Le Gouvernement veut détourner 20 % des recettes de l’Agefiph au détriment des travailleurs handicapés
Le Gouvernement prévoit de plafonner à 457 millions d’euros, en 2025, le montant global des contributions que l’Agefiph perçoit des entreprises n’employant pas 6 % de travailleurs handicapés. Le surplus ira dans les caisses de l’État. Or, l’Agefiph tablait sur des rentrées de 550 millions. Soit un manque à gagner de 100 millions qui entraînerait une réduction des aides en faveur de l’emploi des personnes handicapées.
100 millions d’euros en moins pour l’Agefiph et 100 millions d’euros en plus dans les caisses de l’État. C’est un hold-up que le Gouvernement envisage de réaliser, en 2025, au détriment du Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Le projet de loi de finances (PLF) prévoit, en effet, de plafonner sa principale source de recettes, la contribution versée par les employeurs ne respectant pas l’obligation d’emploi des travailleurs en situation de handicap. À 457 M€, précise l’article 33 du PLF.
Ce même article estime qu’en 2025, l’ensemble de ces contributions devrait atteindre 507 M€. Ce qui représenterait donc une ponction de 50 millions. Mais l’Agefiph, elle, tablait plutôt sur 555 à 575 M€. D’où un manque à gagner de 100 à 120 M€. Soit 20 % de ses recettes.
En 2025, les employeurs ne respectant pas les 6 % de travailleurs handicapés paieront plein pot
La réforme de l’obligation d’emploi, entrée en vigueur en 2020, devrait en effet pleinement porter ses fruits financiers en 2025. Pour atténuer son impact, un mécanisme d’écrêtement des contributions avait été mis en place. En clair, depuis 2020, les employeurs ayant un taux d’emploi de personnes handicapées inférieur à 6 % payaient un peu plus chaque année, mais toujours moins que ce qu’ils auraient dû payer. En 2025, cet abattement n’existera plus. Ce qui laisse augurer une augmentation du montant collecté.
Une contribution Agefiph à payer pour de grandes entreprises auparavant exonérées
Par ailleurs, progressivement, les accords de groupe sur l’emploi des travailleurs handicapés arrivent à échéance. Et ils ne peuvent plus être renouvelés. Une conséquence, là encore, de la réforme qui a limité leur durée de vie à six ans maximum.
Les sociétés, de grandes entreprises surtout, ayant signé un tel accord étaient exonérées de toute contribution à l’Agefiph. En contrepartie, elles s’engageaient à mener une politique en faveur de l’emploi des personnes handicapées financée par la somme qu’elles auraient dû verser au fonds. Avec une efficacité limitée puisque leur taux d’emploi reste généralement inférieur à 6 %.
En 2025, une cinquantaine de groupes qui ont vu leur accord arriver à expiration en 2024 vont donc contribuer directement au Fonds (*)
Un plafond qui va limiter la capacité d’action de l’Agefiph
La fin de l’abattement et l’arrivée à échéance des accords devraient logiquement contribuer à gonfler le montant global des contributions. À hauteur de 555 à 575 M€, selon les prévisions de l’Agefiph. Davantage que les années précédentes : 478 M€, en 2022 ; 500 M€ en 2023 et 546 M€ en 2024 (prévisionnel).
En instaurant un plafonnement à 457 M€, le Gouvernement limiterait donc la capacité d’action de l’Agefiph. Pourtant, les besoins, eux, ne faiblissent pas. Au contraire.
Des adaptations de postes de travail et des formations menacées
D’une part, le nombre de demandeurs d’emploi en situation de handicap augmente. Fin 2023, il s’établissait à 474 000, contre 455 000 un an plus tôt.
D’autre part, les mesures de l’Agefiph – financement de l’adaptation du poste de travail, de formations… – ne se limitent pas à ce public. Elles concernent aussi les personnes handicapées en emploi. Or, dans le même temps, leur nombre a encore plus fortement augmenté : 1,2 million contre 1,1 million.
10 % du budget de l’Agefiph désormais fléché vers les entreprises adaptées
De plus, l’intégration de Cap Emploi, le réseau spécialisé dans l’accompagnement des travailleurs handicapés, au sein de France Travail a entraîné une augmentation des prescriptions de mesures financées par l’Agefiph.
À cela s’ajoute une nouvelle obligation pour le Fonds, imposée par l’État depuis 2019 : participer au financement des entreprises adaptées à hauteur de 50 M€. Autrement dit, près de 10 % de son budget est d’ores et déjà fléché vers… 40 000 travailleurs handicapés. Une ponction qui fait suite à de nombreuses autres, en 2014 ou bien encore en 2016.
Et, l’an prochain, les grandes entreprises qui ne sont plus couvertes par un accord solliciteront les aides de l’Agefiph. Ce qu’elles ne faisaient pas jusqu’alors puisqu’elles les auto-finançaient.
Des aides Agefiph déjà revues à la baisse en août 2024
Ce dynamisme des dépenses contribue à expliquer que, début août, l’Agefiph a déjà réduit le montant de certaines de ses aides. Pour la création d’une entreprise, c’est désormais moitié moins (3 000 € contre 6 300 €). Coup de rabot aussi dans l’aide à l’embauche en contrat de professionnalisation (- 2 000 €) ou d’un apprenti (- 1 000 €).
Mais cela ne donne qu’un léger avant-goût de ce qui pourrait se passer si le projet de loi de finances n’évoluait pas. Plusieurs députés ont d’ores et déjà déposé des amendements. Certains demandent la suppression de tout plafond ; d’autres, son rehaussement. La bataille à 100 millions vient de démarrer.
(*) 80 accords ont expiré en 2023, et 100 à 150 arriveront à échéance en 2025.
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