Le handicap s’invite dans la rentrée littéraire
En cette rentrée littéraire, 490 romans et récits sortent en librairies. Un moment éditorial très attendu chaque année dans lequel la thématique du handicap est présente. Faire-face.fr a repéré trois ouvrages, dont le très beau livre de Minh Tran Huy sur son fils Paul, atteint de troubles du spectre autistique.
La rentrée littéraire 2021 avait été marquée par le roman de Clara Dupont-Monod, S’adapter, salué par trois prix. Cette année, le handicap a inspiré aussi trois livres qui ont retenu toute l’attention de Faire-face.fr.
♥♥♥ Un enfant sans histoire, Minh Tran Huy
« Ce livre, je l’ai écrit pour donner une forme au chagrin sans nom qui nous a dévastés, mon mari et moi, et une histoire à un enfant qui semblait condamné, comme 350 000 de ses semblables en France, à n’en avoir aucune. » Si du propre aveu de la romancière et journaliste Minh Tran Huy, il lui a fallu du temps pour savoir comment raconter la vie de son fils Paul, autiste, force est de reconnaître qu’elle y est magnifiquement parvenue. Sans doute grâce au procédé de narration retenu qui consiste à juxtaposer les parcours de l’Américaine Temple Grandin et de son fils aîné, âgé de 9 ans.
Il en faut du courage – même si l’autrice réfute le terme – pour mettre en parallèle ces trajectoires quand la lucidité ramène au constat que votre enfant ne pourra à terme que « vivre dans un établissement spécialisé ». Temple et Paul sont « deux faces d’une même pièce », «le chemin de l’un ne prend vraiment sens que par rapport à celui de l’autre ».
Beaucoup de parents se reconnaîtront dans le combat quotidien de ce couple. L’énergie déployée pour surnager quand tout s’écroule autour de soi. La force de ce livre est de dépasser le simple témoignage. Grâce à l’écriture, ce parcours de vie prend une dimension universelle, agit comme un baume apaisant pour consoler, sinon guérir de cet incommensurable chagrin. Paul ne rejoindra jamais ses parents « sur le rivage de la normalité ». « La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil » : Minh Tran Huy aurait pu mettre en exergue de son très beau livre cette phrase du poète René Char.
Un enfant sans histoire, Minh Tran Huy, éd. Actes Sud, 208 p., 21,50 €.
♥♥ Les Bienheureux, Julien Dufresne-Lamy
C’est un livre hybride, à mi-chemin entre l’enquête journalistique et la narration intime. Un regard respectueux, à juste distance du handicap. Car, les neuf personnages de Julien Dufresne-Lamy, ses neuf « bienheureux », ont tous en commun d’être touchés par le syndrome de Williams-Beuren, une maladie génétique qui entraîne un déficit intellectuel, une malformation du cœur et des caractéristiques physiques et comportementales particulières, notamment une hyper-sociabilité.
« Il y a dans chaque maladie rare le chuchotement d’un roman, le frémissement d’une histoire », écrit l’auteur dans son prologue. Alors, il ne reste plus qu’à tendre l’oreille, écouter, questionner pour raconter la vie de Thomas, d’Axelle, de Marius, de Marie et des autres. Dévoiler sans les trahir leurs joies, leurs peines, leurs émois, leurs déceptions. Auréoler ces neuf filles et garçons, et aussi leur entourage, d’une lumière douce et nouvelle, presque inédite.
Dans ce récit choral, se croisent les souvenirs émus d’un père à qui une généticienne a dressé la liste de tout ce que son enfant ne pourra accomplir. Ou ceux d’une mère qu’une directrice d’école a culpabilisé de vouloir mettre son enfant à la maternelle pour maintenir une activité professionnelle. Julien Dufresne-Lamy entremêle les histoires de ces enfants au parcours singulier, souligne leurs ressemblances et leurs dissonances. Il montre surtout que s’ils sont atteints par la même maladie rare, chacun demeure unique et « précieux ».
Les Bienheureux, Julien Dufresne-Lamy, éd. Plon, 240 p., 19 €.
Et aussi : Mon frère chasse les dinosaures, Giacomo Mazzariol
Nous n’avons pas encore pu le découvrir, mais le livre du jeune auteur italien Giacomo Mazzariol mérite sans nul doute qu’on s’y arrête en cette rentrée littéraire. La naissance d’un petit frère remplit Giacomo de bonheur. Mais lorsque ses parents l’avertissent que Giovanni est “spécial”, il l’imagine en super-héros. En fait, le petit garçon est porteur de trisomie 21. Une nouvelle pas facile à assumer vis-à-vis des copains. Ce livre a remporté un beau succès en Italie, et a même été adapté au cinéma en 2019.
Mon frère chasse les dinosaures, Giacomo Mazzariol, éd. Slatkine & Cie, 184 p., 15€.
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