Jeux paralympiques Paris 2024 – Alexandre Léauté, l’anti-star
Médaille d’or en poursuite individuelle ce 30 août, le cycliste Alexandre Léauté s’affirme définitivement comme une figure du sport paralympique. Sans toutefois rechercher la lumière des projecteurs… Discret, le jeune homme de 23 ans est décrit comme « facile d’accès, humble et cool » par ses pairs, à l’image de la majorité des athlètes paralympiques. Un profil qui s’explique en partie par le manque de visibilité et de reconnaissance du monde du handisport, longtemps resté confidentiel.
Avant les Jeux de Paris, la France l’avait déjà découvert aux Paralympiques de Tokyo à l’été 2021. Durant la compétition, Alexandre Léauté avait fait retentir la première marseillaise de l’équipe tricolore, en remportant l’or en poursuite individuelle. Pour ses premiers Jeux, le Breton frappait alors un grand coup avec quatre podiums au total, dont un titre paralympique, une médaille d’argent et deux médailles de bronze en paracyclisme.
Une vingtaine de titres de champion du monde
Le début d’une période faste… Les titres de champion du monde s’enchaînent alors rapidement pour Alexandre Léauté. Il en possède 19 à ce jour, depuis son premier sacre en 2019, aussi bien sur route que sur les pistes des vélodromes. Le Français détient en particulier un record du monde en poursuite individuelle sur 3 km (12 tours de piste) dans sa catégorie (C2). Réalisé pour la première fois aux championnats du monde de Glasgow en Écosse en 2023.
Un record amélioré de plus d’une seconde, le 30 août 2024 aux Paralympiques de Paris (en 3 minutes 24 secondes 298 centièmes) lors de l’épreuve de poursuite individuelle, où il vient de remporter un nouveau titre paralympique.
Un palmarès toujours plus fourni qui le classe parmi les figures de proue de l’équipe de France. Et pourrait faire de lui LA figure des Jeux de Paris 2024… où il s’alignera sur cinq épreuves au total.
Depuis le Japon, les journalistes ont peu à peu appris à connaître le Breton. Le jeune homme apparaît discret, posé, et répond à toutes les questions. Y compris, aux questions de profane du type : « Pourquoi courez-vous aussi face à des athlètes amputés, alors que vous vous tenez sur deux jambes ? ». L’occasion de rappeler une règle de base : une catégorie paralympique vise à regrouper des handicaps ayant un impact comparable sur la performance sportive.
Un cycliste qui va très loin dans l’effort
Face aux questions, Alexandre Léauté expose alors sa situation. Suite à un AVC à la naissance, ayant provoqué une hémiplégie, il est aujourd’hui privé de 95 % de sa puissance et de sa motricité du côté droit. « Il ne figure pas dans la mauvaise catégorie », appuie le manager de l’équipe de France de paracyclisme, Laurent Thirionet. Même s’il ne fait pas partie des handicaps les plus lourds de sa classification, pas d’erreur de casting donc.
Pour en arriver là, le Breton de 23 ans a surtout dû cravacher. Et repousser toujours plus loin ses limites, notamment sur le vélodrome de Loudéac, dans les Côtes-d’Armor, où il s’entraîne. Un circuit situé non loin du domicile familial où il a appris à faire du vélo, aux côtés d’un père passionné de cyclisme, doté d’un bon niveau amateur et porteur du maillot de champion de Bretagne.
Le jeune cycliste confie parcourir aujourd’hui jusqu’à 2 000 km en un mois, en période de préparation. « Il va très loin dans la douleur, confie Mathieu Jeanne, son entraîneur. Un jour lors d’un test physiologique en laboratoire, il a poussé tellement loin l’effort qu’il a fini par faire un malaise sur le vélo. Je n’avais jamais vu ça… ». « C’est un très gros bosseur, reconnaît également Laurent Thirionet. Comme tous les grands champions… Car pour être sportif de très haut niveau, il ne faut pas trop s’écouter. Même si cela signifie qu’on flirte parfois avec la limite. » Un travail qui paie le jour-J lors des compétitions.
Un sportif « discret et bienveillant »
Si ses résultats le mettent sur le devant de la scène, paradoxalement Alexandre Léauté ne cherche pas la lumière des projecteurs… En dehors de la piste, le champion paralympique reste discret, dans le bon sens du terme, « jamais un mot plus haut que l’autre », dixit ses proches.
Pas le genre de personne à se mettre en avant dans un groupe. Encore en progression, il n’hésite pas à s’appuyer sur ses pairs plus expérimentés comme Thomas Peyroton-Dartet, ou Kevin Le Cunff, passés par le cyclisme professionnel chez les valides, pour demander des conseils en matière d’entraînement, de nutrition ou de gestion du stress.
Au sein l’équipe de France, une expression revient pour le décrire : « Quelqu’un de bienveillant. » « Dès qu’il peut aider quelqu’un, il le fait. S’il faut aller rouler avec d’autres athlètes, même d’un niveau plus bas, il va y aller et laisser les autres se mettre dans sa roue. Et s’il avait prévu que deux heures d’entraînement et qu’on lui demande une session de trois heures, il partira trois heures… », raconte Laurent Thirionet. A la ville, son entraîneur le présente comme un jeune de son âge qui aime les réseaux sociaux, discuter mangas, boire un verre avec des amis…
Un champion au centre de l’attention médiatique
Alexandre Léauté ne recherche pas non plus les caméras. « Certains courent après les médias, lui non », constate aussi Laurent Thirionet. D’autant plus que le jeune cycliste s’est senti submergé par les sollicitations à l’approche des Jeux dans l’Hexagone. Reportages et émissions de télévision en prime time, réception à l’Élysée, rencontre avec les élus locaux, visites dans les écoles pour présenter la paracyclisme et sensibiliser au handicap…
Surmené, le Breton a fini par ressentir un ras-le-bol. Et a même traversé une petite dépression l’hiver dernier, de son propre aveu au journal L’Équipe. « Face à cette médiatisation complètement nouvelle et à l’afflux de demandes, il a dû aussi apprendre à dire non », confie son entraîneur.
Le profil-type de l’athlète paralympique, « cool et bourré d’humilité »
Un profil d’anti-star ? « C’est un peu le profil type du parasportif ! Hormis de rares exceptions qui se prennent pour Usain Bolt (Ndlr : le recordman du 100 mètres), les athlètes paralympiques restent à la fois de grands bosseurs et des gens cool, simples et bourrés d’humilité dans la vie. Alexandre en est la parfaite illustration », synthétise Laurent Thirionet. Pour le manager de l’équipe de paracyclisme tricolore, ce profil s’explique en partie par le manque de médiatisation et de financements dans le sport paralympique et le monde du handisport au sens large, jusqu’ici.
Un futur porte-parole du sport paralympique ?
Déjà figure de l’équipe de France à Tokyo, où il a été désigné porte-drapeau de la cérémonie de clôture des Jeux, Alexandre Léauté pourrait-il devenir l’un des porte-paroles (officiel ou officieux) du sport paralympique? Malgré son caractère réservé ? Et même s’il « ne prétend pas être un leader, si ce n’est par ses résultats », comme le rappelle son entraîneur…
À cette question le Breton répondait récemment qu’il n’hésitera pas à défendre son sport, et même plus, si l’occasion lui est fournie. « Si je peux donner de la voix, je le ferai. Car il reste un combat à mener pour promouvoir le sport paralympique. Notamment pour souligner les performances, montrer qu’on s’entraîne autant que les valides, avec les mêmes sacrifices, expliquait il y a peu le champion à Faire-face.fr. Ce n’est pas parce qu’on a un handicap qu’on ne peut pas réussir, dans le sport comme dans la vie. » Sur ce point, son parcours parle déjà pour lui.
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