Valérie, AESH : « Pour les élèves handicapés, l’accompagnement mutualisé, c’est du saupoudrage au mieux, de la maltraitance au pire »
Depuis 2009, Valérie* travaille comme accompagnante d’élève en situation de handicap (AESH) dans un collège, en Alsace. En cette journée internationale des droits de l’enfant, elle déplore que les élèves qu’elle suit ne bénéficient pas du nombre d’heures dont ils auraient besoin.
« Deux heures avec un enfant. Quatre heures avec un autre… Mes 24 heures de travail hebdomadaire d’accompagnante d’élève en situation de handicap (AESH) sont réparties entre sept collégiens, atteints de troubles du déficit de l’attention, du spectre de l’autisme ou bien encore comportementaux… Cela fait à peine plus de trois heures chacun. Et encore, c’est mieux qu’à la rentrée, où j’ai démarré avec 11 enfants !
Parfois, une autre AESH intervient auprès d’eux sur quelques heures de cours en plus. Mais le temps d’accompagnement dont ils disposent reste très limité et, sauf exception, inférieur à leurs besoins.
« En quinze ans, j’ai vu la situation se dégrader »
Prenons le cas de cet adolescent autiste avec lequel je travaille. Il a besoin d’être stimulé pour prendre des notes, faire ses exercices… Si je ne lui donne aucune consigne, il ne le fait pas. Que se passe-t-il lorsque je ne suis pas en cours avec lui ? Rien, j’imagine.
Cela fait quinze ans que je suis AESH, comme on dit aujourd’hui. J’ai vu la situation se dégrader. À l’époque, la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées attribuait un nombre d’heures d’accompagnement individuel.
« Le Pial fait avec les ressources dont il dispose »
Désormais, elle notifie, en majorité, de l’accompagnement mutualisé. Elle décide donc simplement que l’enfant a besoin d’être accompagné mais ne précise pas le nombre d’heures nécessaires. C’est le pôle inclusif d’accompagnement localisé (Pial), chargé de gérer les AESH sur un territoire, qui s’occupe de la répartition.
Mais le Pial fait avec les ressources dont il dispose. Et elles sont insuffisantes. J’appelle cela, au mieux, du saupoudrage, au pire, de la maltraitance. Car les enfants ne bénéficient pas des heures dont ils auraient besoin.
« J’aime mon métier, je suis utile aux enfants »
Encore moins lorsque des postes ne sont pas pourvus. Ce qui est le cas actuellement. Dans le Pial dont je fais partie, nous sommes en sous-effectif par rapport à ce qui est prévu… et qui est déjà insuffisant.
L’Éducation nationale peine en effet à recruter des AESH. Ce qui n’a rien d’étonnant vu les conditions salariales. Avec quinze ans d’expérience, je gagne 1 060 euros nets/mois. J’aime mon métier. Je suis utile aux collégiens. Mais cela me fait mal au cœur de voir dans quelles conditions ceux-ci doivent suivre leur scolarité.
« On prend les choses à l’envers »
Nos supérieurs nous disent qu’il faut que les enfants s’autonomisent. Bien sûr. Cela n’aurait pas de sens que tous les élèves handicapés soient accompagnés à chaque cours. Mais, pour la plupart des jeunes que je suis, le compte n’y est pas. Ils ne peuvent pas exploiter au mieux leurs capacités avec ces quelques heures dont l’Éducation nationale leur fait l’aumône.
On prend les choses à l’envers. Alors qu’on devrait partir de leurs besoins pour déterminer les ressources à mobiliser, on part des moyens existants pour décider de l’accompagnement dont chacun bénéficiera. Dans ces conditions, l’inclusion scolaire est une supercherie. »
* Son prénom a été modifié.
Rentrée scolaire et handicap – « En tant qu’AESH, j’ai l’impression d’être totalement transparente »
Vos avantages :
- Magazine téléchargeable en ligne tous les 2 mois (format PDF)
- Accès à tous les articles du site internet
- Guides pratiques à télécharger
- 2 ans d’archives consultables en ligne