Incontinence et handicap : le poids des ordures, le choc de la facture

Publié le 23 octobre 2024 par Franck Seuret
Jusqu'à présent, dans le Sel et Vermois, comme dans de nombreuses communes françaises, chaque foyer réglait une taxe d'enlèvement des ordures ménagères calculée sur la valeur locative de la propriété et non sur les volumes collectés et/ou le nombre de levées du bac.

La communauté de communes des Pays du Sel et du Vermois, à proximité de Nancy, va mettre en place une taxe sur les ordures ménagères basée sur le nombre de levées et le volume de déchets. La mère d’une adolescente handicapée réclame que la levée des couches qu’utilisent les personnes incontinentes ne soit pas facturée. Afin qu’elles ne soient pas discriminées. D’autres communes ayant adopté ce type de taxation tiennent compte des spécificités de leurs concitoyens handicapés.

Sortir la poubelle ne sera bientôt plus un geste anodin pour Sonia Jabri, maman d’une adolescente polyhandicapée. La ville de Saint-Nicolas-de-Port où elle habite, comme toutes celles de la communauté de communes des Pays du Sel et du Vermois, en Meurthe-et-Moselle, près de Nancy, a en effet décidé de passer à une facturation prenant en compte le volume des déchets collectés et le nombre de levées*. Ce qui va donc la pénaliser, puisque Lina, sa fille de 16 ans, porte des couches 24h/24.

« Les protections usagées, lourdes et volumineuses, représentent entre un et deux sacs de 30 litres par jour », explique-t-elle. Soit, au bas mot, de quoi remplir une poubelle classique de 240 litres chaque semaine. « Ma fille, en raison de son handicap, produit davantage de déchets qu’un citoyen lambda [6 litres par jour en moyenne]. Ce n’est pas juste de me le faire payer. »

Une taxe pour inciter à réduire les déchets non recyclables

Jusqu’à présent, comme dans de nombreux territoires, chaque foyer réglait une taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), calculée sur la même base que la taxe foncière. Elle dépendait donc de la valeur locative de la propriété, et non du volume collecté.

Désormais, la taxe comprendra deux parts. Une part fixe, toujours basée sur la valeur locative du logement, et une part variable dépendant du nombre annuel de levées de la poubelle et du volume collecté. « Cette part est désormais directement liée à la production effective d’ordures ménagères résiduelles produites par un foyer », précise la collectivité sur son site. Le décompte sera automatique grâce à une puce électronique installé sur le bac.

Un objectif louable… sous réserve d’une prise en compte des spécificités des personnes handicapées

La TEOM incitative entrera en vigueur début 2026. Sur la base des collectes 2025. « J’ai interpellé à de nombreuses reprises les services de la communauté de communes et les élus pour les alerter sur le cas des personnes handicapées ou âgées ayant besoin de couches. En vain pour le moment », regrette Sonia Jabri. Elle ne sait pas non plus quel sera le surcoût puisqu’aucun tarif n’a encore été communiqué.

L’objectif de la collectivité est certes louable. Elle veut inciter les ménages à réduire le volume de déchets résiduels, ceux qui ne peuvent être recyclés. Seuls les bacs d’ordures ménagères seront en effet comptabilisés. Pas les poubelles jaunes, ni les biodéchets destinés à être compostés.

Mais s’il n’y a pas d’aménagement pour les adultes contraints de porter des protections, la collectivité risque de se rendre coupable de discrimination. Sonia Jabri a d’ailleurs saisi la Défenseure des droits.

Risque de discrimination, selon la Défenseure des droits

À notre connaissance, elle n’a pas encore eu à se prononcer sur la TEOM incitative. En revanche, elle a déjà fait part de son analyse sur une autre problématique liée aux ordures qui comporte des enjeux similaires : le passage de la collecte en porte-à-porte à l’apport volontaire dans des conteneurs publics.

Cette dernière doit « être adaptée aux besoins des usagers susceptibles d’éprouver des difficultés particulières (…), pointe-t-elle. L’absence de mesures correctives peut caractériser une situation de rupture d’égalité entre usagers du service, voire de discrimination. »

En Dordogne, les protections non comptabilisées dans les déchets

Sonia Jabri réclame donc « une levée sanitaire » non facturée, une fois par semaine, dans tous les foyers utilisant des protections pour adultes. Et de donner l’exemple du Syndicat départemental des déchets de la Dordogne.

Celui-ci a également mis en place une tarification incitative dans le département. Mais il a invité « les personnes de tout âge utilisant quotidiennement des protections pour incontinence lourde et sévère et/ou utilisant des poches de colostomie et urostomie, liée à une pathologie, hors fuites urinaires » à se signaler auprès de ses services. Ce « surplus médical » n’est pas comptabilisé dans les déchets du foyer. la communauté de communes des Pays du Sel et du Vermois, la voie est tracée.

*La facturation à la levée se base sur le nombre de fois où l’usager sort son bac d’ordures ménagères lors du passage des éboueurs. 

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