Paralympiques 2024 – « La boccia prouve qu’on peut réaliser des performances sportives même avec un grand handicap »
La première médaille française de l’histoire en boccia remportée aux Jeux de Paris 2024 a jeté un coup de projecteur sur ce sport typiquement paralympique, encore peu connu du grand public français. Cette médaille d’or met en lumière un sport ouvert à quasi tous les joueurs. Et souligne en creux la faible représentation des sports accessibles aux athlètes avec un grand handicap aux jeux Paralympiques. Analyse de Laurence Le Franc, responsable du développement adjointe à la commission boccia de la Fédération française handisport.
Faire-face.fr : Après sa médaille d’or en boccia, le 2 septembre, Aurélie Aubert a souhaité que sa discipline soit davantage médiatisée… ce titre Paralympique va-t-il y contribuer ?
Laurence Le Franc : Oui, je pense que cette médaille historique, la première pour la France dans cette discipline, aura un impact, et va donner envie à de nombreuses personnes d’essayer la boccia et de s’inscrire dans un club. Notamment des personnes en situation de grand handicap qui n’osent pas toujours se lancer dans une activité sportive. La discipline va aussi gagner en notoriété auprès du grand public, qui connaît encore peu ce sport.
F-f.fr : L’équipe de France de boccia partait de loin, avec une première participation aux jeux Paralympiques seulement à Tokyo, en 2021. Que de chemin parcouru…
L.L.F : En effet, bien qu’étant un sport paralympique depuis 1984, la discipline a mis du temps à arriver dans l’Hexagone. La création de la commission Boccia au sein de la Fédération française handisport (FFH) date des années 2006-2007, sous la présidence d’André Auberger, qui souhaitait que ce sport soit pratiqué chez nous.
La première grande victoire internationale des Français remonte à 2015, lors d’un tournoi en Colombie. Puis l’équipe de France a notamment remporté les championnats d’Europe de Séville en 2019, en catégorie BC3, et ainsi validé son billet pour les Jeux de Tokyo. C’est le fruit d’un immense travail. Aujourd’hui, c’est reconnu comme un sport à part entière. Mais il a d’abord fallu faire connaître cette discipline.
Une image d’activité sportive statique à dépoussiérer
F-f.fr : Pourquoi la boccia a-t-elle mis autant de temps à émerger ?
L.L.F : Entre autres parce qu’elle avait plutôt l’image d’une activité de loisir, très statique, à pratiquer en institution. Pendant longtemps, on ne considérait pas cela comme un sport. Il fallait aussi défendre l’idée que même avec un handicap très lourd, il est possible de réaliser des performances sportives. Dans la catégorie BC3, par exemple, les joueurs sont dépendants d’un assistant pour les gestes de la vie quotidienne. Il a fallu faire évoluer les mentalités.
De plus, ce sport n’existe pas chez les valides, contrairement à la plupart des autres disciplines. Ce qui rend sa visibilité encore plus compliquée. Son nom était même inconnu jusqu’à il y a peu.
La boccia, un grand sens tactique, peu de compétences motrices
F-f.fr : Quelles sont les spécificités de ce sport ?
L.L.F : Avec la boccia, même si le handicap s’avère extrêmement lourd, on trouve toujours une façon de jouer. Il existe des adaptations comme on a pu le voir lors des compétitions. Exemple : une rampe pour lancer la balle. Un assistant va la placer dans telle ou telle direction selon les instructions du joueur. Puis ce dernier va déclencher le lancer en poussant cette balle sur la rampe, au moyen d’une petite baguette qu’il actionne avec la bouche ou le front.
C’est un sport qui exige un sens tactique et de la stratégie, mais peu de compétences motrices. En particulier pour les joueurs de la catégorie BC3, disposant d’une rampe et d’un assistant sportif.
F-f.fr : Il existe encore assez peu de sports accessibles aux personnes ayant les handicaps les plus importants…
L.L.F : En effet, aujourd’hui encore, il n’existe quasiment aucune proposition de sport ou d’activité physique pour les personnes avec les handicaps les plus lourds. Même aux jeux Paralympiques, elles sont assez peu représentées… principalement avec la boccia et le tir sportif. Et certains sports très accessibles comme le foot fauteuil ne figurent pas au programme des Jeux.
La discipline handisport la plus pratiquée en club
F-f.fr : Peu connue du grand public, la boccia est pourtant la discipline la plus pratiquée en club au sein de la Fédération handisport, devant la natation…
L.L.F : La boccia réunit désormais plus de 3 600 licenciés (Ndlr : contre 3 000 il y a trois ans). Assez vite, elle a rencontré du succès. Pour la simple raison qu’elle répond à un besoin…Comme je l’expliquais, il y avait peu d’offre pour les personnes en situation de grand handicap.
L.L.F : Par ailleurs, la fédération a lancé un grand projet de développement. Et proposé cette activité dans les institutions qui accueillent des personnes handicapées. Enfin, la boccia est une discipline facile à mettre en place, demandant peu de moyens : une salle à manger ou un grand couloir suffisent pour débuter. Même si pour progresser ensuite, il faudra bien sûr s’entraîner sur un vrai terrain de sport. Tout le monde peut la pratiquer et à tout âge.
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