Premiers secours en santé mentale, les autres gestes qui sauvent
Savoir repérer les troubles psychiques, trouver les mots pour en parler, informer et encourager à consulter… Depuis 2018, tout citoyen adulte peut se former aux premiers secours en santé mentale. Pour venir en aide aux personnes en souffrance mais aussi pour faciliter l’accès aux soins en luttant contre les préjugés.
Se former aux premiers secours en santé mentale ? Quand on le lui a proposé, Magali Do Souto s’est d’abord interrogée. En avait-elle vraiment besoin, elle qui n’accompagnait personne au sein de Passerelle 45, une petite association œuvrant dans le champs du handicap psychique ? « Tu verras, ça sert à tout le monde ! », lui a répondu sa directrice.
De fait, la responsable administrative et financière est sortie bouleversée de ces deux jours de formation. « Lorsque nous avons abordé les troubles anxieux, je me suis rendu compte que je m’y prenais mal avec un proche qui en souffrait. Je rationalisais en permanence au lieu de l’écouter et de le rassurer, regrette-t-elle. Finalement, j’ai pu l’aiguiller vers un professionnel. »
Et d’ajouter : « Je milite depuis toujours pour qu’on forme dès le plus jeune âge aux gestes qui sauvent. Mais en réalité, on a plus de probabilité de côtoyer quelqu’un qui va faire une dépression que de voir une personne s’écrouler dans la rue. »
Un plan d’action accessible à tout citoyen
C’est bien de ce constat que sont partis les fondateurs de l’association Premiers secours en santé mentale France (PSSM), en adaptant, en 2018, le programme australien Mental Health First Aid. Pour proposer à tout citoyen, sur le modèle de la formation aux premiers secours physiques, un plan d’action simple afin de venir en aide aux personnes souffrant de troubles mentaux.
« L’exemple type, c’est ce collègue qui a du mal à faire son travail comme avant. Il ne mange plus avec les autres. Il est irritable…, explique Jacques Marescaux, président de PSSM France. Le secouriste en santé mentale saura l’aborder sans être intrusif. Et mettre en œuvre le plan Aérer, pour “approcher, écouter, réconforter, encourager, renseigner”. »
Dépression, anxiété, consommation de substances…
Concrètement, il s’agit de repérer les troubles de l’humeur, anxieux, post-traumatiques, mais aussi liés à l’utilisation de substances comme l’alcool. Ou encore les troubles psychotiques qui peuvent se manifester par des hallucinations, des idées délirantes. De faire alors part de son inquiétude à la personne concernée. Et de lui conseiller d’aller voir un soignant, de se tourner vers des associations, des livres, des lignes d’écoute…
Et ce, dans une urgence et un contexte qui ne sont pas ceux des premiers secours physiques. « Le secouriste en santé mentale intervient rarement en cas de crise. Il doit souvent s’armer de patience pour accompagner vers le soin », note Jacques Marescaux.
« Il y a beaucoup d’ignorance et de préjugés autour de la santé mentale. Des préjugés que partagent parfois les personnes atteintes de troubles psychiques. Qu’il suffit de se secouer, par exemple », poursuit-il.
Déni et minimisation des troubles psychiques
Un déni et une minimisation qui amènent à une troisième différence avec le secourisme physique. Il faut connaître la personne pour intervenir en santé mentale. Pour juger du changement de ses représentations, de son comportement, de son discours… Pour mesurer l’impact que ce changement a sur sa vie. Et pour constater qu’il s’inscrit dans la durée.
En clair, qu’il ne s’agit pas d’un simple coup de blues, d’un moment de tristesse normal après une déception ou un coup dur. Pas question pour autant d’établir un diagnostic. Ni de gérer une crise pour laquelle il faudra appeler les soignants.
La formation aux premiers secours en santé mentale donne néanmoins quelques clés pour aborder ce type de situation. Pour désamorcer l’agressivité, par exemple. Elle pose aussi un certain nombre de précautions à prendre, comme de s’assurer de sa disponibilité. Impossible, en effet, de laisser en plan une personne qui vient de confirmer ses idées suicidaires.
Objectif 750 000 secouristes en 2030
Au 1er septembre 2022, la France comptait 29 577 secouristes en santé mentale et 616 formateurs accrédités. L’association PSSM France est l’organisme qui forme les formateurs. Ces derniers organisent ensuite les sessions de formation aux premiers secours en santé mentale. Le module standard de quatorze heures comprend des mises en situation, des vidéos, des jeux de rôle. Il est complété par un manuel remis au secouriste.
Un programme “jeunes” est également en cours de déploiement, destiné aux adultes vivant ou travaillant avec des adolescents. Un programme “ados” suivra, qui, lui, s’adressera aux collégiens et aux lycéens dans un format plus court.
Si le Gouvernement soutient le déploiement des premiers secours en santé mentale, avec un objectif de 150 000 secouristes en 2025 (mesure 12 des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, septembre 2021), PSSM France ambitionne, elle, d’atteindre 750 000 secouristes en 2030. Dans ce but, l’association a entrepris des démarches pour que la formation soit éligible au compte personnel de formation (CPF).
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