[Lecture du vendredi] Ann d’Angleterre de Julia Deck : dans la vie, s’accrocher jusqu’au bout

Publié le 4 octobre 2024 par Elise Jeanne

Ne vous fiez pas au titre, d’apparence trompeuse. Ann d’Angleterre de Julia Deck n’est pas la biographie romancée d’une figure royale ou princière. Mais le récit familial intime du combat d’une femme pour maintenir la dignité de sa mère, au sein d’un système hospitalier rigide et impersonnel.

Avril 2022, l’auteure, Julia Deck, est confrontée à l’accident cérébral majeur de sa mère. Ce choc, elle va le transformer en témoignage intime. Celui d’une fille plongée dans une lutte acharnée contre les institutions sanitaires, bureaucratiques et inefficaces, afin de trouver une prise en charge médicale adéquate, et des non-dits familiaux.

Julia Deck tisse son récit avec des chapitres alternant présent et passé. Mais aussi la réalité brutale du corps vieillissant de sa maman, Ann, livré aux soins hospitaliers, et les souvenirs d’une mère dynamique, libre et cultivée.

Ann, entre ascension sociale et secret de famille

Tantôt, elle dessine une trajectoire familiale marquée par l’ascension sociale d’Ann, née en Angleterre en 1937, dans une famille ouvrière. Passionnée de littérature et avide de découvertes, elle a quitté son pays pour la France, où elle s’est construit une nouvelle vie. En retraçant son parcours, Julia Deck explore les zones d’ombre de son propre héritage. Et des questions sans réponse nourrissent la trame narrative : y a-t-il un secret familial ? Ann aurait-elle eu une autre fille ? Elles ajoutent une dimension de mystère à ce récit poignant.

Tantôt, Julia Deck décrit un univers hospitalier, où l’administration semble souvent incapable de voir l’individu derrière le patient. Elle livre une critique acerbe d’un système de soins en proie à des dérives institutionnelles, avec un fonctionnement rigide et déshumanisé.

Humour british contre l’angoisse et le désespoir

Sa voix est vive et mordante, teintée d’humour british, faisant office de bouclier face à l’angoisse et au désespoir. Sa plume, aussi précise qu’acérée, sert, in fine, un acte d’amour, celui d’une fille envers sa mère.

L’ensemble donne lieu à une réflexion profonde sur les relations complexes et parfois ambiguës avec nos proches, les histoires familiales, la vie et la mort, la vieillesse et la manière dont la société prend soin de ses aînés.

Ann d’Angleterre, Julia Deck, éd. du Seuil , 256 p., 2024, 20 €.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site est protégé par reCAPTCHA et la Politique de Confidentialité de Google et l'application des Conditions d'Utilisation.