Banlieues, terres de handicap
Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, 10 % des habitants sont reconnus handicapés, contre 6 % ailleurs. Le gouvernement veut leur permettre d’accéder plus facilement à leurs droits.
C’est une séquence comme l’Élysée les affectionne. Hier, lundi 13 novembre, Emmanuel Macron a pris un bain de foule à Clichy-sous-Bois, dans la banlieue de Paris. C’est dans cette la ville de Seine-Saint-Denis qu’ont démarré les émeutes urbaines en 2005. « Je suis venu pour montrer une autre image de Clichy-sous-Bois et des banlieues », a déclaré le président de la République.
Dans la foulée, il s’est rendu à Tourcoing, l’une des villes les plus pauvres de France. Il y annoncé, ce mardi midi, des mesures à destination des habitants des 1 514 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
Deux fois plus d’allocataires de l’AAH
Ces QPV concentrent en effet chômage et pauvreté. Autre caractéristique méconnue, « les situations de handicap y sont plus fréquentes », rappelle le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) dans une récente note. 4,6 % des résidents âgés de 15 à 64 ans (1) y bénéficient de l’allocation adulte handicapé (AAH). Deux fois plus que dans les agglomérations dans lesquelles se trouvent ces quartiers.
Un lien fort entre handicap et banlieues
L’AAH étant soumise à conditions de ressources (2), il est donc logique que les allocataires soient proportionnellement plus nombreux dans les quartiers défavorisés. Mais cela n’explique pas tout. 10 % de la population des quartiers prioritaires déclarent en effet avoir une reconnaissance administrative du handicap ou de perte d’autonomie. Ce chiffre n’est que 6,2 % pour la population dans les unités urbaines englobantes et de 6,6 % pour l’ensemble de la population. Il y a donc un lien fort entre handicap et quartiers prioritaires de la ville.
Conditions de vie plus difficiles
Un lien à double sens. Certaines personnes handicapées vivent dans ces quartiers parce qu’elles n’auraient pas les moyens financiers de vivre ailleurs si elles le souhaitaient. Mais, comme l’ont montré de nombreuses études, le milieu social influe aussi sur la survenue du handicap. Plus il est modeste, plus la prévalence des déficiences est élevée. Des conditions de vie plus difficiles, des métiers physiquement plus éprouvants ou bien encore une moindre connaissance des enjeux sanitaires accroissent en effet les risques.
Les MDPH doivent faire mieux
Selon le CGET, les habitants de ces quartiers ne connaissent pas suffisamment leurs droits et ne les font pas assez valoir. Les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ne mènent pas une une politique suffisamment volontariste sur le sujet, soulignent les auteurs de la note. Faute de moyens « dans un contexte budgétaire déjà contraint ».
Mais aussi parce l’universalité des droits « ne les incline pas spontanément à avoir une approche spécifique par type de public, en fonction de ses caractéristiques socio-économiques ou de son lieu de vie ».
Des antennes pour favoriser l’accès aux droits
Le CGET encourage donc les MDPH à déployer des antennes ou des permanences dans ces quartiers. Comme elles le font déjà, plus fréquemment, en milieu rural. « Sur certains territoires, la mise en place de ce maillage a permis de réorganiser les activités pour optimiser les délais de traitement des demandes, précisent les auteurs. Cela contribue aussi à réduire le nombre de personnes ne recourant pas aux droits dont elles pourraient bénéficier. »
Un objectif retenu par le gouvernement
« Améliorer l’accès aux droits des personnes en situation de handicap des territoires les plus vulnérables » représente d’ailleurs l’un des grands objectifs à cinq ans retenus par le Comité interministériel du handicap qui s’est tenu le 20 septembre. Comment ? En développant « les partenariats entre les MDPH, les communes et les Maisons de services au public ». Dans les quartiers politique de la ville, entre autres.
Il aurait été illusoire d’attendre qu’Emmanuel Macron aille plus loin sur ce sujet dans son discours prononcé à Tourcoing, de portée plus large. Mais il serait légitime que le gouvernement donne aux MDPH les moyens d’atteindre cet objectif. Franck Seuret
(1) Ce chiffre sous-estime la réalité car il devrait prendre en compte la seule population des 20-64 ans, l’AAH n’étant attribuable qu’à partir de 20 ans. Or, cette donnée n’est pas disponible pour les QPV.
(2) Les allocataires ayant un taux d’incapacité d’au moins 50 % peuvent en bénéficier seulement si leurs revenus sont inférieures à un certain plafond.
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