convaincu des figures du cyclisme de devenir pilotes de tandem aux côtés d’athlètes handisports mal et non-voyants. Comme l’ancien recordman du monde du kilomètre sur piste François Pervis, ou l’ex-champion d’Europe de poursuite individuelle Corentin Ermenault… dont les tandems seront justement médaillés à Tokyo.

Un engouement croissant pour ce sport

Ces belles performances (et celles attendues pour les Jeux) pourraient fortement booster la pratique sportive en France, bien au-delà du cercle des champions paralympiques. « De plus en plus de sportifs viennent frapper aux portes des clubs et s’inscrivent en compétition, aux championnats de France ou même en Coupe du monde », constate déjà Mathieu Jeanne.

Un effet bientôt décuplé par les Jeux de 2024 ? Peut-être, si les budgets alloués au paracyclisme restent aussi élevés après cet événement “made in France”. Tout comme l’engouement des sponsors.

* Cet article a aussi été publié dans le magazine Faire Face – Mieux vivre le handicap de janv-fév 2024 et actualisé.

Alexandre Léauté, la tête d’affiche
Multi-médaillé aux Paralympiques de Tokyo en 2021, dont une fois en or, Alexandre Léauté a encore décroché cinq titres en 2023. De champion du monde cette fois-ci, en omnium, kilomètre, poursuite, contre-la-montre et course en ligne (catégorie MC2).

S’il dit posséder « le meilleur matériel du monde », il pense conserver « une marge d’amélioration côté performance physique ». Privé de 95 % de puissance à la jambe droite, suite à un AVC, le Breton de 23 ans n’hésite donc pas à parcourir 2 000 km en un mois en période de préparation.

Les Jeux, l’occasion de faire passer un message ? « Si je peux donner de la voix, je le ferai. Car il reste un combat à mener pour promouvoir le sport paralympique, répond l’intéressé. Pour souligner les performances, montrer qu’on s’entraîne autant que les valides, avec les mêmes sacrifices. Et rappeler que ce n’est pas parce qu’on a un handicap qu’on ne peut pas réussir, dans le sport comme dans la vie. »

Heïdi Gaugain, l’étoile montante
À 19 ans, Heïdi Gaugain compte déjà à son palmarès une médaille d’or aux derniers championnats du monde en Grande-Bretagne, en 2023. Obtenue en poursuite sur piste, catégorie WC5). Et une médaille d’argent sur la course en ligne, lors de la même compétition.

Née sans avant-bras gauche, la jeune femme a la particularité de pédaler aussi chez les valides. Elle y a même remporté le maillot de championne du monde junior de la course aux points, sur piste. Son rêve ? Participer aux jeux Olympiques et Paralympiques à Los Angeles en 2028.

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