Les personnes handicapées, une population compliquée à chiffrer
Pas simple de quantifier le nombre d’adultes handicapés de 15 ans et plus, vivant dans un logement ordinaire, en France. C’est ce qu’illustre la dernière étude de la Dress. En fonction des critères retenus, il varie du simple au triple. Soit entre 5 et 16 millions de personnes, ce qui représente 9 à 16 % de cette tranche de la population.
Combien y-a-t-il de personnes handicapées en France ? Dans une récente étude portant sur les 15 ans et plus vivant en logement ordinaire, très attendue car la précédente enquête datait de 2008, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) apporte plusieurs réponses à cette unique question. Plusieurs car « le handicap est une notion complexe », prévient d’emblée cet organisme public. Il y a en effet au moins trois façons, plus ou moins restrictives, de définir le handicap.
Si l’on se concentre sur les limitations fonctionnelles : 14,5 millions
Peuvent être considérées comme handicapées, les 14,5 millions de personnes déclarant « une limitation fonctionnelle importante pour une fonction motrice, sensorielle ou cognitive ». Elles représentent 28 % des 15 ans et plus.
12 % ont au moins une limitation motrice, c’est-à-dire qu’elles ne peuvent pas monter un escalier, lever un bras au-dessus de la tête ou encore s’agenouiller sans aide. 10 % ont souvent des trous de mémoire, des difficultés à se concentrer plus de 10 minutes. 9 % éprouvent des difficultés psychologiques qui perturbent leur vie quotidienne, ont du mal à nouer des relations, etc. Pour 7 %, la ou l’une des limitations est sensorielle. Même appareillées, elles ne peuvent pas voir de près ou entendre une conversation dans une pièce bruyante. La liste établie par la Drees comprend de nombreuses autres limitations.
Si l’on tient compte des difficultés à effectuer les actes essentiels du quotidien : 5,3 millions
La deuxième définition est moins large. Sont considérées comme handicapées les personnes déclarant des restrictions importantes pour réaliser les actes essentiels du quotidien : s’assoir et se lever d’un siège, s’habiller, couper sa nourriture, faire ses courses, trouver son chemin, faire des démarches administratives… pour ne reprendre que quelques-unes des activités listées par la Drees. Leur nombre tombe alors à 5,3 millions, soit 10,3 % des 15 ans et plus.
Si l’on s’appuie sur l’indicateur européen Gali : entre 4,5 et 6,1 millions
Enfin, la troisième définition est celle de l’indicateur Gali (General activity limitation indicator) qui sert notamment pour les comparaisons européennes. Il repose sur cette question : « Êtes-vous limité(e) depuis au moins six mois, à cause d’un problème de santé, dans les activités que les gens font habituellement ? » Les 4,5 millions de personnes répondant « Oui, je suis fortement limitée » sont considérées comme étant handicapées. Soit 8,7 % des 15 ans et plus. Des résultats cohérents avec ceux de l’enquête européenne de santé de 2019.
Mais il y a une autre approche possible : demander aux gens s’ils considèrent qu’ils ont un handicap. 6,1 millions de femmes et d’hommes l’affirment, soit 11,7 % de la population considérée. C’est bien moins que le nombre de personnes déclarant au moins une limitation fonctionnelle importante (14,5 millions). Logique car les difficultés à accomplir certains actes, « même fortes, sont loin d’engendrer systématiquement des limitations ou restrictions d’activité », relèvent les auteurs de l’étude. Exemple : ne pas pouvoir lever un bras n’empêche pas de se vêtir seul avec des habits adaptés.
Les femmes et les plus de 50 ans davantage concernés
Au final, 16 millions de personnes se retrouvent dans l’une ou l’autre des trois définitions retenues. Certaines dans les trois, les unes dans deux, d’autres dans une seule. « Les approches du handicap se recoupent, mais sans s’emboîter », résume la Drees.
Bien évidemment, la prévalence varie en fonction de l’âge. Seuls 4 % des 15-49 ans déclarent des restrictions importantes dans la réalisation des actes essentiels du quotidien contre 8,5 % des 50-64 ans et 25 % des 65 ans et plus.
Et le genre ? Chez les 15 ans et plus, ce pourcentage s’élève à 13 % chez les femmes contre 8 % chez les hommes, l’écart augmentant avec l’âge. Mais, paradoxalement, si les femmes ont plus de difficultés au quotidien, elles ne s’estiment pas handicapées beaucoup plus souvent que les hommes : respectivement 12 % et 11 %.
Pourquoi ? Parce que, selon la Drees, « les hommes se déclareraient plus rapidement handicapés car toute diminution de leur productivité individuelle devrait être justifiée (par exemple par un handicap), tandis que les femmes seraient un peu moins jugées socialement à l’aune de leur seul potentiel individuel économique ». Les inégalités de genre s’infiltrent décidément partout.
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