Des enfants handicapés privés de cantine en attendant… un AESH

Publié le 1 octobre 2024 par Franck Seuret
La note de l'Éducation nationale précisant les modalités de mise en oeuvre de la nouvelle loi n'a été publiée que fin juillet. Elle prévoit que l’intervention des AESH à la cantine nécessite la conclusion préalable d’une convention entre l’État et la collectivité locale.

Depuis la rentrée, c’est l’État, et non plus les collectivités locales, qui est responsable de l’accompagnement des enfants handicapés durant la pause déjeuner. Mais la loi votée en mai dernier a dû mal à s’appliquer sur tout le territoire. De nombreux couacs privent certains élèves de cantine quand d’autres se retrouvent avec un AESH collectif et non plus pour eux seuls malgré leurs besoins.

Matéo préfère manger à la cantine, avec ses copains et ses copines… Mais le petit garçon handicapé de 4 ans, qui vit au Meux, dans l’Oise, n’a, dans les faits, plus le droit de s’y rendre. Tout comme Sofia à Montluçon , dans l’Allier. Mathéo à Mougins, dans les Alpes-Maritimes. Abel et Lenny à Saint-Colomban, en Loire-Atlantique. Ou bien encore Jules à Roanne, dans la Loire.

Tout au long du mois de septembre, les journaux locaux se sont fait l’écho de ces écoliers en situation de handicap qui ne peuvent plus déjeuner à l’école, faute d’y être accompagnés par un AESH. Quand bien même ils en avaient un l’an passé. Une frustration pour eux et une galère de plus pour leurs parents.

Une nouvelle loi pour un même traitement sur tout le territoire

Mais la loi a changé. Comme Faire-face.fr l’avait expliqué, le Parlement a adopté, en mai 2024, un texte transférant des communes à l’État « la rémunération du personnel affecté à l’accompagnement des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne ». L’intention était louable : assurer le même traitement sur tout le territoire, à compter de septembre 2024. Mais le démarrage est poussif.

« Dans certains départements, cela fonctionne bien, tempère Cédric Vial, le sénateur ayant pris l’initiative de ce texte de loi, finalement soutenu par le Gouvernement. Il est toutefois vrai que j’ai également des retours de situations problématiques. Des parents paient le manque d’anticipation de l’Éducation nationale. »

Une note de service trop tardive et une application de la loi ralentie

Car le ministère n’a publié que le 24 juillet la note de service précisant « les modalités opérationnelles ». Elle prévoit que l’intervention des AESH nécessite la conclusion préalable d’une convention entre l’État et la collectivité locale. De quoi ralentir la mise en œuvre de la loi

« Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? C’est l’administration administrante dans toute sa splendeur, fulmine Cédric Vial. Y a-t-il aujourd’hui des conventions pour l’intervention des AESH dans les écoles ? Non ! Ce sont pourtant des bâtiments communaux, comme les cantines ! »

Un temps d’intervention à la cantine déduit des heures d’accompagnement en classe

En attendant, certaines communes assurent le relais. Rezé a ainsi recruté 17 animateurs pour accompagner 23 écoliers. « Aucun personnel n’a été recruté par l’Éducation nationale et aucun complément d’heures n’a été attribué aux AESH en place pour répondre aux besoins des enfants sur la pause méridienne », justifie la mairie.

Le financement de ces heures supplémentaires d’AESH – dix millions d’euros par trimestre – semble effectivement faire défaut. Ce qui expliquerait que, dans certains cas, le volume horaire effectué par l’AESH restant inchangé, le temps d’intervention à la cantine soit déduit des heures d’aide en classe. C’est ce que soulignent le syndicat national des écoles et la CFDT éducation dans deux courriers distincts adressés mi-septembre à la ministre démissionnaire Nicole Belloubet.

 

L’Éducation nationale veut rester seule décisionnaire des besoins

Enfin, les termes de la note de service ont de quoi inquiéter les parents. « En ce qui concerne la pause méridienne ou la restauration scolaire, la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées [la CDAPH, l’organe décisionnel de la MDPH] ne peut émettre qu’une recommandation dans le cadre du projet personnalisé de scolarisation de l’élève, qui ne lie pas l’administration. » Autrement dit, l’Éducation nationale serait la seule décisionnaire. La notification de la MDPH ne lui serait pas opposable.

« La loi est pourtant très claire sur le sujet : c’est la responsabilité de l’État de mettre en place un accompagnement méridien quand l’enfant en a besoin, insiste Cédric Vial. Et c’est à la MDPH d’apprécier ce besoin. La décision que prendrait un directeur académique, le Dasen, de ne pas respecter cette recommandation pourrait être contestée devant un tribunal. Et les plaignants obtiendraient gain de cause. »

Un accompagnement collectif plutôt qu’individuel

Les parents doivent donc bien demander à la MDPH de préciser si leur enfant nécessite la présence d’un AESH à la cantine. Et, idéalement, si cet accompagnement doit être individuel. « Sauf circonstance particulière, l’accompagnement humain sur le temps de la pause méridienne est majoritairement de type collectif », précis en effet la note de service. C’est d’ailleurs ce qui se passe à Mougins pour Mathéo.

L’an passé, la même AESH l’assistait en classe – rémunérée par l’État – et à la cantine – elle était alors payée par la commune. Mais, depuis le transfert de l’accompagnement du midi à l’Éducation nationale, il n’y a plus qu’une AESH pour cinq enfants.

Or, rappellent ses parents, Mathéo a besoin de la présence constante d’un adulte à ses côtés car il n’est pas autonome. Et la mutualisation impose aux enfants handicapés de rester ensemble pendant la pause du midi, isolés de leurs camarades. Pas vraiment l’esprit cantine, avec les copains et les copines…

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