Jeux paralympiques Paris 2024 – Arnaud Assoumani, para-athlétisme : « Le handicap n’est pas une identité »
Multimédaillé en saut en longueur, Arnaud Assoumani, 38 ans, participe pour la sixième fois aux jeux Paralympiques et vise un nouveau podium. Engagé, l’athlète sensibilise aussi au handicap, et lutte contre toute forme de discrimination en prônant l’humanisation de la différence*.
Faire Face : Vous vous êtes beaucoup entraîné pour Paris 2024… Question préparation physique, l’approche évolue-t-elle à 38 ans ?
Arnaud Assoumani : En effet, au-delà de 30 ans, on ne récupère pas de la même manière. L’hygiène de vie et l’équilibre vie perso – vie professionnelle sont encore plus importants. Il faut savoir écouter son corps. Enfin, le plaisir doit demeurer central. Il faut rester détendu. Pour cela, j’ai fait de la préparation mentale et du neurofeedback. Cela m’aide sur la piste mais aussi dans ma vie.
FF : En quoi consiste cette préparation mentale ?
A.A : Comme la prépa physique, elle vise à être performant le jour J. Cela passe notamment par des routines d’échauffement. On fait ses gammes, exactement comme un musicien. En parallèle, j’effectue des exercices de visualisation. Concrètement, je répète mes sauts dans ma tête, seconde par seconde, en ressentant chaque sensation. En effet, imaginer un geste technique active les mêmes zones du cerveau que lorsqu’on le réalise dans la vraie vie. C’est scientifiquement prouvé.
Cet exercice aide donc à ancrer la mémoire des gestes, le bon rythme et les bonnes sensations. Tout cela contribue à renforcer la confiance pendant la compétition. Une méthode d’entraînement puissante, puisque je peux ainsi bosser deux à trois fois plus et sans fatigue.
Promouvoir l’égalité au sens large
FF : Quel est votre objectif pour ces Jeux ?
A.A : Ramener une médaille à la maison. Si possible en or.
FF : Les Paralympiques, c’est aussi l’occasion pour vous de poursuivre votre engagement…
A.A : Effectivement. Car j’ai un rôle d’ambassadeur pour Paris 2024. Je suis membre du jury au sein du comité chargé de laisser un héritage après les Jeux. Comme, par exemple, la formation de clubs sportifs pour les rendre para-accueillants et les doter de matériels adaptés. Depuis près de vingt ans, je suis par ailleurs bénévole pour des organismes tels que Diversidays, pour l’égalité des chances ou Play International, pour l’éducation par le sport.
Mon engagement passe aussi par la diffusion de messages pour la promotion de l’égalité au sens large. Comme quand je rappelle par exemple que nous sommes 12 millions de personnes en situation de handicap, mais que cela reste le premier critère de discrimination en France. Que l’accès aux études se révèle plus difficile ou que le chômage s’avère deux fois plus élevé que pour le reste de la population… Il y a des combats à mener.
Plus visibles, les athlètes attirent aussi un plus grand nombre de sponsors. De quoi améliorer leur situation souvent précaire »
FF : Quelles améliorations avez-vous observées depuis vos premiers jeux Paralympiques en 2004, à Athènes ?
A.A : La couverture médiatique, entre autres, a bien évolué. Certes, on partait de loin… Mais en vingt ans, on est passé de quelques résumés d’épreuves chaque jour à une diffusion en direct pour Paris 2024.
etc. Plus visibles, les athlètes attirent aussi un plus grand nombre de sponsors. De quoi améliorer leur situation, qui reste souvent précaire.
FF : Le traitement médiatique s’améliore-t-il aussi ? Par le passé, vous regrettiez, par exemple, qu’on parle beaucoup de handicap et pas assez de sport.
A.A : On progresse sur certains points. J’ai déjà répondu à des interviews où je parle uniquement de sport. Mais combien de fois cela arrive ? Au départ, je pratique l’athlétisme. Mon domaine reste le bac à sable… Je ne suis pas contre les questions sur le handicap, la résilience ou l’engagement. Mais il n’y a pas d’obligation à s’exprimer sur ces sujets. Si l’on parle toujours de la même manière des athlètes para, c’est qu’on n’a pas encore compris cela : le handicap n’est pas une identité ! Il faut évoquer la personnalité des athlètes, leurs sports, leurs passions… Là, on aura fait un pas. Et les spectateurs pourront se reconnaître en eux.
FF : Les nombreux reportages sur ces sportifs qui donnent “une leçon de vie”, ça vous fatigue ?
A.A : Un peu. Certaines histoires peuvent être inspirantes effectivement, mais tout comme chez les athlètes olympiques. Est-ce que les athlètes paralympiques ont plus de mérite ? Parfois oui, parfois non. Partir du postulat que toutes les victoires des athlètes para sont incroyables, c’est se tromper. Attention, à ne pas tomber dans le stéréotype. Pour l’éviter, il faut humaniser la différence et les Paralympiques restent une bonne occasion de le faire.
* Cet article a déjà été publié dans le magazine Faire Face – Mieux vivre le handicap de juillet-août 2023 et mis à jour à l’occasion des jeux Paralympiques.
Arnaud Assoumani en quelques dates
1985 : naissance à Orsay (Essonne) sans avant-bras gauche.
2004-2006 : médaille de bronze en saut en longueur aux Paralympiques d’Athènes et obtention d’un BTS de montage audiovisuel à Paris.
2006 et 2011 : champion du monde de para athlétisme.
2007 : intègre la section “sportifs de haut niveau” de Sciences Po Paris.
2008 : champion paralympique à Pékin et record du monde à 7,23 mètres de sa catégorie (T46).
2010 : 3e aux championnats de France Élite de saut en longueur (chez les sportifs valides) à Bercy. Améliore son record personnel à 7,82 mètres.
2012 : vice-champion paralympique (en longueur et triple saut) à Londres.
2016 : médaille de bronze à la longueur aux Jeux de Rio.
2021 : 8e place aux Jeux de Tokyo.
Vos avantages :
- Magazine téléchargeable en ligne tous les 2 mois (format PDF)
- Accès à tous les articles du site internet
- Guides pratiques à télécharger
- 2 ans d’archives consultables en ligne