Transport scolaire et handicap : des départements jugés hors-la-loi

Publié le 2 octobre 2024 par Franck Seuret
Dans la Marne, la mère d’une jeune fille handicapée a contesté en justice, avec succès, la décision du Département de refuser la prise en charge du taxi au prétexte qu’elle habitait à moins de 2 kilomètres de l'établissement scolaire.

Le tribunal administratif de Nantes a suspendu, cet été, certaines dispositions du nouveau règlement du Département de Loire-Atlantique pour le transport des élèves handicapés. En particulier, l’instauration d’une distance minimale entre le domicile et l’établissement pour pouvoir bénéficier d’un taxi scolaire. D’autres départements sont aussi dans l’illégalité.

Qui doit prendre en charge les déplacements des élèves handicapés vers leur établissement scolaire lorsqu’ils sont dans l’incapacité d’emprunter les transports en commun ? Le Conseil départemental de leur domicile répond l’article R 3111-24 du Code des transports. Pour tous les enfants – qu’ils fréquentent un établissement d’enseignement général, agricole ou professionnel, public ou privé placé sous contrat – qui ne peuvent utiliser le bus, le tram ou le métro en raison de la gravité de leur handicap. Gravité reconnue par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, l’organe décisionnel de la MDPH. Pour le reste, c’est le règlement départemental du transport des élèves en situation de handicap qui définit les modalités précises.

Mais un Département ne peut pas imposer des conditions plus restrictives que celles fixées par la loi, a rappelé, le 25 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes. Sept parents l’avait saisi en référé*, suite à l’adoption, fin mai, d’un nouveau règlement par le conseil départemental de Loire-Atlantique. Ils contestaient plusieurs de ses dispositions.

Pas de prise en charge en dessous de cinq kilomètres

Notamment l’instauration d’une distance minimale pour que le Département prenne en charge le taxi scolaire. Au moins cinq kilomètres lorsque l’enfant était scolarisé à l’école maternelle ou élémentaire. Au moins dix kilomètres à partir du collège et jusqu’à l’université. En deçà, le règlement prévoyait uniquement une indemnisation kilométrique forfaitaire pour l’utilisation du véhicule personnel. Cette mesure est « entachée de rupture d’égalité », a statué le tribunal administratif.

Des mesures « entachées d’erreur de droit »

Et quid de la décision du Département de ne pas financer le transport si l’enfant est scolarisé, « à la demande des familles », en dehors de l’établissement de secteur du domicile ou dans un autre que celui proposé par l’inspection académique ? Également illégal, a répondu le tribunal. Ces dispositions sont « entachées d’erreur de droit ».

Tout comme la limitation de la prise en charge à un aller-retour par jour de scolarité. Mais aussi l’instauration d’un nombre minimum de jours de scolarisation pour prétendre au transport.  En l’occurrence 2,5 par semaine, avec une présence par journée entière ou demi-journée (le mercredi matin).

Le tribunal administratif a suspendu ces quatre mesures. Le département de Loire-Atlantique n’a pas fait appel.

D’autres règlements comportent une condition de distance

Cette victoire du collectif Handicap 44 en danger, qui avait lancé l’alerte, servira-t-elle de déclencheur ? « D’autres départements imposent également une condition de distance », souligne Bénédicte Kail, la conseillère nationale éducation d’APF France handicap. Deux kilomètres entre le domicile et l’établissement scolaire dans la Sarthe et l’Aveyron, par exemple.

Une mère obtient gain de cause dans la Marne

Idem dans la Marne où la mère d’une adolescente handicapée a saisi la justice, en 2023. Elle contestait la décision du Département de refuser la prise en charge du taxi au prétexte qu’elle habitait à moins de deux kilomètres.

Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne lui a donné gain de cause, en mars 2024. « Le Département de la Marne ne peut pas légalement fixer des conditions plus restrictives » que celles figurant dans le Code des transports. Or le fameux article R 3111-24 de ce code ne mentionne aucune distance minimale. Le juge a donc enjoint au conseil départemental de prendre en charge le transport scolaire de cette élève. Mais le Département n’a pas, pour autant, modifié son règlement, demeurant donc dans l’illégalité.

* Le référé est une procédure d’urgence.

Un règlement illégal selon la Défenseure des droits

Dans le même temps qu’ils saisissaient la justice, des parents de Loire-Atlantique avaient également alerté la Défenseure des droits, en juin 2024. Et pour cette dernière, « le nouveau règlement départemental du transport des élèves et étudiants en situation de handicap est illégal ». À double titre, souligne-t-elle dans les observations qu’elle a transmises au juge des référés du tribunal administratif de Nantes.

D’abord parce qu’il « vient ajouter des conditions restrictives non prévues par la loi » : la nécessité d’être scolarisé dans son établissement de secteur ; une distance minimum entre le domicile et le lieu de scolarisation (les cinq ou dix km) ; et une durée de scolarisation hebdomadaire plancher.

De plus, « il porte atteinte au droit à l’éducation sans discrimination et à l’intérêt supérieur des enfants en situation de handicap concernés ».

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