Une discrimination dans l’emploi en raison du handicap, c’est quoi ? Réponse de la Défenseure des droits
Recrutement, évolution de carrière, licenciement… Toutes les étapes de la vie professionnelle peuvent donner lieu à des discriminations. Mais à partir de quel moment peut-on considérer qu’un employeur applique un traitement défavorable à un candidat ou un salarié en raison de son handicap ? Décryptage avec Fabienne Jégu, conseillère experte handicap autonomie auprès de la Défenseure des droits.
Faire-face.fr : Qu’est-ce qu’une discrimination dans l’emploi en raison du handicap ?
Fabienne Jégu : On parle de discrimination lorsqu’une personne subit un traitement défavorable en raison de son handicap. Cela concerne tous les aspects de l’emploi, du recrutement au licenciement. Ce motif de discrimination est défini dans de nombreux textes français et internationaux, et notamment la loi du 27 mai 2008 sur les discriminations . La discrimination peut aussi être indirecte, quand une mesure neutre, concernant tous les salariés, a des répercussions particulièrement défavorables pour les personnes en situation de handicap.
Des aménagements raisonnables à scruter de près
F-f.fr : Une entreprise doit-elle donc tenir compte des besoins de la personne handicapée pour ne pas discriminer ?
F.J : Oui, car la traiter de manière identique à une personne non handicapée, sans tenir compte de ses besoins spécifiques, peut aboutir à un traitement moins favorable. Il est donc obligatoire de prendre des mesures appropriées. Par exemple, modifier un bureau, se doter d’un logiciel, aménager le temps de travail…
Pour parler de discrimination, il faut que l’employeur n’ait pas entrepris les aménagements raisonnables qui auraient permis d’éviter le traitement défavorable. Mais cette charge ne doit pas être disproportionnée au regard, notamment, des capacités financières ou organisationnelles de la structure. En revanche, invoquer la charge disproportionnée sans avoir demandé les aides de l’Agefiph (ou du FIPHFP pour la fonction publique), c’est discriminatoire.
À compétences égales, pas d’obligation de recruter une personne en situation de handicap
F-f.fr : Quand peut-on estimer qu’un recrutement est discriminatoire ?
F.J : Il faut pouvoir démontrer que le candidat retenu ne disposait pas des diplômes ou d’une expérience aussi pertinents que ceux de la personne en situation de handicap. Mais, face à des compétences égales, les employeurs ne sont pas dans obligés d’embaucher une personne handicapée.
De plus, si le recrutement nécessiterait de revoir l’essentiel des tâches ou des contours du poste, ne pas recruter n’est pas discriminatoire. En revanche, si l’employeur peut, en réalisant des aménagements raisonnables, adapter le poste, et n’embauche pas une personne – ayant les compétences requises – pour ne pas avoir à le faire, cela peut être considéré comme discriminatoire.
F-f.fr : Et quand une promotion est refusée ?
F.J : Se voir refuser un poste de management car on a besoin de télétravailler une partie de son temps pour raisons de santé peut constituer une discrimination, si le management est en réalité possible à distance. L’entreprise devra donc prouver que ce télétravail aurait des conséquences effectivement négatives sur son organisation. Autre exemple : si le poste convoité se situe dans des locaux inaccessibles. L’employeur devra alors prouver qu’il n’a aucune possibilité de se réorganiser pour permettre à la personne d’accéder à ce poste.
Des possibilités de médiation
F-f.fr : L’inaptitude peut-elle advenir en raison d’une discrimination ?
F.J : Oui, le défaut d’aménagement du poste de travail peut conduire à l’inaptitude. Cela quand l’employeur a refusé d’appliquer, par exemple, les préconisations de la médecine du travail. Si l’inaptitude mène au licenciement, celui-ci peut être jugé discriminatoire, et donc nul, si l’employeur ne démontre pas avoir pris les mesures appropriées pour reclasser le salarié en situation de handicap.
F-f.fr : Quels conseils donneriez-vous à une personne qui pense être victime de discrimination ?
F.J : Je l’invite à contacter la plateforme www.antidiscriminations.fr mise en place par la Défenseure des droits (joignable aussi au 39 28), pour échanger gratuitement avec des juristes. Ou à se rendre à la permanence d’un des 600 délégués de la Défenseure des droits. Ils sont présents dans 1 000 points d’accueil partout en France.
La discrimination supposée fera l’objet d’une enquête, au cours de laquelle les deux parties feront valoir leurs arguments. Il faut prendre ce temps de l’analyse car la discrimination constitue une accusation grave, correspondant dans la loi à des cas précis. Elle ne se brandit pas à la légère. Mais qualifier les discriminations est nécessaire, les employeurs n’étant pas toujours conscients de discriminer. La Défenseure des droits peut aussi mener des médiations. Elles conduisent souvent à de bons résultats.
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