Accès au cinéma des déficients visuels : l’audiodescription souvent muette

Publié le 11 décembre 2024 par Emma Lepic
Salle de cinéma vectorielle 1
Lors d'une enquête réalisée en mars 2023 par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), seulement 18 % des exploitants de salles ont déclaré proposer des films audiodécrits. © AdobeStock

Permettre aux personnes aveugles et malvoyantes de savoir ce qui se passe sur grand écran, telle est la vocation de l’audiodescription. Mais très peu de cinémas proposent ces versions accessibles des films qu’ils diffusent. Et quand ils le font, en être informé ou pouvoir en bénéficier reste aléatoire.

Décrire les éléments visuels importants (échange de regards entre les personnages, changement de lieu, déambulation sans parole…), c’est la fonction de l’audiodescription. Son principe ? Une piste audio supplémentaire est ajoutée au film, et la voix qui lit le texte de la description s’intercale entre les plages de dialogue. Apparu aux États-Unis au milieu des années 70, ce procédé s’est progressivement développé en France. D’abord deux à trois fois par an, puis aujourd’hui pour la quasi-totalité des films français.

Une victoire en trompe-l’œil

Soit environ 230 longs-métrages par an, selon le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). D’ailleurs, depuis 2020, celui-ci conditionne son agrément et ses aides à la réalisation d’un sous-titrage pour les déficients auditifs et d’audiodescriptions pour les déficients visuels. Une victoire, pour les associations représentatives, à la manœuvre pour obtenir ce soutien du CNC dans la mise en accessibilité des œuvres cinématographiques.

Mais une victoire en trompe-l’œil. Dans les faits, l’accès à ce dispositif reste souvent bien théorique et ne concerne pas les films étrangers.

Une chaîne de l’accessibilité presque jamais respectée

Le premier problème est quantitatif. Très peu de salles de cinéma diffusent les films en audiodescription. En mars 2023, le CNC a mené une enquête sur le sujet, à laquelle seulement 28 % des exploitants ont répondu. Parmi eux, moins d’un sur cinq (18 %) a déclaré en proposer. Et encore, pas dans toutes leurs salles, la plupart du temps. Quant à ceux disposant de seulement quelques écrans équipés, plus de la moitié (53 %) n’envisageaient pas de déployer le dispositif dans leurs autres salles.

« Ne pas proposer d’audiodescription est illégal »

« Il n’existe pas grand-chose sur le plan juridique, commente Sylvain Nivard, vice-président de la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes (CFPSAA), très investi sur le sujet. Si ce n’est la loi de février 2005 obligeant les établissements recevant du public à être accessibles. Concernant les cinémas, il est donc communément admis que cela englobe l’équipement des salles pour l’audiodescription. Ne pas la proposer est donc illégal. »

Second problème : lorsque les exploitants diffusent des films audiodécrits, ils ne garantissent pas pour autant l’accès à leurs informations à tous les publics, et notamment aux déficients visuels. Parmi les répondants à l’enquête du CNC, à peine plus d’un quart (28 %) affirment disposer d’un site internet accessible. Un quart seulement indique la présence de ces versions en audiodescription sur AlloCiné, et sept sur dix l’annoncent dans leur programme. Quant à acheter un billet, mieux vaut ne pas songer à le retirer d’une borne de vente dans le hall du cinéma : cinq établissements répondants seulement disent les avoir rendues utilisables à ceux qui ne peuvent pas voir l’écran.

L’enjeu de l’accessibilité reporté sur les usagers

Le choix du matériel de diffusion, lui, s’avère loin d’être anodin. Jusqu’à récemment, la plupart des salles mettaient à disposition des spectateurs des boîtiers et des casques. Désormais, lorsqu’elles s’équipent, elles privilégient surtout des solutions basées sur des applications.

Ce qui suppose que les spectateurs viennent avec un smartphone. « Les applications reportent l’enjeu de l’accessibilité sur l’usager », regrette Sylvain Nivard. Certaines applications vont jusqu’à imposer le téléchargement de la bande-son avant d’arriver en salle, celle-ci se synchronisant avec le film lorsqu’il commence. Une nouvelle inégalité en matière d’accessibilité, directement liée à la capacité à utiliser les outils numériques.

Une récompense pour la meilleure audiodescription

Les Marius de l’audiodescription priment chaque année la meilleure audiodescription parmi les sept films que  l’Académie des César a retenus dans la catégorie “Meilleur film”. C’est un jury majoritairement composé de déficients visuels qui décerne ce prix.

Pour sa 8édition, il sera remis le 25 février 2025 au CNC. Pour intégrer le jury, les candidatures sont possibles jusqu’au 20 janvier, en adressant un mail à : marius-audiodescription@orange.fr

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